Vélo sur glace

«Deux hommes penchés sur un vélo sur une route de Pontoise», photo attribuée à Delizy, 1897

Phillip Danault joue pour les Canadiens de Montréal — c’est du hockey.

La Presse+ lui demandait plus tôt cette semaine d’expliquer les succès inattendus de son équipe en ce début de saison. Tout passe, disait-il, par l’effort collectif : «Avec notre équipe, ça prend tout le monde. Sinon, la chaîne débarque.»

Cette chaîne, dont Danault souhaite qu’elle ne débarque pas / plus, est celle du vélo : quand la chaîne saute, en effet, impossible d’avancer; on est condamné, à plus ou moins brève échéance, au surplace.

Le joueur des Canadiens n’évoque pas, on l’aura compris, un véritable vélo arrêté sur la glace. (Jouer en patins est déjà suffisamment compliqué.) Son propos a valeur métaphorique.

P.-S.—Au Québec, le vélo est tout aussi bien une bicyclette, un bicycle, voire un «bécique» (Expo habitat, p. 14), un «bécik» (Petit lexique […], p. 43), un «bécyk» (Canadian French for Better Travel, p. 89) ou un «bicique» (Supplément 1981, p. 68).

 

[Complément du 9 mars 2019]

Cette «chaîne» est-elle fort connue au Québec ? Certes, s’il faut en croire la Presse+ du jour : «Mais comme on l’a vu à quelques reprises cette saison, toujours sur la route (souvenez-vous d’Edmonton, du New Jersey et du Minnesota), la proverbiale chaîne a débarqué.» «Proverbiale», elle est.

 

[Complément du 2 juin 2023]

Variation, tirée de la Presse+ du 1er juin 2023 : «C’est certain que si vous remplacez Sean Murphy, Matt Olson, Marcus Semien et Matt Chapman par des réservistes de 33 ans et des jeunes qui en arrachent, c’est possible que la chaîne déraille.»

 

Illustration : «Deux hommes penchés sur un vélo sur une route de Pontoise», photo attribuée à Delizy, 1897, Rijksmuseum, Amsterdam

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise précédé de la Charte de la langue québécoise. Supplément 1981, Montréal, VLB éditeur, 1981, 168 p.

Corbeil, Pierre, Canadian French for Better Travel, Montréal, Ulysse, 2011, 186 p. Ill. Troisième édition.

Desjardins, Ephrem, Petit lexique de mots québécois à l’usage des Français (et autres francophones d’Europe) en vacances au Québec, Montréal, Éditions Vox Populi internationales, 2002, 155 p.

Voyer, Marie-Hélène, Expo habitat, Chicoutimi, La Peuplade, 2018, 157 p.

Ange tutélaire hockeyistique

Photo de Maurice Richard, vestiaire du Rocket de Laval, 2018

Le Rocket de Laval est une équipe de hockey de la Ligue américaine, affiliée aux Canadiens de Montréal.

Une nouvelle image se trouve désormais dans le vestiaire de l’équipe : «Une touche que je voulais apporter, ce sont les yeux de Maurice, a dit Bouchard après la pratique des siens. C’est important pour moi que les yeux de Maurice soient sur nous autres en tout temps. Ils veillent sur nous autres et nous avons une responsabilité envers l’organisation» (cité dans le Journal de Montréal du 24 septembre).

Ce «Bouchard» est Joël Bouchard, l’entraîneur de l’équipe. Ce «Maurice» est Maurice «Le Rocket» Richard (1921-2000), le célèbre numéro 9 des Canadiens.

Voilà du matériel supplémentaire — ce n’est pas qu’il en manque — pour l’Oreille tendue, autrice d’une histoire culturelle du Rocket intitulée les Yeux de Maurice Richard.

P.-S.—Il y a actuellement des élections au Québec. Le candidat dans la circonscription montréalaise de… Maurice-Richard affiche fièrement son numéro.

Affiche électorale de Daniel St-Hilaire en joueur de hockey, 2018

 

Référence

Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.

Les Yeux de Maurice Richard, édition de 2012, couverture

Le beurre est de l’air

Jonathan Livernois, la Route du Pays-Brûlé, 2016, couverture

Soit la parenthèse suivante, tirée de la Route du Pays-Brûlé, de Jonathan Livernois (2016) : «(pour rien, dans le beurre)» (p. 26).

Explication du Petit Robert (édition numérique de 2014) : «(Canada) LOC. FAM. Passer, frapper dans le beurre, à côté de la cible, manquer son coup.»

L’expression est souvent utilisée au baseball / au hockey, quand un joueur est incapable de frapper la balle / la rondelle. Les commentateurs sportifs lui préfèrent cependant fendre l’air, d’un registre réputé moins familier.

Cela laisse évidemment une question ouverte : qu’arrive-t-il à l’air fendu ?

 

[Complément du 13 décembre 2020]

S’élancer au baseball, c’est swigner. S’élancer dans le beurre ? «Pendant que les autres murmuraient, je regardais intensément la fille lancer, et mes coéquipières swigner dans le beurre, intensément concentrée» (Ouvrir son cœur, p. 90).

 

Références

Livernois, Jonathan, la Route du Pays-Brûlé. Archéologie et reconstruction du patriotisme québécois, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 09, 2016, 76 p. Photographies de Justine Latour.

Morin, Alexie, Ouvrir son cœur. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Écho», 29, 2020, 343 p. Édition originale : 2018.