La clinique des phrases (b)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante :

«Toutefois, en étant constituées comme étant parties prenantes à cette histoire, [ces émissions] contribuent à inscrire [JB] dans cette histoire, au contraire d’autres histoires de la télévision, par exemple, où elle est davantage mise de l’avant comme auteure.»

On pourrait la laisser en l’état; ce ne serait guère charitable. Essayons d’en faire quelque chose d’acceptable.

Commençons par enlever ce «comme étant» parfaitement inutile (et répétitif) :

«Toutefois, en étant constituées parties prenantes à cette histoire, [ces émissions] contribuent à inscrire [JB] dans cette histoire, au contraire d’autres histoires de la télévision, par exemple, où elle est davantage mise de l’avant comme auteure.»

«Histoire», trois fois ? C’est un peu beaucoup :

«Toutefois, en étant constituées parties prenantes à cette histoire, [ces émissions] contribuent à y inscrire [JB], au contraire d’autres histoires de la télévision, par exemple, où elle est davantage mise de l’avant comme auteure.»

Pour qui voudrait insister moins sur le processus que sur son fruit, il y aurait moyen de faire plus économique encore :

«Toutefois, parties prenantes de cette histoire, [ces émissions] contribuent à y inscrire [JB], au contraire d’autres histoires de la télévision, par exemple, où elle est davantage mise de l’avant comme auteure.»

Ce «par exemple» est-il bien nécessaire ? Non :

«Toutefois, parties prenantes de cette histoire, [ces émissions] contribuent à y inscrire [JB], au contraire d’autres histoires de la télévision où elle est davantage mise de l’avant comme auteure.»

C’est un peu mieux. Ce n’est toujours pas génial. On fait ce qu’on peut avec les moyens du bord.

À votre service.

Tout est affaire de point de vue

«Pourtant quelqu’un m’a dit
Que tu m’aimais encore»
(Carla Bruni, «Quelqu’un m’a dit»)

 

Le Parisien, 7 janvier 2014 : «Carla Bruni : concert annulé au Québec faute de fans.»

Le Journal de Montréal, 7 janvier 2014 : «Carla Bruni annule Québec et Gatineau.»

La Presse, 8 janvier 2014, cahier Arts, p. 2 : «Carla Bruni annule à Québec et à Gatineau.»

Le Nouvel Observateur, 8 janvier 2014 : «Carla Bruni fait un flop au Québec et annule ses concerts : doit-elle prendre sa retraite ?»

Le Devoir, 8 janvier 2014, p. B7 : «Carla Bruni allège sa tournée.»

Fromage plâtreux

L’Oreille tendue est père. Une de ses activités paternelles du temps des Fêtes fut d’assister, avec son cadet, au spectacle Geronimo Stilton dans le royaume de la fantaisie. L’Oreille a beau être père, elle n’en est pas moins tendue pour autant.

I.

Vous le savez : l’Oreille n’est pas du genre à s’effaroucher parce que, sur scène, le passé simple côtoie le slam. En revanche, elle se demande toujours pourquoi des concepteurs de spectacle se croient drôles parce qu’ils jouent du décrochage, chez le même personnage, des accents, de l’accent le plus neutre au gros accent québécois. Ils ne savent pas que nous sommes en 2013 et que cela a été fait mille fois ? Croient-ils vraiment nécessaire d’éduquer nos chères têtes blondes à cette alternance codique parfaitement éculée ?

II.

Si ses oreilles ne l’ont pas trompée, l’Oreille a entendu un homard chanter «Nous devons se sauver». Elles saignent encore.

III.

Au-dessus de la scène, des images étaient projetées, dont celle-ci :

Geronimo Stilton dans le royaume de la fantaisie

Personne ne s’est aperçu qu’il fallait «leurs» au lieu de «ses» ?

Geronimo Stilton dans le royaume de la fantaisie n’était probablement pas un spectacle éducatif.

Le pion fou a encore frappé

Le 16 janvier 2013, l’Oreille tendue publiait ses «Dix commandements», une série de conseils (universitaires) en matière de rédaction et de présentation des devoirs. Il n’y en avait pas dix, mais trente. Il y en eut ensuite trente-sept, puis quarante-deux. Il y en a maintenant quarante-six. C’est ici.

Bell et la linguistique

L’Oreille tendue le disait l’autre jour : la compagnie de télécommunications Bell méprise la langue française et, par là, ses clients, actuels et potentiels, et les téléspectateurs qui sont exposés à ses publicités. Elle semble refuser de le reconnaître, mais, pour certains, «ça leur dérange».

(Félicitons au passage la Société Radio-Canada qui a retiré de ses ondes le message dont il était question ici le 21 octobre. Le Réseau des sports n’a pas eu le même courage. Il est vrai qu’il est propriété… de Bell.)

Le plus récent message télévisé de Bell ne comporte pas de fautes de langue aussi grossières que le précédent. Il repose toujours, en revanche, sur le recours aux stéréotypes : ici, celui de la belle-mère qui ne se mêle pas de ses affaires. En outre, il prend appui sur une erreur de conception linguistique commune au Québec : le personnage de la belle-mère y postule en effet que «“on” exclut la personne qui parle».

On entend beaucoup, et depuis longtemps, cette fausseté. Comment démontrer que ce n’est pas vrai ? Un exemple devrait suffire.

Quand un des membres d’un couple dit Ce soir, chéri(e), toi et moi, on fait l’amour, on peut légitimement déduire qu’il ne pense pas à s’exclure de l’invitation. Du moins, on ne le lui souhaite pas.

P.-S. — Ce n’est pas la première fois qu’il est question de cette supposée exclusion chez l’Oreille. Voir ici.