Chantons la langue avec IAM

IAM, l’École du micro d’argent, 1997, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

IAM, «Chez le mac», l’École du micro d’argent, 1997

 

Ça s’passe comme ça chez le mac
Ça s’passe comme ça chez le mac
Ça s’passe comme ça chez le mac
Ça s’passe comme ça chez le mac

Les rues sales du centre-ville de Mars est mon turf
Mac aussi puissant que ce putain d’argent sur le surf
J’ai tout pris en main et les condés se tâtent
Pas de racket, je suis libre des vapeurs d’eau écarlate

Et des tubes de colle, à coups de latte
Les consonnes, les voyelles, sont toutes à quatre pattes
Proxénète linguistique pur
Style manteau en fourrure

Et ma vie, a pris une autre tournure
Je ne sais pas où cela me mène
Mais même ceux qui m’aiment me décrivent comme étant un schizophrène
J’ai mis les mots au tapin pour la sensation

Au trottoir les syllabes, prostitué la diction
Les lettres travaillent pour moi
Le dico est mon territoire, un pays dont je veux être le roi
J’ai traité des phrases comme de vraies dames

Tiré les plus belles pour les mettre en vitrine comme à Amsterdam
Si tu veux la qualité normale, tu payes cash
Ça arrache, à consommer avec un tchoc de hash
J’ai des potes dans la profession, c’est pas la mode

Mais pourquoi croies-tu que DRS s’appelle Monsieur Claude
Petit parade avec tes illusions de Benz
T’es une merde sur le marché parce que tes phrases sont renze
C’est dommage, t’es guetté par le chômage

Mon organisation est trop en place et bien trop sauvage
Ma famille vient de ce quartier, qui faisait peur à Hitler
Où la French est née pour niquer la terre entière
Je m’en souviens encore mais pourtant je devais être petit

Scarface n’est pas un rêve, il a existé ici
L’Italiano prend la relève vingt ans après
C’est tout un autre monde, c’est tout un autre marché
Je suis discret, distant, dispo, prêt à disparaître

Mon discours éternel, seul un rêve peut renaître
Un jour, sous une forme nouvelle
D’un novice, 26 lettres, 100 000 mots à son service
N’est pas mac qui veut

Mais je croise des concurrents sérieux
Alors je redouble de travail et serre le jeu
Si tu veux la bombe, tu raques Ronald
Ça s’passe comme ça chez le mac

Ça s’passe comme ça chez le mac
Ça s’passe comme ça chez le mac
Ça s’passe comme ça chez le mac
Ça s’passe comme ça chez le mac

Le petit noir à tête rasée réapparaît
Moi non plus j’ai pas changé, toujours prêt à dégainer
Mon micro branché sur une table envoie le morceau
Vérifie la console, qu’elle fasse bien son boulot

Ouais, c’est comme ça avec le mic et les samplers
Au doigt et à l’œil, alors qui c’est l’empereur
La MPC travaille pour moi très dur
Et au moindre bug, je la colle au mur, c’est sûr

La dernière mélodie que j’ai recrutée
S’est prise deux gifles quand elle a refusé de se faire trunkater
En fait, je suis le seul boss du matos
Tous les câbles qui font les macs tombent vite sur un os

Tout le monde y a droit, qu’est-ce que tu crois
Les lettres, elles aussi, taffent pour moi
26 mètres, chacun sa chacune
Deux claques sur les fesses et vite par ici la thune

C’est comme ça que dans mon job ça se passe
J’ai beaucoup d’employés et je ne paie rien à l’Urssaf
Et je n’ai pas eu depuis longtemps à sévir
Elles ont réalisé que leur plaisir est de me servir

Si elles le font bien, je les place dans des phrases
Promotion sociale pour elle, pour moi ah plus de liasses
Mais le fin du fin, c’est le couplet quand elles y sont arrivées
C’est qu’elles sont classées top dans mon carnet

Celles qui attendent de moi un geste en retour
Ont beaucoup d’espoir, d’ailleurs elles courent toujours
Je table sur la qualité, pas la quantité
D’un service organisé, créé pour vous faire planer

On y trouve des plates, des croisées, des embrassées
Choisissez, chacune d’elle a sa spécialité
J’ai dû transpirer dur pour y arriver
Mais ça sert d’avoir de la famille bien placée dans le métier

Le prox de l’apostrophe, le Jules de la virgule
J’aurais dû faire du foot, j’ai toujours eu le sens des putes
Surtout ne viens pas taper à ma porte sans des Deutschmarks
Ça s’passe comme ça chez le mac

Ça s’passe comme ça chez le mac
Ça s’passe comme ça chez le mac
Ça s’passe comme ça chez le mac
Ça s’passe comme ça chez le mac

 

Chantons la langue avec Java

Java, Maudits Français, 2009, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Java, «Mots dits français», Maudits Français, 2009

 

Quand j’ai pris mes quartiers sous Jack dans l’Nouveau Monde
I faisait déjà moins six on était au mois d’novembre
Mon pote Daniel m’attendait sur l’tarmac
J’lui dis «J’suis gelé»
I m’fait «T’as fumé tabernacle ?»
«On va prendre mon char pour rejoindre Montréal»
J’me suis vu en compagnie d’Ben Hur derrière un ch’val
Puis i m’dit «Faudra qu’on s’arrête au dépanneur»
J’fais «Ah bon ? T’entends un bruit bizarre dans l’moteur ?»
J’lui dis qu’j’ai la dalle
I m’dit «Dalle de ciment ?»
Il finit par comprendre
On s’arrête au restaurant
I m’fait «Ici ils font des bons burgers et des guedilles Michigan»
«Ah ? Bah on va faire simple j’vais prendre c’que tu prends»
En r’gardant mes frites en sauce j’ai fait grise mine
I m’fait «Bin quoi y a un Tchétchène dans ta poutine ?»
«Non c’très bon mais c’est un peu écœurant»
I m’répond «J’tais sûr qu’t’allais trouver ça trippant»
Maudits Français
Disent pas tous la même chose
Maudits Français
Ca dépend d’quel côté on s’pose
Maudits Français
C’pas toujours la même prose
Maudits Français
Quand tu jases moi je cause
Puis i m’présente un pote i était vert fluo
J’ai vu des ours blancs et des orignaux
On rentre dans un bar
I m’fait «Qu’est-ce tu veux y a l’waiter ?»
«J’ai pas envie d’pisser appelle plutôt l’serveur»
On nous sert deux bières avec Charlebois sur l’étiquette
J’aurais rêvé d’avoir Gainsbourg sur mon anisette
Puis j’croise le regard d’une fille à côté
I m’dit «Va cruiser la blonde sois pas gêné»
J’finis par l’accoster
È m’dit «Qu’est-ce tu veux hostie ?»
J’réponds «J’suis pas baptisé non merci»
J’propose de sortir fumer
È m’dit «T’as une smoke ?»
«J’suis plutôt jean basket»
È m’dit «C’est quoi c’est une joke ?»
«C’est bizarre comme tu jases fais un break !»
«Oh tu sais moi j’suis plutôt dans l’rap-musette»
Maudits Français
Disent pas tous la même chose
Maudits Français
Ca dépend d’quel côté on s’pose
Maudits Français
C’pas toujours la même prose
Maudits Français
Quand tu jases moi je cause
Dans la rue j’ai eu des élans romantiques
Mais i avait pas d’fleuristes
Alors j’ai improvisé
J’lui ramasse deux jolies feuilles d’érable
È m’dit: «J’m’en calice j’aurais préféré un bouquet d’fleurs de lys»
«Viens chez moi mais j’te préviens j’ai un chum»
«Bah c’est normal avec ce froid d’attraper un rhume»
Arrivé chez elle è m’dit «Tire toi une bûche tu capotes ?»
J’sors un préservatif
«Espèce de quétaine range ton bébelle salaud»
«J’comprends pas c’est pas moi qui a demandé !»
«C’est donc comme ca qu’tu m’aimes-tu ?»
«C’est plutôt sans capote !»
Elle m’a jeté à la rue
Maudits Français
Disent pas tous la même chose
Maudits Français
Ca dépend d’quel côté on s’pose
Maudits Français
C’pas toujours la même prose
Maudits Français
Quand tu jases moi je cause
Malgré ces quiproquos j’ai trippé comme un dingue
De Québec-Ville jusqu’à l’Abitibi-Témiscamingue
J’ai rencontré dans c’pays des résistants
Qui pratiquent avec finesse le langagement
La Belle Province j’suis en amour
Et comme dit Richard
[Voix de Richard Desjardins] «Quand j’aime une fois j’aime pour toujours»

 

P.-S.—Vous avez l’oreille : il a déjà été question de Java ici.

 

Chantons la langue avec La Rue Kétanou

La Rue Kétanou, En attendant les caravanes, 2000, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

La Rue Kétanou, «Les mots», En attendant les caravanes, 2000

 

Approchez, approchez Mesdames et Messieurs
Car aujourd’hui grande vente aux enchères
Dans quelques instants mes deux jeunes apprentis saltimbanques
Vont vous présentationner des… mots

Un mot pour tous, tous pour un mot
Un mot pour tous, tous pour un mot

Des gros mots pour les grossistes
Des maux de tête pour les charlatans
Des jeux de mots pour les artistes
Des mots d’amour pour les amants
Des mots à mots pour les copieurs
Des mots pour mots pour les cafteurs
Des mots savants pour les emmerdeurs
Des mobylettes pour les voleurs

Aujourd’hui grande vente aux enchères
On achète des mots d’occasion
Des mots à la page et pas chers
Et puis des mots de collection

Un mot pour tous, tous pour un mot
Un mot pour tous, tous pour un mot

Des morues pour les poissonniers
Et des mochetés pour les pas bien beaux
Des mots perdus pour les paumés
Des mots en l’air pour les oiseaux
Des mots de passe pour les méfiants
Et des mots clés pour les prisonniers
Des mots pour rire pour les enfants
Des mots tabous pour l’taboulé

Aujourd’hui grande vente aux enchères
On achète des mots d’occasion
Des mots à la page et pas chers
Et puis des mots de collection

Un mot pour tous, tous pour un mot
Un mot pour tous, tous pour un mot

Des mots croisés pour les r’traités
Et des petits mots pour les béguins
Des mots d’ordre pour les ordonnés
Des mots fléchés pour les Indiens
Des momies pour les pyramides
Des d’mi-mots pour les d’mi-portions
Des mots courants pour les rapides
Et le mot de la fin pour la chanson

 

Chantons la langue avec Serge Gainsbourg, bis

Portrait de Serge Gainsbourg jeune

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Serge Gainsbourg, «Les mots inutiles» / «De Vienne à Vienne» / «Le dernier souvenir», chanson inédite, interprétée lors de l’émission télévisée Ce soir à Vienne juin 1961

 

Les mots sont usés jusqu’à la corde
On voit l’ennui au travers
Et l’ombre des années mortes
Hante le vocabulaire

Par la main
Emmène-moi hors des lieux communs
Et ôte-moi de l’idée que tu ne peux t’exprimer
Que par des clichés

Vienne, à Vienne, tu ne parlais pas
Simplement tu prenais mon bras
Et tu voyais à mon sourire
Qu’il n’était rien besoin de dire

Il vaut mieux laisser au poète
Le soin de faire des pirouettes
C’est très joli, oui, dans les livres
Mais tous ces mots dont tu t’enivres

Ces mots sont usés jusqu’à la corde
On voit l’ennui au travers
Et l’ombre des années mortes
Hante le vocabulaire

Par la main
Emmène-moi hors des lieux communs
Et ôte-moi de l’idée que tu ne peux t’exprimer
Que par des clichés

Vienne, à Vienne, tu ne parlais pas
Simplement tu prenais mon bras
Et tu voyais à mon sourire
Qu’il n’était rien besoin de dire

Les mots d’esprit laissent incrédule
Car le cœur est trop animal
Mieux qu’apostrophe et point-virgule
Il a compris le point final

 

P.-S.—Vous avez l’oreille : il a déjà été question de cette chanson ici.

P.-P.-S.—Bis ? Parce que.

 

Chantons la langue avec Jérémie Kisling

Jérémie Kisling, le Ours, 2005, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Jérémie Kisling, «Rendez-vous courtois», le Ours, 2005

 

One, two, three
Allez viens vous asseoir
Il faut pas que vous te barres
Sous mon toit vous serez à ton aise
Donne-moi votre main
Couchez-moi contre ton sein
Je t’avoue que je vous aime bien
Permettez que je me jette à tes genoux
Ma gorge nouée à vous se dévoue
Et pour toujours j’veux que tu me gardes à vous
Mais toujours, c’est beaucoup
Mon amour est têtu
Pas un jour ne s’est tu
Si pour vous je me tue
J’veux pas qu’vous t’habitues
Allez viens vous asseoir
Il faut pas que vous te barres
Sous mon toit vous serez à ton aise
Donne-moi votre main
Couchez-moi contre ton sein
Je t’avoue que je vous aime bien
De rendez-vous volés dans vos pas de danses
De voitures que j’avance
Au rendez-vous vous où tu recules en silence
Situez la nuance
Mon amour est têtu
Pas un jour ne s’est tu
Si pour vous je mets tu
J’ai peur qu’vous t’habitues
Allez viens vous asseoir
Il faut pas que vous te barres
Sous mon toit vous serez à ton aise
Donne-moi votre main
Couchez-moi contre ton sein
Je t’avoue que je vous aime bien
Yeah Oh yeah

 

P.-S.—Vous avez l’oreille : il a déjà été question de Jérémie Kisling ici.