L’oreille tendue de… Jean-Baptiste Andrea

Jean-Baptiste Andrea, Veiller sur elle, 2023, couverture

«J’attendis, l’oreille tendue, dans l’espoir de saisir quelque chose de Pietra d’Alba, le son de l’air dans les branches si la fenêtre était ouverte, puisque c’était août. Mais le vacarme du dehors, cloches, carillons, automobiles qui cornaient via della Posta, m’ancrait fermement à Rome.»

Jean-Baptiste Andrea, Veiller sur elle, Paris, Éditions de l’iconoclaste, 2023, 580 p. Édition numérique.

L’oreille tendue de… Emmanuel Bouchard

Emmanuel Bouchard, Parallèle 45, 2024, couverture

«“Samoussa”. Surprise par la voix de Leonel, Marguerite avait bougé brusquement, et son mouvement avait suffi pour que l’homme se lève et marche vers elle, l’oreille tendue, intrigué par la chanson que sa femme fredonnait pourtant pour la millième fois. Près des chaudrons, dans ce coin de la case où il ne se rendait presque jamais, il avait levé la tête, s’était approché encore un peu. “De quoi tu parles, ma femme ?” Il avait saisi fermement le bras de Marguerite, puis il avait répété les mots en marquant chacune des syllabes et en serrant les dents “De. Quoi. Tu. Parles ?”, comme s’il connaissait déjà la réponse à sa question. Quand il s’était approché de son visage pour lui chuchoter quelque chose, Marguerite avait levé les talons, tirée vers le haut par la force de son mari, puis elle avait gémi en grimaçant.»

Emmanuel Bouchard, Parallèle 45, Montréal, Mains libres, 2024, 197 p., p. 92.

Le niveau baisse ! (1959)

(«Le niveau baisse !» est une rubrique dans laquelle l’Oreille tendue collectionne les citations sur le déclin [supposé] de la langue. Les suggestions sont bienvenues.)

 

«C’est Laurendeau qui, dans Le Devoir du 21 octobre 1959, est le premier à parler du joual, sous le pseudonyme de Candide. Les enfants dépérissent dès qu’ils entrent à l’école, écrit-il. Ou est-ce l’influence de la maison qui les gagne ? Laurendeau ne le sait pas très bien. À l’entendre, l’assaut vient de partout. “Une conversation de jeunes adolescents ressemble à des jappements gutturaux. De près cela s’harmonise mais s’empâte : leur langue est sans consonnes, sauf les privilégiées qu’ils font claquer. Et parfois à la fin de l’année ils vous rapportent un prix de bon langage. Ça vous fait froid dans le dos.”

Laurendeau est convaincu que le niveau général baisse. Il parle même d’un “effondrement”. “Certains individus progressent, mais la moyenne ne cesse de baisser”, poursuit-il sans fournir le moindre chiffre, la moindre preuve. Vraiment ? Il n’en démord pas, se demandant comment l’éducation “peut donner d’aussi piteux résultats”. C’était sans doute mieux autrefois, croit-il. “Est-ce une illusion ? Il nous semble que nous parlions moins mal. Moins mou. Moins gros. Moins glapissant. Moins joual.” En somme, tout était mieux avant. Mais mieux pour qui ? Qui s’exprimait mieux ?»

Source : Jean-François Nadeau, les Têtes réduites. Essai sur la distinction sociale dans un demi-pays, Montréal, Lux éditeur, 2024, 236 p., p. 135.

 

P.-S.—S’agissant de la première occurrence du mot joual au Québec, ça se discute.

 

Pour en savoir plus sur cette question :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture