Stances à la puck

René de Chantal, «Défense et illustration de la langue française. Gouret ou hockey», le Droit, 1er mai 1958, titre

En 1958, René de Chantal publiait trois chroniques sur le lexique français du hockey, ce que l’Oreille tendue appelle la langue de puck. (Voir ici.)

La troisième chronique était destinée à comparer le vocabulaire québécois et le vocabulaire français de ce sport. Pour la périodeil y en a trois dans un match, les choix ne manquaient pas, d’un côté comme de l’autre de l’Atlantique : engagement, strophe, stance, tiers-temps, reprise.

L’Oreille avait été étonnée par strophe et stance. Elle vient de trouver stanza dans un texte en anglais de 1942, «Stooge for a Puck Pirate» : «Again in the second stanza, Levin fought a continual flurry of pucks» (éd. de 2021, p. 189).

La poésie est partout.

 

Références

Chantal, René de, «Défense et illustration de la langue française. Termes de hockey. En France, on shoote», le Droit, 15 mai 1958, p. 2.

Jackson, C. Paul, «Stooge for a Puck Pirate», 12 Sport Aces, 6, 1, mars 1942, reproduit par Paul Langan dans Classic Hockey Stories. From the Golden Era of Pulp Magazines, 1930s-1950s, Chez l’Auteur, 2021, 240 p., p. 182-218.

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Benoît Melançon, Langue de puck. Abécédaire du hockey, 2014, couverture

Accouplements 226

François-Léon Benouville, la Colère d’Achille, 1847, Montpellier, musée Fabre, photo déposée sur Wikimedia Commons

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Chantigny, Louis, «Une fin tragique pour le Rocket», le Petit Journal, du 18 octobre au 25 octobre 1959, p. 132.

«D’ordinaire, ce genre de long préambule déroule en quelque sorte le tapis rouge sur lequel s’avancera dans toute sa majesté une célébrité de l’esprit. Aujourd’hui, ce préambule ouvre ses portes à une gloire du muscle, Maurice Richard, un homme dont l’histoire s’écrit déjà dans l’encre de la légende et du mythe.
Car Maurice Richard est bien de cette race de titans qui force les cadres et brise les barrières que la médiocrité du sport a dressés autour de son génie. Le regard étrange et fiévreux du démon flamboie dans ses yeux, son masque douloureux se dessine derrière ses traits; mais jamais l’hôte effroyable qui l’habite n’a été plus visible que maintenant, au crépuscule de sa carrière et à l’aube de sa fin.»

Purdy, Al, «Homage to Ree-shard», dans Sundance at Dusk, Toronto, McClelland and Stewart, 1976, p. 36-39.

«The first madman
first out-and-out mad shit disturber
after cosmic duels with Bill Ezinicki
now sullen castrated paranoid Achilles
with sore heel in a Montreal pub retired
to muse on wrongs and plot revenge
with long memories of broken storefronts
along St. Catherine Street
when Maisonneuve’s city made him emperor
for a day and hour and a moment»

Bouchard, Serge, «Le silence de Maurice Richard», dans  l’Allume-cigarette de la Chrysler noire, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2019, 240 p., p. 54-56, p. 55.

«[Maurice Richard] se tenait immobile au centre d’un attroupement criard de petits oiseaux, des petites âmes complètement saisies par cette légende. De façon inattendue, sans que je le cherche vraiment, je me suis retrouvé tout près de lui et il m’a serré la main. Je ressens encore aujourd’hui la force de cette poigne. Je n’aurais pas voulu lui disputer la rondelle dans un coin.
Je sus bien plus tard, en faisant mon cours classique, que j’avais rencontré, ce samedi-là, un personnage mythique. J’avais serré la main à Achille, à Ulysse, que dis-je, à Zeus ! Oui, le Canadien nous a montré très jeunes à quoi ressemblaient le panthéon, la cité des dieux, les temples et les tragédies grecques.»

 

Illustration : François-Léon Benouville, la Colère d’Achille, 1847, Montpellier, musée Fabre, photo déposée sur Wikimedia Commons

Accouplements 199

Podcast / balado Backstage at the Vinyl Cafe, logo, 2023

(Accouplements : une rubrique où l’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Dans le Devoir du jour, Jean-François Nadeau évoque la disparition de plusieurs espèces d’oiseaux. Comment la mesurer ? En faisant appel, avec prudence, aux relevés des ornithologues amateurs. Pourquoi parler de cela ? Parce que Nadeau a eu la surprise d’observer, près de chez lui, des durbecs des sapins.

Stuart McLean, il y a plusieurs années, a raconté la découverte par Dave, son personnage fétiche, d’un tangara d’été (en plein hiver) et des habitudes des ornithologues amateurs (nombreux) dans «Burd». Cette histoire vient d’être reprise dans le deuxième épisode de Backstage at the Vinyl Cafe.

Pas besoin d’être ornithologue pour apprécier l’un et l’autre.

Le nono a la vie dure

Roy MacGregor, Complot sous le soleil, 2001, couverture

On grandit, et on s’imagine que les mots de son enfance disparaissent avec elle. On est convaincu que poche était sorti de l’usage, et on se trompe. On croyait nono désuet, et on se trompe encore.

Nono ? Le mot, substantif ou épithète, s’inscrit dans une série de termes désignant une forme, plus ou moins bénigne, de bêtise : deux de pique, épais, gnochon, gueurlo, insignifiant, moron, snôro, tarla, toton, twit — pour ne retenir que ceux-là. En 1980, Léandre Bergeron le définissait d’un synonyme : «Imbécile» (p. 337). C’est un brin trop fort.

Est nono qui est victime de sa nounounerie : «Tâchons de nous réjouir sans sombrer dans la nounounerie» (la Presse, 19 novembre 2003). La compagne du nono est généralement la nounoune, même si Gaston Dulong préfère la nonote (Dictionnaire des canadianismes, éd. de 1999, p. 352).

Où trouve-t-on le mot nono aujourd’hui ?

Dans les titres de presse : «Téléphone intelligent pour conducteur nono» (la Presse, 7 mars 2011, cahier L’auto, p. 18).

À la télévision : l’excellent blogue OffQc | Quebec French Guide en relevait récemment une occurrence dans la série les Parent.

Chez les traducteurs : «Pas le moustique, nono, dit Sim» (Terreur au camp de hockey, p. 27); «C’est pas les lunettes, nono !» (Complot sous le soleil, p. 68).

Sous la plume du chroniqueur de la Presse Pierre Foglia, qui est friand du mot. Un seul exemple, où il parle de son collègue Yves Boisvert : «il s’était fait offrir un repas par M. Accurso et [il] avait refusé, le nono» (la Presse, 20 décembre 2011, p. A8).

Bref, l’Oreille était nonote d’avoir cru à l’obsolescence du mot nono.

 

[Complément du 15 mars 2012]

Anne-Marie Beaudoin-Bégin, du blogue En tous cas…, signale à l’Oreille tendue l’entrée nono de la Base de données lexicographiques panfrancophone•Québec. On y découvre une nonotte (avec deux t). Merci.

 

[Complément du 31 janvier 2018]

Ces jours-ci, nono reprend du galon, si tant est qu’il en ait jamais perdu, grâce au premier ministre du Canada, Justin Trudeau. Celui-ci a traité les membres d’un groupuscule québécois d’extrême droite, La Meute, de «nonos qui se promènent avec les pattes de chiens sur le t-shirt». Ce n’est pas la première fois que la langue de Justin Trudeau attire l’attention.

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Dulong, Gaston, Dictionnaire des canadianismes, Sillery (Québec), Septentrion, 1999 (nouvelle édition revue et augmentée), xix/549 p.

MacGregor, Roy, Complot sous le soleil, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 6, 2001, 148 p. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 1997.

MacGregor, Roy, Terreur au camp de hockey, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 4, 1999, 142 p. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 1997.