Les langues du hockey

Olivier Niquet, Dans mon livre à moi, 2017, couverture

«Lorsqu’il est question de tout ce qui se passe sur une patinoire,
la syntaxe mange souvent une claque.»

L’Oreille tendue et Olivier Niquet aiment entendre parler de hockey. La première a consacré un livre aux mots du hockey, Langue de puck (2014). Le second a rassemblé, sous le titre Dans mon livre à moi, 436 citations, de 122 commentateurs, citations véridiques toutes plus boiteuses les unes que les autres. Elles sont datées (de 2004 à 2017), regroupées thématiquement et indexées. Parmi les «commentateurs», il y a beaucoup de joueurnalistes, mais on entend aussi des joueurs, des entraîneurs et des administrateurs; quelques-uns ont droit à leur carte, avec photo, présentation et statistiques. Le hockey domine, mais d’autres sports sont convoqués à l’occasion. Des quiz permettent au lecteur de vérifier ses connaissances.

Chacun choisira sa citation favorite. Voici quelques-unes de celles que chérit l’Oreille : «Il en a vu des roses et des pas mûres» (Benoît Brunet, p. 35); «On ne peut pas jouer à la chaise roulante continuellement» (Michel Bergeron, p. 41); «Pis je trouve que Shaw, c’t’un gars qui a beaucoup plus de chien» (Vincent Damphousse, p. 61); «Les partisans du Canadien, ils veulent le beurre et le pain du beurre» (Michel Villeneuve, p. 174); «Quand t’as un jeune défenseur là, ta lèche est courte» (Marc Bergevin, p. 196); «Les drapeaux viennent d’érecter d’eux-mêmes» (Jean-Charles Lajoie, p. 214); «La rondelle est restée coincée dans les airs» (Pierre Houde, p. 255).

Toute la section «Le sixième sens des experts sportifs» (p. 144-155) est une merveille. Un exemple ? «Je pense qu’il faut le voir du bon pied» (Guillaume Latendresse, p. 152).

Morale de cette histoire ? «Souvent on parle pour absolument rien, mais ça fait partie du sujet» (Rodger Brulotte, p. 11).

Des heures de plaisir.

P.-S.—Les amateurs de l’émission de radio La soirée est encore jeune, à laquelle participe Olivier Niquet, apprécieront un des choix de réponse proposé à la p. 266 : «C’était un Mongol de Québec.»

P.-P.-S.—La section finale, «Un peu d’inspiration» (p. 268-273), rassemble des citations édifiantes. Que vient-elle faire là ?

P.-P.-P.-S.—Gabriel Grégoire n’a pas été «défenseur» pour les Alouettes de Montréal — c’est du football —, mais joueur de ligne défensive (p. 183).

P.-P.-P.-P.-S.—Si les réviseurs de l’ouvrage ne connaissent pas une meilleure saison en 2018, ils risquent de se retrouver dans les mineures : ils ont laissé plusieurs fois «parlé» au lieu de «parler» (p. 4-6); ils n’ont pas relevé des constructions fautives (deux à la p. 9, une à la p. 176); ils ne semblent pas toujours savoir quand utiliser l’italique (p. 5, p. 185, p. 186); des coquilles leur ont échappé (p. 17, p. 111, p. 129, p. 183, p. 193, p. 195, p. 216, p. 219, p. 221, p. 223, p. 226, p. 263, p. 267, p. 270, p. 271, p. 272, p. 277, p. 279, p. 281). Peut-être n’ont-ils pas donné leur 110 %.

 

Références

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Niquet, Olivier, Dans mon livre à moi, Montréal, Duchesne et du Rêve, 2017, 295 p. Ill. Mot de l’éditeur (Patrice Duchesne). Préface de Jean-René Dufort.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

 

 

Accord avec la bière

Coups de feu au Forum et Donnacona, couvertures, collage

Soit les deux phrases suivantes :

«Sur ces nouvelles directives, Brazeau congédia ses deux subalternes. Après une semaine d’escapade, il avait négligé ses affaires courantes. Avec un peu plus de perspicacité, Asselin aurait pu remarquer que la panse du policier marquait un arrondi encore plus prononcé qu’à l’ordinaire. Une semaine entière de pêche avec deux vieux amis, à s’empiffrer de poisson et de bière “tablette”, avait laissé des traces qu’un œil exercé pouvait aisément discerner» (Coups de feu au Forum, p. 163).

«Le soir, c’était un repaire pour les âmes esseulées venues s’oublier dans des grosses Molson ou des Laurentides tablettes» (Donnacona, p. 41).

Servie à la température ambiante, la bière, au Québec, est dite tablette. Dans le premier cas, des guillemets prophylactiques encadrent ce mot venu de la langue populaire. Dans le second, l’accord se fait en nombre; ça se discute.

P.-S.—Souvenez-vous : nous avons déjà croisé ce genre de bière dans un autre contexte.

 

[Complément du 22 avril 2018]

Il n’y a pas que la bière à pouvoir être tablette si l’on en croit les poètes Véronique Bachand et Mathieu Renaud :

Une amitié sans village
cherche épaule à pleurer
son humeur tablette
le dos courbé
en forme de vertu (p. 27).

 

Références

Bachand, Véronique et Mathieu Renaud, Décembre brule et Natashquan attend. Poèmes à quatre mains, Montréal, Del Busso éditeur, 2017, 72 p.

Brisebois, Robert W., Coups de feu au Forum, Montréal, Hurtubise, 2015, 244 p.

Plamondon, Éric, Donnacona. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 116, 2017, 118 p.

Le siège de l’excitation

François Blais, Vie d’Anne-Sophie Bonenfant, 2009, couverture

Soit la phrase suivante, tirée de la Presse+ du jour : «Le 9-0 ne m’excite pas le poil des jambes.» L’homme de hockey qui s’exprime ainsi affirme que la victoire écrasante de son équipe ne le pousse pas à plastronner. Il ne se laissera pas emporter par elle, il ne va pas s’énerver pour si peu.

Exemple romanesque, chez le François Blais de Vie d’Anne-Sophie Bonenfant (2009) : «Et George Sand, qu’avait-elle à s’exciter tant que ça le poil des jambes ?» (p. 178)

Si tant est que l’excitation y réside, les jambes et leurs poils seraient à considérer avec détachement, voire avec méfiance.

P.-S.—À défaut de se l’exciter, on pourrait se l’énerver, dixit le Trésor des expressions populaires de Pierre DesRuisseaux (éd. de 2015, p. 254).

P.-P.-S.—D’autres poils ? Ici.

 

Références

Blais, François, Vie d’Anne-Sophie Bonenfant. Roman, Québec, L’instant même, 2009, 241 p.

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.

Soyez raisonnables

Bitcoin, symbole

 

Soit le tweet suivant :

Floaber, donc. Il y a quelques années, l’Oreille tendue, pour sa part, avait évoqué flôber. La graphie de ce verbe n’est donc pas fixée.

En revanche, point de vue sens, cela devrait aller : floaber / flôber, c’est dépenser, souvent de façon inconsidérée (gaspiller, brûler son argent, dilapider).

Oui, cela peut être interprété comme une mise en garde en cette période de dépenses programmées.

P.-S.—Pierre DesRuisseaux, dans son Trésor des expressions populaires (2015), retient lui aussi la graphie flôber (p. 152). Pierre Corbeil promeut plutôt l’apostrophe intercalaire : flô’ber (Canadian French for Better Travel, 2011, p. 79). En ligne, on voit encore flauber et flober. C’est comme ça.

 

[Complément du 19 décembre 2019]

Pour désigner celui qui dilapide, le poète Gérald Godin promeut la graphie en –au : «flaubeur d’héritages et sans-cœur» (les Cantouques, p. 34).

 

Illustration : Bitcoin, par Web-dev-chris, image déposée sur Wikimedia Commons

 

Références

Corbeil, Pierre, Canadian French for Better Travel, Montréal, Ulysse, 2011, 186 p. Ill. Troisième édition.

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.

Godin, Gérald, les Cantouques. Poèmes en langue verte, populaire et quelquefois française, Montréal, Parti pris, coll. «Paroles», 10, 1971, 52 p. Édition originale : 1967.