Vaut mieux en avoir

François Hébert, Montréal, 1989, couverture

Soit la phrase suivante, tirée de l’essai que consacrait François Hébert à Montréal en 1989 :

Gaston Miron a fait ce qu’il a pu pour réveiller l’autre solitude. Torrent essayant de tenir dans une main sa source et dans l’autre son embouchure, un peuple sur la tête et une femme à sa hanche, il déboulait parfois dans la succursale de la Banque Royale, encore elle, où travaillait un ami à qui il déclamait son dernier poème, devant des bovins estomaqués qui attendaient à la caisse voisine pour déposer ou retirer quelque foin (p. 69).

«Quelque foin» ? Dans la langue populaire du Québec, le mot foin désigne l’argent, pas seulement la nourriture des «bovins».

À votre service.

P.-S.—On ne peut rien vous cacher : nous avons déjà causé pognon ensemble.

 

Référence

Hébert, François, Montréal, Seyssel, Champ vallon, coll. «Des villes», 24, 1989, 103 p.

Monnaie poétique

François Hébert, Homo plasticus, 1987, couverture

Soit les deux premiers vers du «Chant huitième» du livre Homo plasticus (1987), de François Hébert :

Tout mécène que je sois, je tiens à mes cents.
Par bonheur alors un conseiller en marketing s’amène. (p. 17)

Un lecteur non familier avec la prononciation québécoise pourra s’étonner de la rime «cents» / «s’amène». C’est pourtant tout simple : au royaume des argents neuves, on prononce cent, le mot, cenne.

Soulignons dès lors la reprise «mécène» / «mes cents» (mes cennes).

À votre service.

P.-S.—En effet, nous avons déjà croisé cennes, par exemple dans être proche de ses cennes.

 

Référence

Hébert, François, Homo plasticus, Québec, Éditions du Beffroi, 1987, 130 p.

Bien au-dessus de la moyenne

Alexie Morin, Ouvrir son cœur, éd. de 2020, couverture

Soit les deux phrases suivantes :

«Et il faut être débranché sur un moyen temps pour dépenser 2000 $ des fonds parlementaires pour faire la promotion de la F1, qui n’a aucun rapport avec la circonscription d’Alfred-Pellan, sinon qu’on y trouve, là comme dans les 338 circonscriptions du pays, des amateurs de courses de chars» (la Presse+, 3 avril 2024).

«Des nuits entières à relayer des commandes en criant dans un bar bondé, rempli de vraies cigarettes, ça t’endommageait les cordes vocales sur un moyen temps» (Ouvrir son cœur, p. 279).

Moyen temps, donc. On l’aura compris : ce qui est débranché ou endommagé «sur un moyen temps» l’est beaucoup. On n’est pas ici, malgré les apparences, dans la moyenne, mais plutôt dans l’excès.

À votre service.

 

Référence

Morin, Alexie, Ouvrir son cœur. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Écho», 29, 2020, 343 p. Édition originale : 2018.