Tintin, Bruxelles, mars 2016

Des attentats terroristes ont frappé la Belgique ce matin. Hergé a été appelé à la rescousse, notamment sur Twitter.

http://twitter.com/MFBernier/status/712243782809493504

http://twitter.com/HamptonStall/status/712276237780197377

http://twitter.com/NoLoDigoEnSerio/status/712282372985769988

http://twitter.com/ornikkar/status/712207889352540160

André-Philippe Côté, la Presse+, 23 mars 2016 :

Caricature, André-Philippe Côté, la Presse+, 23 mars 2016

http://twitter.com/Assma_MD/status/712218603454599169

 

http://twitter.com/fabiennebouyer/status/712289042851893252

https://twitter.com/pierreyvesrevaz/status/713312496606642176

La Presse+, 25 mars 2016 :

Photo prise à Prague, la Presse+, 25 mars 2016

 

P.-S. — Ce site peut être utile.

P.-P.-S. — Plusieurs médias ont évoqué ces représentations tintinesques : le Devoir (ici et ), Radio-Canada, le Huffington Post France.

Être et avoir ? Oui

Pierre Popovic, Entretiens avec Gilles Marcotte. De la littérature avant toute chose, 1996, couverture

À l’occasion (ici, ), l’Oreille tendue aime rappeler qu’il est parfaitement légitime d’utiliser les verbes avoir et être, malgré ce que semblent croire des hordes de professeurs de français.

Elle s’est donc réjouie de (re)lire ceci, dans les entretiens qu’a donnés Gilles Marcotte à Pierre Popovic en 1996 sous le titre De la littérature avant toute chose :

Mais ce qui me frappait, qui m’attirait surtout dans ce livre [la Vie intellectuelle, 1921], c’était l’écriture. Le père Sertillanges était un bon écrivain. Il pratiquait une écriture très simple, économe, réduite à l’essentiel, très peu portée sur les figures de style. J’opposais cette langue-là à ce qu’exigeait de nous le professeur de rhétorique qui, lui, voulait nous faire suivre les conseils du manuel Durand, supprimer presque tous les mots non colorés, notamment les verbes être et avoir. Il les soulignait même, avec réprobation, dans les citations. J’ai vraiment opté, à ce moment-là, contre mon professeur, avec une conscience plus ou moins nette des enjeux, pour l’écriture simple contre l’écriture ornée, visiblement travaillée (p. 14-15).

Le conseil demeure est valable.

 

[Complément du jour]

S’agissant de la poésie de Saint-Denys Garneau :

D’autre part, la forme même de sa poésie me convenait tout à fait : cette poésie extrêmement simple, nue, qui aime le verbe être et le verbe avoir, qui n’emploie jamais de grands mots, qui reste tout près du murmure de la confidence, cela correspondait à l’idée que je me faisais instinctivement de l’écriture, de la poésie vraie (p. 53).

 

[Complément du 3 janvier 2017]

Dans son roman graphique Fun Home (2006), Alison Bechdel se souvient des commentaires d’un de ses professeurs sur un de ses devoirs de lettres :

Our papers came back bloodied with red marks—most lavishly the withering «WW» for «Wrong Word».
«Is» ? How can «is» be wrong ?
(éd. de 2014, p. 201).

En anglais comme en français, le verbe to be (être, «is») pourrait donc être le mauvais mot («Wrong Word»). Pourquoi ?

 

[Complément du 27 juin 2022]

Souvenir scolaire d’Élise Turcotte dans Autobiographie de l’esprit (2013) : «Je me souviens que le verbe être était interdit à l’école» (p. 42).

 

[Complément du 20 a0ût 2023]

On ne cesse, au Québec, de vanter les mérites linguistiques du descripteur sportif René Lecavalier. Quel conseil a-t-il donné à Claude Raymond, joueur de baseball reconverti en analyste télévisuel ? «Comme René Lecavalier me l’avait déjà conseillé, une des clés était de rester simple, de ne pas hésiter à utiliser les verbes avoir et être» (chapitre «Du haut de la passerelle», dans Frenchie).

 

Références

Bechdel, Alison, Fun Home. A Family Tragicomic, New York, A Mariner Book, Houghton Mifflin Harcourt, 2014, 232 p. Édition originale : 2006.

Popovic, Pierre, Entretiens avec Gilles Marcotte. De la littérature avant toute chose, Montréal, Liber, coll. «De vive voix», 1996, 192 p. Ill.

Raymond, Claude, avec Marc Robitaille, Frenchie. L’histoire de Claude Raymond. Récit biographique, Montréal, Hurtubise, 2022. Ill. Préface d’Yvan Dubois. Édition numérique.

Turcotte, Élise, Autobiographie de l’esprit. Écrits sauvages et domestiques, Montréal, La mèche, coll. «L’ouvroir», 2013, 229 p. Ill.

Maintenant

Claude-Henri Grignon et Albert Chartier, Séraphin illustré, 2010, p. 101

Ses graphies sont multiples et son usage courant au Québec. Justin Laramée, dans le collectif la Fête sauvage (2015), intitule un texte «Astheure» : «Astheure toujours / Nous dirons toujours Astheure / Et nous porterons le maintenant mains tenantes» (p. 30). Le poète François Hébert écrit «à c’tte heure» (p. 93), dans Toute l’œuvre incomplète (2010), mais pas seulement : «astheure, nous aimons ce mot» (p. 89); «Derechef, comme astheure, est un étourdissant adverbe» (p. 97). Le Dictionnaire de la langue québécoise de Léandre Bergeron a une entrée à «Astheure» et une à «Asthure» (1980, p. 51). C’est la première graphie qu’a retenue Jean-Claude Germain dans sa pièce Un pays dont la devise est je m’oublie, quand Louis Cyr s’adresse au hockeyeur Maurice Richard : «T’es Mau-ri-ce Ri-chard !… Ç’avait jamais été… pis ça sra jamais !… Çé !… Pis çé là astheure pour tout ltemps !» (1976, p. 136) Le dictionnaire en ligne Usito donne «astheure», «asteure» et «à c’t’heure».

L’expression n’est pas propre au français du Québec. Philippe Didion, dans ses Notules du 18 octobre 2015, emploie «asteure». Dès 1922, Joseph Dumais notait qu’elle existe en patois angevin («ast’ heure», p. 27). Le Belge Simenon, dans la Veuve Couderc (1942), écrit «à cette heure» (éd. de 2003, p. 1055).

Elle est ancienne, enfin. Elle est dans les Essais de Montaigne (III, 9), selon Mireille Huchon en 2002 («asture», p. 16). Jacques Chaurand, dans l’édition de 1987 de son Histoire de la langue française, la trouve en moyen français («asteure», p. 64).

Son sens ? Maintenant : Astheure, les choses sont peut-être un peu plus claires. Dans certaines constructions, le mot peut marquer l’exaspération : Qu’est-ce qu’y a astheure ? Son synonyme serait alors encore. Il peut former une conjonction de subordination : Astheure que ce texte est écrit, passons à autre chose.

P.-S. — Aux toutes premières lignes du roman Bonheur d’occasion (1945) de Gabrielle Roy, on lit : «À cette heure, Florentine s’était prise à guetter la venue du jeune homme qui, la veille, entre tant de propos railleurs, lui avait laissé entendre qu’il la trouvait jolie» (éd. de 1978, p. 11). Pierre Popovic a étudié cette tournure en 1999.

 

[Complément du 25 février 2016]

Trois réactions, sur Twitter, à ce texte.

@kwebek écrit que le mot est «Bien attesté aussi dans le Glossaire du parler français au Canada, qui en rappelle l’usage dans certaines régions de France». Ce Glossaire date de 1930.

@MichelFrancard signale l’existence d’asteûre en wallon.

@MFBernier rappelle qu’une chanson de Jean-Pierre Ferland s’intitule «À c’t’heure».

Puisqu’il est question de chanson, signalons celles-ci, qui toutes utilisent le mot astheure :

Oswald, «Les sports», 1960

Pierre Bertrand, «Hockey», 1978

Francine Raymond, «Tu peux t’en aller», 1993

Les Mecs comiques, «Le hockey est malade», 2001

Les Cowboys fringants, «Salut mon Ron», 2002

Oui, bien sûr, il s’agit uniquement de chansons qui portent sur le hockey, en tout ou en partie.

 

[Complément du 6 avril 2016]

Les Éditions du Boréal publient ces jours-ci des textes en français de Jack Kerouac sous le titre La vie est d’hommage. Leur éditeur, Jean-Christophe Cloutier, était interviewé dans le Devoir des 2 et 3 avril (p. F1-F2). Extrait :

Ayant étudié les révisions que Kerouac a faites dans ses manuscrits, le chercheur a pu constater son souci de corriger ses textes en supprimant certains anglicismes pour y insérer le bon mot en français. «Par exemple, il raye “la shoppe” et le remplace par “l’imprimerie”. Il peut choisir d’écrire “À cette heure” à un moment donné, et ensuite choisir une écriture phonétique changeante : “a s t heur”, “a s’t’heure” ou “astheure”» (p. F2).

 

[Complément du 11 juillet 2017]

Graphie d’Ancien Régime, chez Françoise de Graffigny, dans sa pièce Ziman et Zenise (1749, scène IX) : «à ste heure» (Théâtre de femmes de l’Ancien Régime, p. 300). [L’édition de 1775 donne «à stheure», p. 35.]

 

[Complément du 21 avril 2018]

En 1901, dans le troisième chapitre de la Langue française au Canada, Jules-Paul Tardivel écrit «à stheure» (cité ici).

 

[Complément du 13 février 2019]

Le linguiste Mathieu Avanzi, sur Twitter, publie la carte suivante, «Aire et vitalité du mot “asteur” d’après les enquêtes Français de nos Régions». Où l’on voit que le mot existe en français de référence.

Mathieu Avanzi, «Aire et vitalité du mot “asteur” d’après les enquêtes Français de nos Régions», 2019

[Complément du 26 mars 2019]

En 1937, la brochure le Bon Parler français considérait «À c’t’heure», mis pour «Maintenant», comme une «locution vicieuse» (p. 13).

 

Illustration : Albert Chartier, dans Claude-Henri Grignon et Albert Chartier, Séraphin illustré, Montréal, Les 400 coups, 2010, 263 p., p. 101. Préface de Pierre Grignon. Dossier de Michel Viau.

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Le Bon Parler français, La Mennais (Laprairie), Procure des Frères de l’Instruction chrétienne, 1937, 24 p.

Côté, Véronique et un collectif d’auteurs, la Fête sauvage, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 06, 2015, 125 p. Ill.

Chaurand, Jacques, Histoire de la langue française, Paris, Presses universitaires de France, coll. «Que sais-je ?», 167, 1987, 127 p. Cinquième édition corrigée.

Dumais, Joseph, le Parler de chez nous. Conférence donnée à l’Hôtel de ville de Québec, sous le patronage de la Société des arts, sciences et lettres, par M. Joseph Dumais. Professeur de diction française, directeur du Conservatoire de Québec, membre de la Société des auteurs canadiens et de la Société des arts, sciences et lettres, Québec, Chez l’auteur, 1922, ii/41 p. Préface d’Alphonse Désilets.

Evain, Aurore, Perry Gethner et Henriette Goldwyn (édit.), Théâtre de femmes de l’Ancien Régime. Tome IV. XVIIIe siècle, Paris, Classiques Garnier, coll. «Bibliothèque du XVIIe siècle», 24, série «Théâtre», 5, 2015, 489 p.

Germain, Jean-Claude, Un pays dont la devise est je m’oublie. Théâtre, Montréal, VLB éditeur, 1976, 138 p.

Graffigny, Françoise de, Ziman et Zenise, suivi de Phaza, comédies en un acte en prose par madame de Grafigny, À Amsterdam, et se trouve à Paris, chez Segaud, Libraire, rue des Cordeliers, 1775, x/107 p.

Hébert, François, Toute l’œuvre incomplète, Montréal, l’Hexagone, coll. «Écritures», 2010, 154 p.

Huchon, Mireille, Histoire de la langue française, Paris, le Livre de poche, coll. «Références. Inédit. Littérature», 542, 2002, 315 p. Ill.

Popovic, Pierre, «Le différend des cultures et des savoirs dans l’incipit de Bonheur d’occasion», dans Marie-Andrée Beaudet (édit.), Bonheur d’occasion au pluriel. Lectures et approches critiques, Québec, Nota bene, coll. «Séminaires», 10, 1999, p. 15-61.

Roy, Gabrielle, Bonheur d’occasion, Montréal, Stanké, coll. «10/10», 1978, 396 p. Édition originale : 1945.

Simenon, la Veuve Couderc, dans Romans. I, Paris, Gallimard, coll. «Bibliothèque de la Pléiade», 495, 2003, 1043-1169 et 1458-1471. Édition établie par Jacques Dubois, avec Benoît Denis. Édition  originale : 1942.

Société du parler français au Canada, Glossaire du parler français au Canada : contenant les mots et locutions en usage dans le parler de la Province de Québec et qui ne sont pas admis dans le français d’école, la définition de leurs différents sens, avec des exemples; des notes sur leur provenance, la prononciation figurée des mots étudiés, Québec, Action sociale, 1930, xix/709 p. Réimpression : Québec, Presses de l’Université Laval, 1968.

De la thèse

Tiphaine Rivière, Carnets de thèse, 2015, couverture

Ce roman graphique se laisse lire sans déplaisir. L’auteure a voulu tout couvrir : le choix de faire une thèse, le dépôt du sujet, les relations avec les autres doctorants et le directeur de thèse, les problèmes d’argent, la difficulté à aboutir, la procrastination, le couple qui éclate, la soutenance (et son pot), l’incertitude professionnelle (après la thèse), les questions de la famille, les types de doctorants, les problèmes (individuels et collectifs) de financement, etc. Le portrait n’est flatteur ni pour l’Université (française) ni pour le directeur de thèse. Deux citations (cruelles) : «Je pense que je vais bien faire bouger le monde de la ponctuation à la Renaissance !» (p. 14); «Littérature médiévale, fait chier… Ma culture Moyen Âge c’est Game of Thrones… Éventuellement Robin des Bois à cause du ménestrel» (p. 41).

Qu’on se rassure : le personnage principal finira par soutenir.

 

Référence

Rivière, Tiphaine, Carnets de thèse, Paris, Seuil, 2015, 179 p.