Dictionnaire des séries 41

Maurice Richard en novembre 1952

«Si un joueur du Canadien compte trois buts,
tu pourras lancer mon chapeau sur la glace […].»
(Claude Dionne, Sainte Flanelle, gagnez pour nous !)

Quand on marque trois buts dans un match, cela s’appelle un tour du chapeau.

Il lance et compte de nouveau
Et Jean Béliveau fait l’tour du chapeau
(Denise Émond, «La chanson des étoiles du hockey», 1956)

En troisième Maurice Richard
A fait le tour du chapeau
(Georges Langford, «L’hiver en personne», chanson, 2003).

On peut compléter un tour du chapeau ou inscrire un tour du chapeau.

Explication du Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française :

Tout comme le terme anglais hat trick, les termes truc du chapeau et tour du chapeau véhiculent ainsi [?] un rapprochement entre l’habileté quasi magique du sportif qui réalise un exploit de ce genre et celle d’un prestidigitateur qui sort un lapin de son chapeau.

L’expression viendrait toutefois du cricket.

En effet, on offrait un chapeau à tout lanceur réussissant à frapper le guichet sur trois lancers consécutifs. Par la suite, la tradition s’est transportée en Amérique du Nord, où les vendeurs locaux donnaient un chapeau à tout joueur de hockey de l’équipe hôtesse qui avait réussi à marquer trois buts lors d’une partie.

P.-S. — L’OQLF, qui parle aussi de coup du chapeau, expression inconnue de l’Oreille tendue, considère «acceptable» le terme truc du chapeau. Les puristes pourraient le lui reprocher

 

[Complément du 10 juin 2016]

Il existe une variante, dite «à la Gordie Howe», du tour du chapeau : dans un même match, un but, une passe, une bagarre.

 

[Complément du 14 octobre 2016]

La Presse+ du jour mêle sport et chapellerie.

«Le (re)tour du chapeau», la Presse+, 14 octobre 2016

 

[Complément du 3 mars 2018]

Les Canadiens de Montréal font maintenant dans l’immobilier. Ils ont lancé récemment la troisième phase de leur construction de tours d’habitation à proximité du Centre Bell. Titre de leur publicité dans le quotidien le Devoir du jour : «Célébrez le tour du chapeau» (p. A11).

 

[Complément du 28 janvier 2019]

Voici ce que Ben Schott, dans ses Miscellanées sportives (2018), a à dire de la question :

À l’origine, le hat-trick était une expression de cricket désignant l’exploit qui consiste à prendre trois wickets (à mettre trois batsmen out) en trois lancers successifs. L’origine de l’expression est sujette à controverse. Certains affirment que le bowler se voyait offrir un nouveau chapeau par les membres de son équipe, d’autres prétendent que les membres de l’équipe faisaient «passer le chapeau» au bénéfice du bowler. En tout cas, cette expression s’est répandue au-delà des terrains de cricket pour désigner un triple score dans n’importe quelle discipline sportive (p. 108).

 

[Complément du 24 octobre 2021]

Jean-Patrice Martel est historien du hockey. Sur Twitter, il est dubitatif quant à l’appellation «tour du chapeau à la Gordie Howe», qu’il trouve «bien mal nommé» : «Ce joueur n’en a obtenu qu’un, peut-être deux (dans un cas on n’a pas pu déterminer si une punition majeure avait été infligée pour une bagarre ou pour autre chose) dans sa carrière.»

 

[Complément du 25 juillet 2022]

Explication locale, sous la plume de Léandre Normand. dans sa biographie d’Hector «Toe» Blake :

Et, à l’instar de la plupart des hommes de cette époque, [Toe Blake] fréquentait le réputé chapelier Henri Henri, rue Sainte-Catherine à Montréal. Rappelons que cette boutique, fondée en 1932 et toujours aussi populaire, est à l’origine de la fameuse expression “tour du chapeau”. Ses premiers propriétaires, Honorius Henri et Jean-Maurice Lefebvre, avaient pris l’initiative, dès le milieu des années 1940, de remettre un chapeau à tout joueur du Canadien ou d’une équipe adverse qui marquait trois buts lors d’un match disputé au Forum. En contrepartie, le populaire chapelier faisait imprimer de petits calendriers des matchs du Canadien que l’on pouvait se procurer dans les postes d’essence de la pétrolière Esso et qu’il insérait derrière le ruban de ses chapeaux. Une habitude qui s’est perpétuée tout au long de l’époque des six équipes originales de la [Ligne nationale de hockey] (p. 179-180).

Tout le monde n’a pas à partager cette hypothèse.

 

[Complément du 16 janvier 2023]

Dans sa biographie d’Émile Bouchard (2022), Pat Laprade reprend le récit chapelier de Léandre Normand (p. 134).

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Références

Dionne, Claude, Sainte Flanelle, gagnez pour nous ! Roman, Montréal, VLB éditeur, 2012, 271 p.

Laprade, Pat, Émile Butch Bouchard. Le roc de Gibraltar du Canadien de Montréal, Montréal, Libre expression, 2022, 357 p. Ill. Préface de Réjean Tremblay.

Normand, Léandre, avec la collaboration de Vincent Couture, Hector «Toe» Blake. L’ours au cœur tendre, Montréal, Éditions de l’Homme, 2022, 248 p. Ill. Préface de Serge Savard.

Schott, Ben, les Miscellanées sportives de Mr. Schott, Paris, Éditions du sous-sol, 2018, 159 p. Ill. Traduit par Élie Robert-Nicoud. Adapté et mis à jour par Charles Giol. Édition originale : 2004.

Dictionnaire des séries 40

Bâton et ruban gommé

Taper : au hockey, recouvrir des parties de son bâton de ruban gommé («tape», dans la langue de Bobby Hull). L’orthographe n’est pas fixée, mais la prononciation, si : téper.

Les bâtons ben tépés quat’ briques pour faire les buts
(Sylvain Lelièvre, «La partie de hockey», chanson, 1971)

 

[Complément du 4 juin 2019]

La graphie en a peut porter à confusion. Dans le recueil Si j’étais un motel, j’afficherais jamais complet de Maude Jarry (2019), on lit le vers suivant : «la bouche tapée à celle de l’autre» (p. 73). On doit (évidemment) comprendre que cette bouche n’est pas tapée, mais tépée.

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

 

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Référence

Jarry, Maude, Si j’étais un motel, j’afficherais jamais complet. Poésie, Montréal, Éditions de ta mère, 2019, 83 p.

Dictionnaire des séries 39

Patin

 

«Baptême ! Je vais voir les Canadiens
de Montréal en chair et en patins !»
(Roch Carrier, Il est par là, le soleil, 1970)

«Celui que j’avais si souvent observé à la télévision
allait s’exécuter devant moi en chair et en patins.»
(Claude Dionne, Sainte Flanelle, gagnez pour nous !, 2012)

 

Pour jouer au hockey, il est indispensable de chausser les patins. (Un jour, il faut malheureusement les accrocher.)

Les habitués de l’Oreille tendue le savent : au sens littéral, elle n’est pas vite sur ses patins. Au contraire, le professionnel doit l’être.

Il ne peut pas patiner sur la bottine; ses lames sont faites pour ça.

Patinez-vous sur la bottine
Comme madame Églantine ?
(Commission des écoles catholiques de Montréal, École Saint-François d’Assise, 4e année, «Le hockey, c’est la santé», chanson, 1979)

Seuls trois ou quatre joueurs étaient aussi à l’aise que les Carcajous sur la glace. Quelques-uns patinaient complètement sur la bottine […] (Dragons en danger, p. 33).

S’il n’a pas un bon coup de patin, il lui faut travailler plus que les autres, notamment dans les coins.

Quand ils sont v’nus l’contrat d’ins mains
J’jouais pour les juniors de Rouyn
J’avais pas l’meilleur coup d’patin
Mais j’travaillais fort dans les coins
J’tais jeune pis j’avais peur de rien
J’ai signé pour les Canadiens
(Pierre Bertrand, «Hockey», chanson, dans Beau dommage, Passagers, 1978)

Qu’il soit rapide ou pas, que son style soit, ou non, élégant, il doit toujours patiner la tête haute. Sinon, il peut finir à l’hôpital.

Faut jamais baisser la tête, faut toujours jouer la tête haute. Comme dans la vie. Tu comprends ce que je dis, mon homme ? La tête haute, toujours la tête haute ! (Mais qu’est-ce que tu fais là, tout seul ?, p. 91)

Le hockey est un sport de contact.

 

[Complément du 11 octobre 2017]

Joli titre dans le Devoir du jour : «Parler français sur la bottine» (p. A1-A8). L’article porte sur le récent livre d’Olivier Niquet, Dans mon livre à moi (Montréal, Duchesne et du Rêve, 2017, 296 p.), dans lequel l’auteur s’amuse à recenser les fautes de langue des sportifs et joueurnalistes. Mal parler, ce serait parler sur la bottine.

 

[Complément du 25 décembre 2021]

Par conséquent, il existe une catégorie d’humains qu’on appellera, à la suite de Maxime Raymond Bock, le «patineur sur la bottine» (Morel, 2021, p. 249).

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Références

Carrier, Roch, Il est par là, le soleil. Roman, Montréal, Éditions du jour, coll. «Romanciers du jour», R-65, 1970, 142 p. Rééditions : Montréal, Stanké, coll. «10/10», 35, 1981, 160 p.; dans Presque tout Roch Carrier, Montréal, Stanké, 1996, 431 p.; Montréal, Éditions internationales Alain Stanké, coll. «10/10», 206, 2009, 89 p.

Dionne, Claude, Sainte Flanelle, gagnez pour nous ! Roman, Montréal, VLB éditeur, 2012, 271 p.

MacGregor, Roy, Dragons en danger, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 14, 2010, 159 p. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 2001.

Raymond Bock, Maxime, Morel. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2021, 325 p.

Szalowski, Pierre, Mais qu’est-ce que tu fais là, tout seul ?, Montréal, Hurtubise, 2012, 360 p.

Dictionnaire des séries 36

Le hockey est un sport où tout peut se jouer en une fraction de seconde. C’est dire que les nombres y sont importants.

Celui qui donne son 110 % fournit tous les efforts attendus, et même plus.

Hey Scotty Bowman
Hey Scotty Bowman
Pourtant j’ai du cœur au ventre
J’donne mon 110 %
(Zéphyr Artillerie, «Scotty Bowman», chanson, Chicago, 2008)

Le 110 % correspond, grosso modo, au deuxième effort.

I reste pus beaucoup d’joueurs francophones
Qui nous donnent le deuxième effort
(Réal Béland, «Hockey bottine», chanson, 2007)

Les matchs se jouent sur la glace, tout le monde vous le dira, mais les décisions des hommes de hockey, elles, se prennent au deuxième étage. (Peu importe que, dans la réalité, les bureaux des dirigeants soient bel et bien situés au deuxième étage.)

Au nom du dollar tout-puissant
Au nom de la modernité
Le deuxième étage tramait des plans
Pour déménager le temple du hockey
(Mes Aïeux, «Le fantôme du Forum», chanson, 2008)

Une formation aligne normalement six joueurs : un gardien, deux défenseurs, trois joueurs d’avant. Quand la foule s’en mêle, cela lui donnerait un septième joueur.

Howie ! On a un septième homme su’a glace
Howie ! Un vrai de vrai, de l’époque pas d’casque
Howie ! L’adversaire shake dans ces culottes
Howie ! Tout le monde a peu de sa méchante garnotte
(Mes Aïeux, «Le fantôme du Forum», chanson, 2008)

Remarque

Une chanson de 1985, sur les Nordiques de Québec, parle de «sixième joueur».

Les rues de la capitale s’embourbent
I a de l’électricité dans l’air
Les lignes ouvertes, les prédictions
Animent les conversations
Nordiques, Nordiques, Nordiques, Nordiques
Le Colisée ouvre ses portes
Le sixième joueur fait son entrée
(Mario Chénard et France Duval, «Nordiques jusqu’au bout !»)

Tout le monde ne sait pas compter.

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

Dictionnaire des séries 35

«Mais j’travaillais fort dans les coins»
(Pierre Bertrand, «Hockey», chanson,
dans Beau dommage, Passagers, 1978)

 

«Angle formé par l’intersection de deux lignes ou de deux plans», dit le Petit Robert (édition numérique de 2010) pour définir le coin. Stricto sensu, il ne peut donc pas y avoir de coin dans une patinoire.

Pourtant, tout joueur qui se respecte ne doit pas hésiter à aller dans les coins. Il y travaillera fort.

Le hockey est un sport géométrique, sans l’être.

 

[Complément du 4 novembre 2024]

Comme c’est souvent le cas, l’expression «travailler fort dans les coins» est passée dans la langue courante : «Cela dit, Kamala Harris a travaillé fort dans les coins pendant les trois mois de sa campagne à la présidence, mais son départ a été largement retardé par l’incapacité du clan Biden d’accepter à temps le fait qu’il n’était plus l’homme de la situation» (la Presse+, 4 novembre 2024).

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)