Le Rocket en cases

Walt McDayter et Norman Drew, «The Giants. Maurice Richard», Calgary Herald, 6 septembre au 1er octobre 1966

En 2016, l’Oreille tendue publiait un article sur la bande dessinée et le hockey. Elle y abordait essentiellement la bande dessinée francophone.

Quelques années plus tôt, en visionnant le téléfilm Maurice Richard (1999) de Jean-Claude Lord et Pauline Payette, elle avait repéré des images d’une bande dessinée consacrée à Maurice Richard, «Les géants. Maurice Richard. La légende du Rocket». Elle n’avait jamais réussi à en trouver d’autres traces.

Le mystère est désormais partiellement résolu. Un lecteur de l’Oreille tendue, historien du hockey, vient de lui transmettre les 24 bandes (de trois cases) de «Maurice Richard» dans la série «The Giants». Elles ont été publiées, sous la signature de Walt McDayter et Norman Drew, dans le Calgary Herald du 6 septembre au 1er octobre 1966 (sauf les dimanches). On peut supposer qu’elles ont aussi aussi paru dans d’autres journaux.

Le déroulement de cette bande dessinée est chronologique, des premières tentatives de Richard pour joindre les rangs des Canadiens de Montréal, tentatives entravées par des blessures à répétition, jusqu’au moment où il accroche ses patins, en 1960. Plusieurs buts marqués durant sa carrière par le Rocket y sont : le premier (le 8 novembre 1942), celui marqué avec Earl Seibert sur les épaules, le 50e en cinquante matchs (le 18 mars 1945), celui du 8 avril 1952 — mais les bédéistes se trompent sur le résultat final du match (il aurait fallu 3-1 au lieu de 2-1) —, celui du 29 octobre 1952 pour égaler le record du plus grand nombre de buts dans l’histoire de la Ligue nationale de hockey. Les événements de 1955 qui ont mené à l’émeute du 17 mars sont évoqués. La dernière case insiste sur la place de Maurice Richard dans l’histoire du hockey : «Hockey heroes will come and go, replacing his remaining records… but few men can hope to eclipse the legend of the fabulous Frenchman who in 1959 was introduced to Queen Elizabeth as… “Mr. Hockey”.» Les héros passeront et les records seront battus (par Gordie Howe et par Bobby Hull, par exemple); M. Hockey restera.

Pour l’essentiel, le dessin, qui s’inspire nettement de documents d’archives, est réaliste. L’univers dépeint est masculin (soixante-douze cases, quatre femmes). Les techniques de communication — télégramme, radio, presse écrite — sont celles des années 1940-1960. Une erreur de date à la dernière case d’une bande — «The following season, on Oct. 29, 1953 […]» — est corrigée à la première de la suivante — «In a game against Maple Leafs in Toronto, Oct. 29, 1952 […]». McDayter et Drew n’hésitent pas à dépeindre la violence de Richard, venue de son «fiery Gallic temper» : le 13 mars 1955, à Boston, «Enraged by a high-stick injury, Maurice Richard slashes Boston Bruins’ Hal Laycoe three times with a hockey stick.» Le tempérament gaulois («gallic») explique-t-il à lui seul le recours répété du hockeyeur à son bâton («three times with a hockey stick») ? On lit quelques mots en français, couleur locale oblige : «Eh bien», «ami», «Mais c’est impossible, monsieur Irvin», «Dieu merci», «J’y vais pas», «À bas Campbell», «Vive Richard !». Ils sont regroupés à deux moments du récit : au début de sa carrière, quand Richard ne parlait pas encore anglais; au moment de l’Émeute («the “Richard” Riot»). Ce n’est pas dans cette bande dessinée que l’on cherchera de la polémique : Maurice Richard est un géant canadien («Keep your eyes on this player, Canada !»).

Il ne reste plus à l’Oreille qu’à mettre la main sur la version française.

P.-S.— Pour préparer son article de 2016, l’Oreille a repris des propos déjà tenus ici, le 12 décembre 2011, le 23 décembre 2011, le 28 décembre 2011, le 19 juillet 2012, le 1er mai 2014 et le 12 juin 2014. Elle est revenue sur le sujet le 2 décembre 2014, le 23 janvier 2015, le 10 avril 2015, le 6 mai 2015, le 14 mai 2015, le 15 juin 2016, le 29 août 2016, le 28 décembre 2016 et le 23 octobre 2018.

 

Références

Maurice Richard. Histoire d’un Canadien / The Maurice Rocket Richard Story, docudrame de quatre heures en deux parties, 1999 : 1921; 1951. Réalisation : Jean-Claude Lord et Pauline Payette. Production : L’information essentielle.

McDayter, Walt et Norman Drew, «The Giants. Maurice Richard», Calgary Herald, 6 septembre au 1er octobre 1966.

Melançon, Benoît, «BDHQ : bande dessinée et hockey au Québec», dans Benoît Melançon et Michel Porret (édit.), Pucks en stock. Bande dessinée et sport, Chêne-Bourg (Suisse), Georg, coll. «L’Équinoxe. Collection de sciences humaines», 2016, p. 101-117. https://doi.org/1866/28749

Walt McDayter et Norman Drew, «The Giants. Maurice Richard», Calgary Herald, 6 septembre au 1er octobre 1966

Jean-Pierre Girerd (1931-2018)

Arsène et Girerd, les Enquêtes de Berri et Demontigny. On a volé la coupe Stanley, 1975, couverture

Caricaturiste au quotidien la Presse de 1968 à 1996, (Jean-Pierre) Girerd vient de mourir. Yves Boisvert lui rend hommage dans la Presse+ du jour.

Outre ses dessins d’humour liés à l’actualité, Girerd a signé les dessins d’une bande dessinée sur le hockey, On a volé la coupe Stanley, parue en 1975.

On y évoque, entre autres célébrités (péri)hockeyistiques, les joueurs Maurice Richard, Guy Lafleur et Guy Lapointe, de même que les commentateurs Lionel Duval, Gilles Tremblay et René Lecavalier.

P.-S.—L’impératif du verbe envoyer, au Québec, a droit à de nombreuses graphies. En 1981, Girerd proposait «enouaille».

P.-P.-S.—L’Oreille tendue aborde brièvement cet album dans un texte de 2016, «BDHQ : bande dessinée et hockey au Québec».

 

Références

Arsène et Girerd, les Enquêtes de Berri et Demontigny. On a volé la coupe Stanley, Montréal, Éditions Mirabel, 1975, 48 p. Bande dessinée. Premier et unique épisode des «Enquêtes de Berri et Demontigny». Texte : Arsène. Dessin : Girerd.

Girerd, Son honneur, Montréal, La Presse, 1981, [s.p.].

Melançon, Benoît, «BDHQ : bande dessinée et hockey au Québec», dans Benoît Melançon et Michel Porret (édit.), Pucks en stock. Bande dessinée et sport, Chêne-Bourg (Suisse), Georg, coll. «L’Équinoxe. Collection de sciences humaines», 2016, p. 101-117. https://doi.org/1866/28749

Ange tutélaire hockeyistique

Photo de Maurice Richard, vestiaire du Rocket de Laval, 2018

Le Rocket de Laval est une équipe de hockey de la Ligue américaine, affiliée aux Canadiens de Montréal.

Une nouvelle image se trouve désormais dans le vestiaire de l’équipe : «Une touche que je voulais apporter, ce sont les yeux de Maurice, a dit Bouchard après la pratique des siens. C’est important pour moi que les yeux de Maurice soient sur nous autres en tout temps. Ils veillent sur nous autres et nous avons une responsabilité envers l’organisation» (cité dans le Journal de Montréal du 24 septembre).

Ce «Bouchard» est Joël Bouchard, l’entraîneur de l’équipe. Ce «Maurice» est Maurice «Le Rocket» Richard (1921-2000), le célèbre numéro 9 des Canadiens.

Voilà du matériel supplémentaire — ce n’est pas qu’il en manque — pour l’Oreille tendue, autrice d’une histoire culturelle du Rocket intitulée les Yeux de Maurice Richard.

P.-S.—Il y a actuellement des élections au Québec. Le candidat dans la circonscription montréalaise de… Maurice-Richard affiche fièrement son numéro.

Affiche électorale de Daniel St-Hilaire en joueur de hockey, 2018

 

Référence

Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.

Les Yeux de Maurice Richard, édition de 2012, couverture

Avis aux amateurs

François Black et Stéphane Poirier, 25 ans sans coupe Stanley ! À quand la 25e ?, 2017, couvertureFrançois Black et Stéphane Poirier sont des amateurs de hockey : «Personne qui aime, cultive, recherche (certaines choses)» (le Petit Robert, édition numérique de 2014). Ils ont publié en 2017 un ouvrage intitulé 25 ans sans coupe Stanley ! À quand la 25? François Black avait déjà écrit un livre sur les Canadiens de Montréal en 1997; il signe 24 des 25 textes de celui de 2017. Stéphane Poirier a fait les dessins, un par chapitre, et rédigé le dernier texte. Ils aiment leur équipe et leur sport («notre beau sport national», p. 39, p. 112). Ils en proposent la petite histoire.

Ils s’adressent à d’autres amateurs. Si vous ne connaissez pas le détail des événements hockeyistiques du vendredi saint 1984 (p. 80, p. 115) ou si vous ne savez pas dans quelles circonstances le gardien Patrick Roy a quitté les Canadiens en 1995 (p. 124), ce livre n’est pas pour vous. On ne vous explique pas ces événements; vous devez déjà les connaître.

Les amateurs de livres sur le hockey, eux, ne trouveront pas ici de grandes nouveautés. Tous les lieux communs entourant l’équipe montréalaise sont là : ses fantômes, son flambeau, sa religion, sa dimension familiale, sa langue, ses rivalités (avec les Nordiques de Québec, avec les Bruins de Boston), ses innovateurs, ses grands joueurs, ses grands matchs, ses grandes saisons, ses grands propriétaires (le plus long chapitre porte là-dessus). Place est faite au hockey féminin, mais les joueuses à retenir sont uniquement francophones (p. 133); il est vrai que François Black enseigne «notre histoire nationale» (quatrième de couverture), lire : québécoise, ce qui semble déterminer son approche. Les passages les plus intéressants portent sur le Forum de Montréal et ses deux équipes «locales» au début du XXe siècle.

Il est un autre sens du mot amateur : «Personne qui exerce une activité de façon négligente ou fantaisiste» (le Petit Robert, bis). Cela correspond bien au travail éditorial qui a mené à 25 ans sans coupe Stanley ! À quand la 25? Les problèmes sont nombreux : ponctuation aléatoire, coquilles et fautes, méconnaissance des règles de base de la typographie, absence d’uniformisation, expression bizarres («séries»… d’un match), fautes de syntaxe récurrentes (un seul exemple, p. 134 : «Devenu désuet aux yeux de plusieurs, le temps est venu de tourner la page et d’aller s’installer dans un amphithéâtre digne du nouveau millénaire» — le «temps» est devenu «désuet» ?).

Sauf pour cette variété d’amateurs que sont les collectionneurs, ce n’est peut-être pas une lecture indispensable.

 

Références

Black, François, Habitants et glorieux. Les Canadiens de 1909 à 1960, Laval, Éditions Mille-Îles, 1997, 143 p. Ill.

Black, François et Stéphane Poirier, 25 ans sans coupe Stanley ! À quand la 25?, Québec, Les éditions Le Dauphin Blanc inc., coll. «Autrement dit», 2017, 168 p. Ill.