Gilles Tremblay (1938-2014)

Arsène et Girerd, On a volé la coupe Stanley, 1975, p. 39

Gilles Tremblay est mort ce matin. Après avoir été ailier gauche pour les Canadiens de Montréal — c’est du hockey — de 1960 à 1969, il a été commentateur des matchs de l’équipe à la télévision de Radio-Canada de 1971 à 1999. Il a donc été un des premiers joueurnalistes de l’histoire de ce sport.

Contrairement à son coéquipier Jean Béliveau, il n’apparaît que dans peu d’œuvres artistiques. Il fait une courte apparition dans la pièce de théâtre la Coupe Stainless de Jean Barbeau (1974) et dans la bande dessinée d’Arsène et Girerd On a volé la coupe Stanley (1975, p. 39; voir ci-dessus), et son nom est mentionné à plusieurs reprises dans Des histoires d’hiver avec encore plus de rues, d’écoles et de hockey de Marc Robitaille (2013).

À la télévision, il a notamment travaillé avec Richard Garneau et René Lecavalier. Il a manifestement servi de modèle au personnage de Granger dans un roman du premier, Train de nuit pour la gloire ou 45 jours à la conquête de la coupe Stanley (1995). François Hébert l’a uni indissociablement au second, lui qui écoutait «religieusement les commentaires de ces fins exégètes que sont René Lecavalier et Gilles Tremblay, qui me font un peu penser, toutes proportions gardées, à Don Quichotte et Sancho Pança» (1996, p. 212).

Gilles Tremblay a cependant eu droit à sa biographie, signée par Guy Robillard (2008).

P.-S. — On signalera aussi, pour mémoire, les attaques de Michel-Wilbrod Bujold contre les Tremblay — Gilles, Mario, Réjean — à la fin de ses Hockeyeurs assassinés (1997, p. 131-135).

 

[Complément du 30 novembre 2014]

La culture télévisuelle de l’Oreille tendue laisse parfois à désirer. Un lecteur qui en a une meilleure lui fournit l’information suivante :

Le personnage de Gilles Tremblay apparaissait dans les sketchs de Rock et belles oreilles aux côtés de René Lecavalier, joué brillamment par André Ducharme. «Gilles» ne disait jamais un mot… Au début, le «rôle» était tenu par Sylvain Ménard, le directeur technique de RBO; ensuite on l’a remplacé par un mannequin, muet lui aussi.

Merci.

 

[Complément du 10 mai 2018]

Sur son blogue, le Machin à écrire, Nicolas Guay a une très belle série de souvenirs, sous le titre «Passé simple». Voici le 35e texte, «Papa» :

Papa qui porte des favoris. Papa qui me précède dans les pistes de ski de fond du parc des Salines. Papa qui dit : « T’es bin sarfe » pour me taquiner. Papa parti travailler. Papa qui m’envoie en pénitence dans ma chambre. Le son matinal du rasoir électrique de papa alors que je suis encore couché. Papa qui me coupe les cheveux. Papa qui simonize la voiture. Papa qui commente à voix haute les nouvelles à la télé. Papa, ailleurs dans la maison pendant que je fais des dessins dans ma chambre. Papa qui taille les haies avec de grands ciseaux. Papa qui se moque des mimiques et du parler de Gilles Tremblay à la Soirée du hockey.

 

Références

Arsène et Girerd, les Enquêtes de Berri et Demontigny. On a volé la coupe Stanley, Montréal, Éditions Mirabel, 1975, 48 p. Bande dessinée. Premier et unique épisode des «Enquêtes de Berri et Demontigny». Texte : Arsène. Dessin : Girerd.

Barbeau, Jean, la Coupe Stainless, dans la Coupe Stainless. Solange, Montréal, Leméac, coll. «Répertoire québécois», 47-48, 1974, p. 7-89.

Bujold, Michel-Wilbrod, les Hockeyeurs assassinés. Essai sur l’histoire du hockey 1870-2002, Montréal, Guérin, 1997, vi/150 p. Ill.

Garneau, Richard, Train de nuit pour la gloire ou 45 jours à la conquête de la coupe Stanley. Roman, Montréal, Stanké, 1995, 239 p.

Hébert, François, «La Bible de Thurso», Liberté, 152 (26, 2), avril 1984, p. 14-23. Repris dans Jean-Pierre Augustin et Claude Sorbets (édit.), la Culture du sport au Québec, Talence, Éditions de la Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine et Centre d’études canadiennes, coll. «Publications de la MSHA», 220, 1996, p. 207-213. https://id.erudit.org/iderudit/30741ac

Robillard, Guy, Gilles Tremblay. 40 ans avec le Canadien, Montréal, Éditions Au carré, 2008, 239 p. Ill. Préfaces de Jean Béliveau et Réjean Tremblay.

Robitaille, Marc, Des histoires d’hiver avec encore plus de rues, d’écoles et de hockey. Roman, Montréal, VLB éditeur, 2013, 180 p. Ill.

Coudon(c) !

Réjean Ducharme, Dévadé, 1990, couverture

Pas plus tard que la semaine dernière, l’Oreille tendue twittait ceci : «Mon fils de 11 ans vient de dire “du coup”. Je pense à le déshériter.» Réponse, sibylline pour certains, de François Bon : «coudonc…».

Coudon(c), donc.

La graphie n’est pas fixée. Au «coudonc» de l’ami François ou de @Dutrizac répondent le «coup donc» de Sylvain Hotte (Attaquant de puissance, p. 218) et le «coudon» de Réjean Ducharme (Dévadé, p. 44) ou de Marc Beaudet et Luc Boily (Gangs de rue, p. 17).

@machinaecrire en propose l’origine suivante : «Principe d’économie : “Écoute donc” devient “‘cout’donc” devient “coudonc” devient “coudon”. Ah bin, coudon.» Il rejoint par là le Dictionnaire de la langue québécoise (1980) de Léandre Bergeron (p. 151), qui choisit la graphie coudon.

Quel est le sens de cette interjection ? Ce n’est pas plus simple. Voici au moins deux possibilités.

Elle marque l’exaspération : Où t’a mis l’aide maritale, coudon !?

Elle peut clore une discussion, faute d’argument à opposer à son interlocuteur : Il a marié sa sœur ?! Coudonc…

Il existe aussi un usage vaguement interrogatif.

Coudon(c), è don ben bruyante, ton aide maritale ?!

On l’aura compris : le c final ne se prononce habituellement pas.

 

[Complément du 27 octobre 2014]

Un linguiste était bien sûr déjà passé par là :

Laurendeau, Paul, «Description du marqueur d’opérations coudon dans le cadre d’une théorie énonciative», Revue québécoise de linguistique, 15, 1, 1985, p. 79-116. https://doi.org/10.7202/602550ar

Merci à Dominique Garand pour le lien.

 

[Complément du 2 novembre 2018]

L’Oreille ne connaissait pas la graphie ‘coudonc (avec apostrophe inversée initiale). Elle la découvre dans le plus récent recueil de «récits» de Michel Tremblay, Vingt-trois secrets bien gardés (p. 45, p. 70, p. 91).

 

[Complément du 26 mars 2019]

Dès 1937, la brochure le Bon Parler français déplorait la réduction de «Écoute donc» à «Coudon» (p. 10).

 

Références

Beaudet, Marc et Luc Boily, Gangs de rue. Les Rouges contre les Bleus, Brossard, Un monde différent, 2011, 49 p. Bande dessinée.

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Le Bon Parler français, La Mennais (Laprairie), Procure des Frères de l’Instruction chrétienne, 1937, 24 p.

Ducharme, Réjean, Dévadé. Roman, Paris et Montréal, Gallimard et Lacombe, 1990, 257 p.

Hotte, Sylvain, Attaquant de puissance, Montréal, Les Intouchables, coll. «Aréna», 2, 2010, 219 p.

Tremblay, Michel, Vingt-trois secrets bien gardés. Récits, Montréal et Arles, Leméac et Actes Sud, 2018, 106 p.

Le niveau baisse

(«Le niveau baisse !» est une rubrique dans laquelle l’Oreille tendue collectionne les citations sur le déclin [supposé] de la langue. Les suggestions sont bienvenues.)

«Le niveau baisse année après année
depuis les Sumériens environ.»
@Jean_no

Certains le claironnent : le niveau baisse. La preuve ? Le gazon était plus vert avant. La neige était plus blanche avant. Les enfants étaient mieux élevés avant. Cette constatation n’est pas neuve :

Périclès dit alors : «Je m’étonne, Socrate, que la cité ait à ce point décliné. — Pour ma part, dit Socrate, je crois qu’à la façon de certains athlètes qui, en raison de leur grande supériorité et de leur domination, se laissent aller et ainsi deviennent inférieurs à leurs adversaires, de même aussi les Athéniens, après avoir joui d’une grande suprématie, en sont venus à se négliger et ont pour cette raison dégénéré.»

Cela se trouve dans les Mémorables de Xénophon (livre 3, chapitre 5). Les choses vont donc de plus en plus mal depuis (au moins) vingt-cinq siècles.

En matière de langue, «Le niveau baisse» est une scie qui a une longue histoire, particulièrement chez les professeurs, ces êtres qui vieillissent devant des classes qui ont toujours le même âge. Certains joignent leur voix aux discours les plus alarmistes, d’autres étudient l’idée même de crise de la langue pour en mettre au jour les enjeux idéologiques.

Pour essayer d’y voir un peu plus clair, commençons par deux brefs quiz.

I.

Soit les titres de livres suivants : la Crise du français, le Massacre de la langue française, 11 + 1 propositions pour défendre le français, Au secours de la langue française, Mort ou renouveau de la langue française, le Français langue morte.

Soit les dates suivantes : 1930, 2011, 1957, 1923, 1909, 1930.

Associez un titre et sa date de parution.

II.

Soit les déclarations suivantes : «La piètre qualité du français chez les jeunes Québécois revient sporadiquement dans le débat public, donnant lieu à de hauts cris, à des réformes et à des coups de barre»; «Il est ordinaire de trouver des rhétoriciens qui n’ont aucune connaissance des règles de la langue française, et qui en écrivant pèchent contre l’orthographe dans les points les plus essentiels»; «On ne sait presque plus le français; on ne le parle plus. Si la décadence continue, cette belle langue deviendra une sorte de jargon à peine intelligible»; «Les jeunes d’aujourd’hui n’ont plus le sens de la langue, ne connaissent plus la syntaxe, s’égarent dans la loi de la concordance des temps, ils s’expriment par des exclamations, des vocatifs, des phrases tronquées du verbe principal ou du complément direct.»

Soit les dates suivantes : fin du XVIIe siècle, 1957, 22 mai 2014, 1854.

Associez une déclaration et la date où elle a été faite.

(Ces deux quiz sont inspirés d’un article de Jean-Marie Klinkenberg paru en 1992.)

Réponses

I.

11 + 1 propositions pour défendre le français, 2011

Mort ou renouveau de la langue française, 1957

Le Massacre de la langue française, 1930

Au secours de la langue française, 1930

Le Français langue morte, 1923

La Crise du français, 1909

II.

«La piètre qualité du français chez les jeunes Québécois revient sporadiquement dans le débat public, donnant lieu à de hauts cris, à des réformes et à des coups de barre», la Presse+, 22 mai 2014.

«Les jeunes d’aujourd’hui n’ont plus le sens de la langue, ne connaissent plus la syntaxe, s’égarent dans la loi de la concordance des temps, ils s’expriment par des exclamations, des vocatifs, des phrases tronquées du verbe principal ou du complément direct», Gérard Filion, le Devoir, 1957.

«On ne sait presque plus le français; on ne le parle plus. Si la décadence continue, cette belle langue deviendra une sorte de jargon à peine intelligible», Lamennais, avant 1854.

«Il est ordinaire de trouver des rhétoriciens qui n’ont aucune connaissance des règles de la langue française, et qui en écrivant pèchent contre l’orthographe dans les points les plus essentiels», Nicolas Audry, fin du XVIIe siècle.

Bref, les choses ne vont pas bien, et depuis longtemps. Si ces Cassandre avaient raison, on serait en droit de se demander comment il se fait que nous parlions encore français aujourd’hui, et comment il se fait que nous puissions encore comprendre ces textes rédigés dans une langue présumée morte.

On s’en doute : les choses ne sont pas aussi tranchées. Il n’y a pas, en matière de langue, un avant édénique, aux bornes chronologiques jamais définies, et un après infernal (aujourd’hui). Il faut nuancer ce genre d’affirmations sur plusieurs plans. (Plusieurs des exemples qui suivent proviennent du Québec. Ils ont néanmoins une valeur qui dépasse cette situation particulière.)

Il faudrait d’abord dire de quel niveau il s’agit. Du niveau de l’orthographe ? Du niveau de la syntaxe ? Du niveau du lexique ? (Pour le français québécois, cela impliquerait une réflexion sur le rapport à l’anglais.) On peut supposer que tous ces plans de la maîtrise linguistique ne sont pas dans le même état de crise. S’ils l’étaient, ce mot de crise ne serait pas assez fort.

Parmi les nombreux problèmes que pose la phrase «Le niveau baisse», il y a celui de sa généralité. Tout baisserait, sans que soient faites les distinctions nécessaires. Prenons trois exemples. L’Oreille tendue a beaucoup travaillé sur le discours sportif; elle peut vous assurer que la qualité de la langue des journalistes de la presse sportive écrite québécoise est bien meilleure en 2014 qu’elle ne l’était au début du XXe siècle. (Parfaite, non. Meilleure, oui.) Ouvrez un journal québécois des années 1950 et lisez les publicités; si les anglicismes vous rebutent, vous risquez de ne pas vous en remettre. Les vocabulaires spécialisés, techniques et scientifiques notamment, ont longtemps fait défaut en français; grâce à des organismes comme l’Office québécois de la langue française, ce n’est plus le cas. Sur ces trois plans, comme sur d’autres, le niveau monte.

On vient de le voir : pour comparer des états de langue, il faut des données comparables. On peut comparer les textes journalistiques, les publicités écrites et les répertoires terminologiques d’hier à ceux d’aujourd’hui. Mais comment comparer des états de langue orale ? On entend parfois telle chroniqueuse vanter la langue impeccable de sa mère ou de sa grand-mère, elle qui n’avait qu’une «cinquième année». Cela est peut-être vrai, mais, à l’oral, sauf pour des périodes récentes, c’est invérifiable et, dès lors, inutilisable dans une démonstration raisonnée.

Une façon de procéder consiste à mener périodiquement des enquêtes sur la perception qu’ont les gens de la langue qu’ils parlent et de son évolution. En 1991, par exemple, Martine Garsou publiait un texte sur l’Image de la langue française. Enquête auprès des Wallons et des Bruxellois. Résultats, tels que résumés par André Bénit ? Les Belges francophones disent que leur langue est «en crise mais pensent la maîtriser mieux que leurs parents» (2000, p. 95). Pour résumer : si on prend les individus isolément, le niveau monte, disent-ils; si on les prend globalement, en additionnant les individus, il doit donc monter aussi; en affirmant, dans le même temps, que le niveau baisse, les individus sondés laissent entendre que c’est le niveau des autres, jamais le leur, qui baisse. Où la psychologie rejoint la linguistique.

Il faudrait non seulement pouvoir comparer des données comparables, mais aussi des conditions sociales semblables. Pendant longtemps, la maîtrise de la langue a été l’apanage des conditions sociales élevées : elles seules faisaient de longues études, quand elles n’étaient pas les seules à faire des études tout court. Ce n’est plus vrai : à partir du moment où la plupart des sociétés ont rendu l’éducation obligatoire, elles ont dû transmettre une forme de maîtrise linguistique à des populations qui jusque-là en étaient formellement exclues. En élargissant la population scolarisée, la démocratisation de l’éducation a considérablement modifié la base statistique des comparaisons en matière de langue.

S’ajoute à cela le fait que les sociétés actuelles produisent des mots plus qu’à tout autre moment de l’histoire. Internet, pour ne prendre que cet exemple, a multiplié les corpus linguistiques de façon phénoménale : il n’y a jamais eu autant de traces de mots qu’aujourd’hui. Quel effet cela a-t-il sur le sujet qui nous intéresse ? Encore une fois, les comparaisons risquent d’être faussées entre les données disponibles pour décrire la situation contemporaine et les données du passé. S’il est vrai qu’il y a parfois de quoi désespérer à lire les commentaires des internautes sur les grands sites d’information, il est bon de se rappeler que l’on ne dispose de rien de tel pour la période, pour faire vite, qui précède les années 1990.

Dernière nuance à apporter, du moins pour l’instant. Selon le discours médiatique et le discours commun, un des signes les plus sûrs de la baisse du niveau linguistique serait la langue des jeunes, plus particulièrement la langue des réseaux sociaux. À lire leurs textos, on aurait la preuve incontestable du fait qu’ils ne savent pas / plus écrire. C’est faire l’économie de plusieurs considérations. De considérations techniques : selon l’appareil sur lequel ils écrivent, les jeunes (et les moins jeunes aussi) rédigent de façons diverses; maintenant qu’il a changé de téléphone, le fils aîné de l’Oreille vient de réintroduire les apostrophes dans ses textos, alors que c’était trop compliqué de les utiliser auparavant, prétend-il, à cause de son ancien clavier. De considérations d’usage : les travaux sur la langue des réseaux sociaux, par exemple ceux d’Anaïs Tatossian (2010), montrent bien que les élèves font parfaitement la part des choses, sur le plan de la langue, entre les messages qu’ils envoient à leurs amis et les devoirs qu’ils remettent à leurs professeurs. De considérations lexicales : selon le linguiste David Crystal (2008), l’effet de la langue des textos sur le vocabulaire reste encore à démontrer. De considérations démographiques : c’est qui, ça, les jeunes ? Juger l’état actuel de la langue à partir d’impressions venues des réseaux sociaux est bien risqué.

Le niveau baisse ? Pas si vite, donc. La position de l’Oreille tendue serait la suivante : ni jovialiste — il y a des raisons de s’inquiéter dans certains secteurs de l’activité humaine (l’éducation, les médias) —, ni alarmiste — tout n’est pas uniment négatif. C’est plus facile à dire qu’à faire.

P.-S.—L’Oreille tendue remercie son collègue Louis-André Dorion pour la citation de Xénophon.

P.-P.-S.—Elle abordait la question du niveau qui baisse ici même le 18 juillet.

P.-P.-P.-S.—«Le niveau baisse» fait partie des idées reçues démontées par Chantal Rittaud-Hutinet en 2011.

 

[Complément du 3 août 2014]

Le narrateur du roman les Taches solaires de Jean-François Chassay (2006) est plus direct : «Je sais seulement que ceux qui affirment que “le niveau baisse”, que la culture s’en va à vau-l’eau, que les jeunes ne savent plus rien, que les gens ne savent plus travailler, que les gens n’ont plus d’éthique, eh bien, je sais seulement que ceux qui disent cela sont des imbéciles» (p. 355).

 

[Complément du 26 août 2014]

Le romancier Chassay a de la suite dans les idées, comme le montre ce passage de l’Angle mort (2002) : «Certains s’ennuient de cette époque, nostalgisent sur cette période où personne n’allait à l’école hormis une infime minorité dont on essaie de nous faire croire que chacun de ses membres vouait une passion profonde à Héraclite et au grec ancien. Ils trouvent que “le niveau baisse”, c’est pour dire qu’on n’est pas encore sorti du bois et que certains ont besoin de lunettes» (p. 122).

 

[Complément du 11 novembre 2015]

On retrouvera des éléments de ce texte dans le plus récent ouvrage de l’Oreille tendue :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

 

Illustration : Michel Plourde, avec la collaboration de Hélène Duval et de Pierre Georgeault (édit.), le Français au Québec. 400 ans d’histoire et de vie, Montréal, Fides, Publications du Québec et Conseil de la langue française, 2000, 515 p., p. 150.

 

Références

Bénit, André, «Le malaise du français : prise de conscience ou crise de conscience ?», article électronique, 2000. http://dialnet.unirioja.es/descarga/articulo/1212374.pdf

Chassay, Jean-François, l’Angle mort. Roman, Montréal, Boréal, 2002, 326 p.

Chassay, Jean-François, les Taches solaires. Roman, Montréal, Boréal, 2006, 366 p. Ill.

Crystal, David, Txtng : The Gr8 Db8, Oxford, Oxford University Press, 2008, 256 p. Ill.

Garsou, Martine, l’Image de la langue française. Enquête auprès des Wallons et des Bruxellois, Bruxelles, Service de la langue française, coll. «Français & société», 1, février 1991.

Klinkenberg, Jean-Marie, «Le français : une langue en crise», dans le Français en débat, Bruxelles, Communauté française, Service de la langue française, coll. «Français et société», 4, 1992, p. 24-45. Repris dans Études françaises, 29, 1, printemps 1993, p. 171-190 et dans Jean-Marie Klinkenberg, la Langue et le citoyen. Pour une autre politique de la langue française, Paris, Presses universitaires de France, coll. «La politique éclatée», 2001, 196 p., p. 98-122.

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Plourde, Michel, avec la collaboration de Hélène Duval et de Pierre Georgeault (édit.), le Français au Québec. 400 ans d’histoire et de vie, Montréal, Fides, Publications du Québec et Conseil de la langue française, 2000, 515 p. Ill.

Rittaud-Hutinet, Chantal, Parlez-vous français ? Idées reçues sur la langue française, Paris, Le cavalier bleu éditions, coll. «Idées reçues», 2011, 154 p. Ill.

Tatossian, Anaïs, «Les procédés scripturaux des salons de clavardage (en français, en anglais et en espagnol) chez les adolescents et les adultes», Montréal, Université de Montréal, thèse de doctorat, novembre 2010, xxviii/214 p. https://doi.org/1866/6843

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture

Avant la Révolution tranquille et Les Cowboys fringants

«Et pis toué ma p’tite sœur
Es-tu toujours aussi perdue
C’est-i encore la grande noirceur
Ou ben si t’as r’pris l’dessus»
Les Cowboys fringants, «Toune d’automne», 2002

Au Québec, il y a un avant et un après Révolution tranquille.

Après, ce serait bien. Avant, ce serait la Grande Noirceur.

L’Oreille tendue, depuis toujours, avait l’impression que cette désignation de Grande Noirceur datait des années 1960. Elle se trompait. On la trouve notamment dans une caricature d’Albéric Bourgeois parue dans la Presse du 9 juin 1945 et reproduite dans l’ouvrage Albéric Bourgeois, caricaturiste (p. 270).

L’Oreille se couchera moins niaiseuse.

 

[Complément du 3 mars 2016]

En une formule, chez Gilles Marcotte, en 1996 : «Il n’y avait pas grand-chose de grand dans cette noirceur…» (p. 58).

 

[Complément du 19 août 2017]

Éclipse (à venir) oblige, @LeDevoir, sur Twitter :

«La grande noirceur, un moment attendu avec fébrilité», tweet, le Devoir, 19 août 2017

Celle-là est attendue.

 

[Complément du 29 septembre 2017]

Référendum catalan oblige, l’expression voyage.

«L’Espagne s’enfonce dans une grande noirceur», tweet, 29 septembre 2017

 

[Complément du 1er août 2023]

Elle continue son voyage autour du monde, dans le Devoir du jour.

Grande noirceur israëlienne, selon le Devoir du 1er août 2023

 

Références

Popovic, Pierre, Entretiens avec Gilles Marcotte. De la littérature avant toute chose, Montréal, Liber, coll. «De vive voix», 1996, 192 p. Ill.

Robidoux, Léon-A., Albéric Bourgeois, caricaturiste, Montréal, VLB éditeur et Médiabec, 1978, 290 p. Ill. Préfaces de Normand Hudon et de Robert LaPalme.