Chantons la langue avec Rock et Belles Oreilles

RBO, I want to pogne, 1989, disque 45 tours

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Rock et Belles Oreilles, «I want to pogne», 1989

 

I want to pogne
I want to pogne
Is it the reason that I speak in English ?
I want to pogne

I want to pogne
I want to pogne
I do not want to speak my tongue
I just want to pogne

I know I have a big accent eh
I know I’m not assez différent
But I want to pogne (I want to pogne)
And I have composed that song

I know the mathématiques
America is a big market
If there is more public
There is more money in my pocket-te

I want to pogne
I want to pogne
I am the Judas of the French Canada
I want-te to pogne

Frog in the USA
Frog in the USA
I’m gonna be the number one
254-6011

Icitte is a small marché
Icitte there is no débouché
I want to become very gros
And lâcher ma run de journaux

’Cause I prefer the Billy Idol
Than Jean Nichol
(Whoa, Lady Mary)
Solo’s

Pogne, pogne, po-pogne, pogne
Pogne, pogne, po-pogne, pogne
Pogne, pogne, po-pogne, pogne
Pogne, pogne, po-pogne, pogne

Frog in the USA
Frog in the USA
If they discover my origine
It’s all finish maudine

Don’t want to go in France
Don’t want to talk like the Français
’Cause I prefer the hamburger
Than the café au lait

I want, I want, I want to pogne
I want, I want, I want to pogne (encore)
I want, I want, I want to pogne
I want, I want, I want to pogne (yé)

I want to pogne (I want, I want)
I want to pogne (I want)
Is it the reason that I speak in English ? (I want, I want)
I want to pogne (I want)

I want to pogne (I want, I want, I want to pogne)
I want to pogne (I want)
I do not want to speak my tongue (I want, I want)
I just want to pogne (I want, I want)

I want to pogne (I want, I want)
I just want to pogne (I want, I want)
I want to pogne (I want to pogne)

 

Chantons la langue avec Claude Cormier

Claude Cormier, Garde ton accent, 2018, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Claude Cormier, «Garde ton accent», album Garde ton accent, 2018

 

P’tit garçon viens don ici
Faut qu’j’te parle un instant
Ma grand-mère m’a fait part qu’à triouve
T’as perdu ton accent
C’est vrai qu’on est sur la grande terre
Pas mal loin d’nos racines
Faudrait quand même pas
Qu’tu parles comme les gens d’la giande ville
Garde ton accent

Ma giande foi donnée
J’ai suivi ma femme à Monrial
J’l’écoute un temps parler [?]
Au téléphone avec son fière
J’ai cru ma femme souvent
Qu’allait changer ses expressions
Parce qu’y avions des faux plis
Quand elle est out de la maison
Garde ton accent

Garde ton accent
C’est important
Tu vas rester enraciné
Dans les patois [?]
De par chez vous
C’est d’la culture
Un point c’est tout
Garde ton accent
Et sois-en fier
De partager ton univers
C’est une richesse incalculable
C’est un cadeau inestimable
Garde ton accent

Un jour dans l’fond d’un bar
J’ai vu un chum du secondaire
Les deux bias dans les airs
Il m’a crié «Viens piendre une bière»
Le pauvre djiâble derrière l’comptoir
Pouvait pas nous comprendre
Ça faque j’l’ai [?] d’la sorte chanceux
Qu’y nous mont’ pas la porte
Garde ton accent

C’est ma parlure et c’est ancré
Jamais j’veux rien changer
Nos grands-pères ont laissé [?]
Un patrimoine articulé
De vieux mots acadiens
Qui ont forgé l’identité
D’un peuple fort et fier
Vivant dans l’insularité
Mais j’garde mon accent

Garde ton accent
C’est important
Tu vas rester enraciné
Dans les patois [?]
De par chez vous
C’est d’la culture
Un point c’est tout
Garde ton accent
Et sois-en fier
De partager ton univers
C’est une richesse incalculable
C’est un cadeau inestimable
Garde ton accent

Garde ton accent
C’est important
Tu vas rester enraciné
Dans les patois [?]
De par chez vous
C’est d’la culture
Un point c’est tout
Garde ton accent
Et sois-en fier
De partager ton univers
C’est une richesse incalculable
C’est un cadeau inestimable
Garde ton accent

 

P.-S.—L’oreille madelinote de l’Oreille tendue n’est manifestement pas ce qu’elle devrait être… Si vous avez des suggestions pour remplacer les [?], elle sera preneuse. Merci à l’avance.

 

[Complément du 17 décembre 2024]

Merci à Nicolas Guay pour ses suggestions de transcriptions.

 

 

Chantons la langue avec Mad’MoiZèle GIRAF

Mad’MoiZèle GIRAF, Peindre la GIRAF, 2009, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Mad’MoiZèle GIRAF, «Montréal stylé», Peindre la GIRAF, 2009

 

Enweille chummy suis-moi, emboîte-moi le pas
Pour la virée à Montréal trimbaler dans tous les quartiers
Tout c’qui entoure le mont Royal, suffit d’avoir de bons souliers
Et d’pas avoir trop peur de passer la journée à les user
À marcher de long en large, explorer les rues de la cité
Autant les grandes artères qu’les ruelles ben dissimulées
C’qui fait le charme de ma ville
Ce n’est pas difficile à déc’ler
Moi c’qui me plaît avant tout
C’est surtout sa diversité
Ici on entend parler l’anglais
On entend le mandarin
On entend le portugais
Et ben sûr l’accent italien
On entend les notes de l’arabe créole espagnol à la même table
Et moi j’m’exprime en patois
Le français d’venu québécois
Ouais, Montréal c’est ma ville, ce n’est pas mon bled natal, plutôt ma terre d’accueil, un îlot ben original, du Plateau, Hochelag, Rosemont ou Pointe Saint-Charles, de la Petite Italie, jusqu’où nous mène la Côte-des-neiges, la métropole québécoise m’aide à remplir mon ardoise et moi j’suis bien à l’aise avec tous les gens que je croise
Montréal stylé

Ville européenne en Amérique du Nord
Du sang français coule dans mes veines, mais j’suis pas né d’l’autre bord
J’me sens chez moi aussi bien à Bordeaux qu’à Val D’or
Mais la ville que j’préfère c’est Montréal, je l’adore
De ma fenêtre, tranquillement j’m’amuse à observer les gens
Qui déambulent rapidement sur le boulevard Saint-Laurent
Espérant candidement le bonheur au prochain tournant
Volontaires ou obligés ils font marcher l’marché
Travailleurs, étudiants, libres penseurs et mendiants
Les banlieusards qui font la queue, les enfants et les amoureux
J’me dis que j’suis chanceux d’avoir trouvé ma place
C’est ici que j’veux devenir vieux, que j’vais tenter de laisser ma trace
Oui Montréal c’est ma ville, ça n’est pas mon bled natal plutôt ma terre d’accueil, un îlot bien original, du Plateau, Hochelag, Rosemont ou Pointe Saint-Charles, de la Petite Italie, jusqu’où nous mène la Côte-des-neiges, la métropole québécoise m’aide à remplir mon ardoise et moi j’suis bien à l’aise avec tous les gens que je croise
Montréal stylé

Dans cette ville nord-américaine, toutes les jolies filles me font craquer, on peut les compter par centaines, bien dur de ne pas les remarquer
Mademoiselle, vous êtes belle, venez donc avec moi explorer, je parcours les rues, les ruelles, un peu d’temps veuillez m’accorder
J’habite Saint-Laurent coin Rachel et pis j’adore converser, que ce soit d’la sainte flanelle ou du pont Jacques Cartier
N’importe quel sujet, tout c’qui traite d’actualité
La Mad’MoiZèle GIRAF veut avant tout te faire bouger
Ouvrir les yeux, les oreilles, faire décoller les pieds du plancher
Provoquer les débats, mais surtout rassembler
Laissons d’côté nos différences, appliquons-nous à dialoguer, pour mettre à terre les frontières rien d’mieux qu’la musique reggae
Ouais, Montréal c’est ma ville, ça n’est pas mon bled natal, plutôt ma terre d’accueil, j’y planterai mon cercueil, elle me recueille à chaque soir, habituée à veiller tard, et moi j’adore la faune nocturne qui traîne à l’entrée de ses bars, la métropole québécoise m’aide à remplir mon ardoise, et moi j’suis bien à l’aise, avec tous les gens que je croise
Montréal [prononcé à l’anglaise] stylé

 

P.-S.—Vous avez l’oreille : il a déjà été question de Mad’MoiZèle GIRAF ici.

 

Chantons la langue avec Paul Piché

Paul Piché, À qui appartient l’beau temps ?, 1977, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Paul Piché, «La gigue à Mitchounano», À qui appartient l’beau temps ?, 1977

 

Saint-Scholastique ou parc Forillon
Fallait partir de bon matin
Pour les touristes ou leurs avions
On est toujours dansl’ chemin
Les gens ont perdu leurs maisons
Leurs terre et pis leur pays
Tout ce que j’ai pu faire
C’t’une p’tite chanson
Qu’ira pas plus loin qu’ici

Dans l’nord y a un moulin
Qui empoisonnait toutes les Indiens
Apparemment ça répondrait
Vraiment à un besoin
Pis on leu’ d’mande après ça
De r’garder le bon côté d’la vie
De pus chasser de pus pêcher
D’arrêter d’faire des p’tits
Y auraient ni tête, ni pieds
Pourraient pas travailler
Dans l’pâte et papier
Y auraient ni tête, ni pieds
Pourraient pas travailler
Dans l’pâte et papier

Va-tu falloir attendre qu’y ait
Démoli toutes nos maisons
Attendre d’être empilés dans des bâtisses
Faites en carton
Vas-tu falloir attendre
D’être rendu fous d’être affamés
Attendre d’avoir la corde au cou
Les mains ben attachées
Mais on a pas assez eu d’misère
Y nous faudrait l’enfer
Avant d’se révolter
On pas assez eu d’misère
Y nous faudrait l’enfer
Avant d’s’organiser

Les étudiants objectivement
S’inquiètent pour passer l’temps
Y gardent la connaissance entre eux
Comme le riche son argent
Ou ben on signe rien qu’une pétition
Mais c’est pas ben ben risqué
Y a pas d’danger qui voyent ton nom
Sur des feuilles toutes fripées
C’est là qu’on s’cache la face
Pour faire nos grimaces
Sur des bouts d’papier
C’est là qu’on s’cache la face
Pour faire nos grimaces
Sur des bouts d’papier
On s’est r’gardé à bout portant
L’nombril au premier plan
On sait qu’on est du monde peureux
Avec un bel accent
Ça on l’sait
Mais va-tu falloir attendre
Qu’y viennent nous chercher
Comme des bœufs
Quand on sera rendu rien qu’d’la viande
On sera pas moins nerveux
Mais on a pas assez eu d’misère
Y nous faudrait l’enfer
Avant de se révolter
On pas assez eu d’misère
Y nous faudrait l’enfer
Avant d’s’organiser

 

Dérapages incontrôlés

Risque de dérapage, panneau de signalisation routière

Commençons par un aveu : quand l’Oreille tendue décide de se pencher sur une expression de la langue familière québécoise, c’est généralement en fonction de deux critères. Cette expression lui est familière, par exemple à cause de son écosystème linguistique familial (premier exemple, deuxième exemple), ou bien il s’agit de mots qu’elle pratique abondamment (les sacres, notamment). Il est très rare que l’Oreille aborde des aspects de la langue qui lui sont étrangers.

À la demande populaire (n = 1), elle abordera aujourd’hui les mots shire / chire et shirer / chirer, bien qu’elle ne les ait jamais prononcés et qu’elle n’ait pas l’intention de le faire.

Ce qui chire n’est plaisant ni auditivement ni automobilement : cela tourne à vide et fait du bruit.

«Pendant que dehors le camion virait, chirait et tonnait sur la 133, en dedans les éléments se mêlaient et se démêlaient, les membres de disloquaient, les tissus de déchiraient ou se compressaient» (le Basketball et ses fondamentaux, p. 78).

«j’ai roulé en ligne plus ou moins droite et sans trop quitter la chaussé glacée, rien qu’une fois dans une courbe j’ai chiré, viré sur un parterre» (Frank va parler, p. 136).

«Quand j’entends devant ma maison les roues d’un véhicule qui shire, le son aigu d’une mécanique qui tourne à vide, je regarde dehors et me demande si quelqu’un a besoin d’aide» (J’étais juste à côté, p. 159).

(On notera l’attraction mutuelle entre chirer et virer.)

Cela concerne toutes sortes de moyens de locomotion, avec ou sans bruit désagréable : voiture et camion (ci-dessus), vélo (Des histoires d’hiver […], p. 163), avion (Miniatures indiennes, p. 54), voire cheval et chaussure (la Bête creuse, p. 282 et p. 500).

Au sens littéral comme au sens figuré, qui shire (verbe) fait ou part sur une shire (substantif).

«Le monsieur à lunettes fumées a pas dit un mot, il a rembarqué dans sa Pontiac et il est parti en faisait une shire» (Des histoires d’hiver […], p. 99).

«J’ai l’ai goût d’partir su’une chire jusqu’en deux mille cinquante» (J’ai bu, p. 57).

Quand une conversation dérape, ce n’est jamais bon signe : «Et c’est là que ç’a chiré» (le Chemin d’en haut, p. 27).

La chire peut aussi désigner une chute ou une embardée.

«On dirait pas que j’ai juste vingt-cinq ans, et en même temps c’est comme si c’était hier que je becquais mes bobos aux genoux après une chire en bicycle» (Autour d’elle, p. 43).

«Prendre une chire. Culbuter, tomber, faire une embardée» (Trésor des expressions populaires, p. 85).

À votre service — mais essayons de ne pas en faire une habitude.

 

Références

Bernard, Christophe, la Bête creuse. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 14, 2017, 716 p.

Bienvenu, Sophie, Autour d’elle. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2016, 206 p.

Chabot, J. P., le Chemin d’en haut. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 171, 2022, 224 p.

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.

Hébert, François, Miniatures indiennes. Roman, Montréal, Leméac, 2019, 174 p.

Hébert, François, Frank va parler. Roman, Montréal, Leméac, 2023, 203 p.

Messier, William S., le Basketball et ses fondamentaux. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 12, 2017, 239 p.

Nicol, Patrick, J’étais juste à côté. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 176, 2022, 192 p.

Québec Redneck Bluegrass Project, J’ai bu, Spectacles Bonzaï et Québec Redneck Bluegrass Project, 2020, 239 p. Ill. Avec un cédérom audio.

Robitaille, Marc, Des histoires d’hiver avec encore plus de rues, d’écoles et de hockey. Roman, Montréal, VLB éditeur, 2013, 180 p. Ill.