Chantons la langue avec les Fabulous Trobadors

Fabulous Trobadors, On The Linha Imaginòt, 1998, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Fabulous Trobadors, «L’accent», On The Linha Imaginòt, 1998

 

Le tien c’est le tien et le mien c’est le mien, l’accent
Le tien c’est le tien et le mien c’est le mien, l’accent
Tu l’écoutes et je vois qu’il est bien
Chacun au début possède le sien
Le français parlé par les Toulousains suit un certain destin
Le mien provient du languedocien
Il vient de loin et c’est un lien contemporain avec l’âge moyen
Ce qu’il devient nous appartient
Le tien c’est le tien et le mien c’est le mien, l’accent

Il se mélange avec le tien
Il y en a combien, il y en a plein
Algérien, marocain, brésilien,
Africain, italien, sicilien
Imagine tout ce qu’il contient
Il est de la campagne, il est urbain
Rien je ne regrette rien
Ce qu’il devient m’appartient
Le tien c’est le tien et le mien c’est le mien, l’accent
Le tien c’est le tien et le mien c’est le mien, l’accent

L’accent de la télé ne signifie rien
Imposé par les infos il déteint
Tous les pébrons prennent le sien
Oublie le leur
Est-ce que ça te convient ?
Complètement aliéné soudain
Face au micro
Alors il n’y a plus rien
Peur de l’accent qui vient d’où tu viens
Pourtant il t’appartien
Le tien c’est le tien et le mien c’est le mien, l’accent

Dans les médias c’est un déclin
La même pression partout se maintient
J’entends le seul et même refrain
Le modèle du super citoyen
Si tu sais que c’est de quelque part que tu proviens
Au sérieux personne ne te tient
Folklorique pour eux égal crétin
Un cliché auquel rien n’appartient
Le tien c’est le tien et le mien c’est le mien, l’accent
Le tien c’est le tien et le mien c’est le mien, l’accent

Tu l’écoutes et je vois qu’il est bien
Chacun au début possède le sien
Le français parlé par les Toulousains suit un certain destin
Le mien provient du languedocien
Il vient de loin et c’est un lien contemporain avec l’âge moyen
Ce qu’il devient nous appartient
Le tien c’est le tien et le mien c’est le mien, l’accent

 

Accouplements 252

Alfred Hitchcock, North by Northwest, 1959, affiche

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Depuis le 1er septembre 2024, l’excellent Patrick Boucheron est à la barre de l’émission Allons-y voir, «Un rendez-vous pour analyser les images qui nous entourent et nourrir nos imaginaires», sur France Culture. L’épisode du 24 novembre, «Au théâtre des valeurs de l’art», portait sur le marché de l’art. La commissaire-priseuse Chloé Collin y réfléchissait à son métier. On y entendait, sur les ventes aux enchères, un extrait du film le Tableau volé (2024) de Pascal Bonitzer et la chanson Drouot (1970) de Barbara.

C’est à cette émission que l’Oreille tendue a repensé en revoyant North by Northwest / la Mort aux trousses (1959) d’Alfred Hitchcock. Cary Grant y est particulièrement habile à bousiller le déroulement d’une vente aux enchères, en misant soit trop bas, soit trop haut. La scène est particulièrement drôle.

Allez-y voir.

 

[Complément du 18 décembre 2024]

Lisons Charles Dickens : «Si l’on considère, suivant l’opinion généralement répandue, l’âne comme le type même de la stupidité contente de soi-même, ce qui est peut-être beaucoup plus conventionnel que juste, alors le plus grand âne de Cloisterham est Mr. Thomas Sapsea, le commissaire-priseur» (éd. de 1991, p. 70). Suit un portrait bien peu flatteur.

 

Référence

Dickens, Charles, le Mystère d’Edwin Drood (1870, inachevé), dans Dickens, Fruttero & Lucentini, l’Affaire D. ou le crime du faux vagabond, Paris, Seuil, 1991, 473 p. Édition originale : 1989. Traduction de Simone Darses. La traduction du texte de Dickens est de Charles-Bernard Derosne (1874), revue et corrigée par Gérard Hug.

Chantons la langue avec Mireille Mathieu

Mireille Mathieu, «J’ai gardé l’accent», 1968, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Mireille Mathieu, «J’ai gardé l’accent», 1968

 

Oui, j’ai gardé l’accent qu’on attrape en naissant du côté de Marseille
C’est l’ail du potager, l’huile de l’olivier, le raisin de la treille
C’est le micocoulier où jouent les écoliers,
Qu’une cigale égaye

Quand la mer de Pagnol en retenant ses vagues
S’endort en rêvassant
Et rêve d’un marin qui lui passe la bague
La mer a notre accent

Quand le vent de mistral décoiffe les marchandes
Jouant au Tout-Puissant
Et qu’il nous fait le ciel plus bleu que la lavande
Le vent a notre accent

Oui, j’ai gardé l’accent qu’on attrape en naissant du côté de Marseille
C’est le mas paternel, aux murs couleur de miel, aux tomates vermeilles
C’est la tuile du toit, comme un peu de patois
Que le soir ensoleille

Quand la nuit de Daudet aux moulins met des voiles
Qui tournent en crissant
Et que ça grouille au ciel de millions d’étoiles
La nuit a notre accent

Quand l’été de Giono revient en transhumance
Et que les estivants imitent en riant
Le parler de Provence
Le monde a notre accent

Oui, j’ai gardé l’accent qu’on attrape en naissant du côté de Marseille
C’est l’accent du clocher, la Noël des bergers dans la nuit des merveilles
C’est l’orgueil provençal, la gloire de Mistral

C’est l’accent de Mireille

 

Chantons la langue avec Chanson plus bifluorée

Chanson plus bifluorée, De concert et d’imprévu, 2006, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Chanson plus bifluorée, «Grammaire song», De concert et d’imprévu, 2006

 

D’accord c’est un peu rébarbatif
Le subjonctif en apéritif
Passons sur le mode impératif
Le plus-que-parfait, le pronom relatif

Adjectif possessif : possession
Mes, tes, ses, nos, vos, leurs, mon, ton, son
Exemple facile : c’est son tonton
Qu’est ton maçon, lui qui t’a bâti ta maison

Un cheval au pluriel c’est chevaux
Mais des batailles font pas des bateaux
Exception faite pour aller aux bals
Danser quels régals dans tous les carnavals

Avez-vous bien étudié la grammaire
Les règles littéraires, accordé l’auxiliaire ?
Avez-vous bien révisé le français
L’attribut du sujet, le complément d’objet ?

L’accent aigu remplace souvent
Un ancien s qu’on avait dans l’temps
L’accent circonflexe évidemment
Mis pour une lettre qu’on écrivait avant

J’ai laissé mon épée à l’escole
Avant que d’étudier l’Anatole [?]
De l’anglais on garde le football
Le jean, le footing et puis le music-hall

Avez-vous bien étudié la grammaire
Les règles littéraires, accordé l’auxiliaire ?
Avez-vous bien révisé le français
L’attribut du sujet, le complément d’objet ?

Tout adverbe est toujours inchangé
Mais tout adjectif peut s’accorder
Quand tout est pronom, difficulté !
Tout c’est compliqué, on n’y est plus tout à fait

Bijou caillou chou genou hibou
Sans oublier tous nos vieux joujoux
Bijou caillou chou genou hibou pou
Mais où est donc or ni car ? Souvenez-vous

Avez-vous bien étudié la grammaire
Les règles littéraires, accordé l’auxiliaire ?
Avez-vous bien révisé le français
L’attribut du sujet, le complément d’objet ?

Avez-vous cherché dans le dictionnaire
Compris le questionnaire, écrit vos commentaires ?
Avez-vous bien étudié l’imparfait
L’attribut du sujet, le complément d’objet ?

Avez-vous résolu tous les mystères
De la conjugaison et du vocabulaire ?
Du temps où vous remplissiez vos cahiers
D’attributs du sujet, de compléments d’objet
D’attributs du sujet, de compléments d’objet

 

Se méfier épistolairement

Enveloppe publicitaire comportant la photo de Maurice Richard

La correspondance, dans sa forme la plus usuelle, suppose une enveloppe contenant une lettre. Cette enveloppe est, en soi, un message, qui incite à lire, ou pas.

Albin de la Simone, dans sa chanson «J’aime lire» (Bungalow !, 2018), sait le potentiel explosif de la lettre reçue.

Mais non
Je ne l’ouvrirai pas
Je la laisserai là
Cachetée silencieuse
Je ne risquerai pas
Je ne la lirai pas
Je la laisserai là
Grenade silencieuse
Je ne risquerai pas

La menace n’est pas moindre grande dans le roman la Classe de madame Valérie de François Blais (2013) :

[Justine Trudel] mit le chandail sur un cintre et le rangea dans le placard. En passant la main dessus pour le défroisser, elle constata qu’il y avait un papier dans la poche kangourou. Une enveloppe, avec son prénom écrit dessus. L’écriture de Noémie. Justine grimaça comme si elle avait mordu dans un citron. Elle avait pourtant insisté dans sa lettre sur le fait qu’elle ne souhaitait aucune réponse, que tout était dit. Pourquoi faire traîner les choses ainsi ? Mais pouvait-on mettre fin à une histoire d’amour comme cela, congédier l’autre sans lui accorder un droit de réplique ? Justine décida que oui. Elle chiffonna l’enveloppe et la lança dans sa corbeille puis, songeant qu’elle ne pourrait pas résister à la tentation d’aller la récupérer dans un moment de faiblesse, elle la déchira plutôt en petits morceaux, qu’elle alla jeter dans la toilette. Elle tira la chasse.

Albin de la Simone et François Blais auraient-ils lu Diderot ?

Le 17 ou le 18 décembre 1772, recevant une lettre de son frère le chanoine et sachant qu’ils ne se trouvent pas, l’un et l’autre, du même côté du bénitier, Diderot entreprend de lui répondre directement sur l’enveloppe, sans même la décacheter :

M. l’abbé, si j’étais sûr de retrouver mon frère dans cette lettre, je l’ouvrirais et je ne la lirais pas sans verser des larmes de joie. Mais j’aime mieux vous la renvoyer toute cachetée, et m’épargner deux peines; l’une, d’entendre et l’autre de répondre des choses déplaisantes (Correspondance, éd. Versini, p. 1152).

Maître herméneute, Diderot épistolier s’arroge le droit de ne pas lire. Sûr de son fait, il fait fi, comme le feront Albin de la Simone et François Blais, d’un des aspects constitutifs de tout pacte épistolaire : reconnaître à l’autre le droit d’exister par l’écriture.

P.-S.—L’Oreille tendue a déjà abordé la question de l’enveloppe, et cité le texte de Diderot, dans un texte de son «Cabinet des curiosités épistolaires» (2016).

 

Références

Blais, François, la Classe de madame Valérie. Roman, Québec, L’instant même, 2013, 400 p. Édition numérique.

Diderot, Denis, Œuvres. Tome V. Correspondance, Paris, Robert Laffont, coll. «Bouquins», 1997, xxi/1468 p. Édition établie par Laurent Versini.

Melançon, Benoît, «Le cabinet des curiosités épistolaires», Épistolaire. Revue de l’AIRE (Association interdisciplinaire de recherche sur l’épistolaire, Paris), 42, 2016, p. 151-153. [Histoires d’enveloppes]