Les Rangers en chansons

La Statue de la liberté portant le maillot des Canadiens

A-t-on chanté les Rangers de New York — c’est du hockey ? (On a beaucoup chanté les Canadiens de Montréal.)

Un de leurs entraîneurs, Michel «Le Tigre» Bergeron, a été moqué par Les Mecs comiques dans «Le hockey est malade» (2001), mais pour son rôle du temps où il était avec les Nordiques de Québec : «Ben j’ai des p’tits frissons quand j’pense au jackstrap de Dale Hunter.»

En français, seul le duo des Jérolas a évoqué les Blue Shirts un peu longuement. Dans «La chanson du hockey» (1960), celui qui parle essaie de prédire le classement de la fin de la saison :

Et voici mes prédictions pour l’année qui va passer
Les Canadiens encore champions
Pis les Rangers en dernier
En 2e j’vois Chicago
En 3e le Toronto
Boston viendra se classer
Pis le Détroit avant-dernier
Si à la fin d’la saison vous voyez qu’j’me suis trompé
Pardonnez-moé comme de raison
J’aurai toujours asseyé
Je n’suis pas un connaisseur
Mais un vrai bon enragé
De notre sport national
Qu’est le beau jeu du hockey

Pourquoi ? C’est à cause du cerbère des New-Yorkais.

Du nouveau chez les Ranger
McCartan c’est le goaler
Qui est allé aux Olympiques
Pis i a ben faitte ça en bibitte
Mais i va s’apercevoir qu’la Nationale c’est différent
La puck i a pas l’temps d’la voir
I a beau chercher est rentrée d’dans
D’après moi les bons Ranger viennent de faire une grosse erreur
Et i vont changer d’idée
I vont rembarquer Worsley
C’est lui c’est un vrai goaler
Le bonhomme qui a du cœur
Des comme lui i en a pas un
Ce petit gars de Verdun

Plus brièvement, dans «Mettre du tape su’ ma palette» (2010), Bob Bissonnette parle d’un joueur qui a longtemps joué avec les Rangers, Jean Ratelle, avant de terminer sa carrière avec les Bruins de Boston. (Quand elle grandissait, l’Oreille tendue a entendu des masses de gens déplorer que Ratelle n’ait jamais gagné la coupe Stanley.)

En anglais, on a évoqué Frank Boucher et Bill Cook (Eugene Platzman, «Hockey», 1929), puis encore une fois — ô mystère ! — le gardien Lorne «Gump» Worsley (The Weakerthans, «Elegy for Gump Worsley», 2007).

He swore he was never afraid of the puck
We believe him
If anyone asks
The inscription should read
«My face was my mask»

C’est peu, mais c’est ainsi.

P.-S. — Merci à @DanielleJazzar pour l’illustration.

Brûler de tous ses feux

Soit le titre suivant : «Patrice Michaud a le feu» (la Presse, 12 avril 2014, cahier Arts, p. 10).

Quel est ce «feu» qu’aurait eu l’auteur-compositeur Patrice Michaud lors de son plus récent spectacle montréalais ?

Ce pourrait être le feu sacré ou le feu que certains arrivent à péter (qui pète le feu déborde d’énergie; de la même façon, on peut être en feu). C’est aussi une allusion au titre du deuxième album de Michaud, le Feu de chaque jour.

Pour un Québécois, avoir le feu signifie aussi être fâché. On espère que Patrice Michaud ne l’était pas (trop).

 

[Complément du 15 avril 2014]

Sur Twitter, @revi_redac écrit ceci : «“Avoir le feu” = être fâché ? Formulation euphémistique. Chez moi, c’était “Avoir le feu au cul”.» Euphémisme ou ellipse ? Ça se discute.

Géographie périurbaine

Carte du Québec adjacent, Dictionnaire québécois instantané, 2004

Mea maxima culpa. Il est arrivé à quelques reprises à l’Oreille tendue de parler du 450 comme si cela allait de soi pour tous ses lecteurs. Corrigeons la situation.

Qu’est-ce que le 450 ? Reprenons pour commencer la définition du Dictionnaire québécois instantané (2004).

Code téléphonique de la grande région montréalaise, mais à l’extérieur de l’île de Montréal (le code de Montréal est le 514). «514 et 450 : les deux solitudes» (la Presse, 20 décembre 2002).

1. Unité de mesure politique. Les élections se jouent ce soir dans le 450. «Les libéraux raflent presque tout dans le 450» (la Presse, 15 avril 2003). «Le “450” au pouvoir !» (la Presse, 20 mai 2003)

2. Terme générique désignant la source de tous les maux affectant le plateau Mont-Royal la fin de semaine. Les 450 vont manger sur la rue Duluth le samedi soir. Les 450 envahissent la rue Mont-Royal le dimanche après-midi. «[Le] 450 a colonisé l’ensemble du Québec» (le Devoir, 27-28 octobre 2001).

Se prononce toujours quatre-cinq-zéro, jamais quatre cent cinquante (p. 178).

Qu’ajouter à cela ? Cinq choses.

Que Montréal dispose toujours du 514, mais qu’on lui a aussi adjoint le 438. Le 438 est moins infamant que le 450, mais ce n’est quand même pas le 514.

Que le 450 est toujours aussi éloigné du 514. La preuve ? Quitter le second au profit du premier est un «exode» (la Presse, 24 mars 2014, p. A9).

Que le 514 est toujours, malgré les prétentions du 450, plus urbain que lui : «Urbain ou 450 ?» (la Presse, 9 juin 2012, cahier Maison, p. 8) Le blogue Vivez la vie urbaine est consacré à ces questions.

Que le 450 est devenu matière artistique. Il a son roman : Ô 450 ! Scènes de la vie de banlieue de Chantal Gevrey. Il a eu son émission de télévision, au réseau TQS : 450, chemin du golf. Il a sa chanson, «(450)», du défunt groupe folk pop André, plus téléphoniquement spécifique, sur le même thème, que «Banlieue» (Les Cowboys fringants) et «Rive-Sud» (Beau Dommage).

Que Céline Dion, chanteuse et mère de famille, est née native de la région aujourd’hui désignée par le 450.

Attention : il ne faut pas confondre le 450 et l’adjacent.

P.-S. — Pour les chansons, merci à @OursMathieu, @AmelieGaudreau, @riclaude et @andredesorel.

 

[Complément du 16 juin 2018]

Le Devoir du jour consacre un article au vingtième anniversaire du 450. L’Oreille y est citée. Merci.

 

[Complément du 2 janvier 2024]

Le 450 peut même être objet poétique, par exemple chez Ian Lauda, dans le Mécanisme intérieur (2023) :

Si loin si proche

tu es la porte du nord que tous recherchent

sans toi pas d’accès à ces choses merveilleuses
comme la fleur du luxe
ou les trésors du joyeux festin

sans toi

on demeure dans la périphérie des choses
dans le quatre-cinq-zéro (p. 42)

 

Références

Gevrey, Chantal, Ô 450 ! Scènes de la vie de banlieue, Montréal, Éditions Marchand de feuilles, 2005, 190 p.

Lauda, Ian, le Mécanisme intérieur. Poésie, Montréal, Del Busso éditeur, 2023, 57 p.

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p. La «Carte du Québec adjacent» reproduite ci-dessus se trouve p. 13.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2004, couverture

Sacrer mou

L’Oreille tendue — c’est de notoriété publique — aime beaucoup sacrer. À cet art, elle a consacré nombre d’entrées de ce blogue.

Elle s’étonne toujours devant les formes molles des sacres (tabarnouche pour tabarnak, par exemple), car on perd alors de vue la quincaillerie liturgique sur laquelle prend appui le juron québécois.

Cet étonnement s’étend à d’autres expressions, plus idiosyncrasiques que généralisées, dans lesquelles le matériel religieux est évoqué. Il est ainsi des gens qui diraient pentures de confessionnal (merci à @liseravary). Pour d’autres, plus ironiques, bon en chasuble (@MDumaisJDM) serait possible. On entend(ait) parfois petit Jésus de plâtre.

Le jour où l’Oreille aura recours à pareils euphémismes, vous pourrez lui crier dessus.

 

[Complément du 3 mars 2014]

Qui veut, pour jurer, s’en remettre à l’histoire sainte, mais préfère ne pas se servir de Son nom ou de celui de Son fils, peut toujours avoir recours à d’autres personnages bibliques : «Jared Leto sur le tapis rouge aux #oscars : comme si Jésus s’était loué un tux blanc pour échapper aux Romains. Étrange en Hérode !» (@_scorm)

 

[Complément du 15 avril 2014]

@revi_redac rappelle à l’Oreille des paroles d’une chanson de Richard Desjardins, «Le bon gars» :

Y vont m’aimer en Hérode
Excellent citoyen
Pas parfait mais pas loin