Canidé linguistique

C’est chien !, service de promenade de chien, Montréal, 2024, publicité

Être chien («T’es chien», «C’est chien»), dans le français populaire du Québec, peut désigner plusieurs comportements, tous répréhensibles : surplus de méchanceté, absence de fair-play, déficit de mansuétude, accès de saloperie.

Dans le domaine sportif, qui joue chien joue cochon.

La personne qui vous propose, sous la bannière «C’est chien !», de promener votre animal de compagnie, contre rétribution, fait donc preuve d’humour. Félicitons-la.

P.-S.—En effet, ce n’est pas le premier chien que nous croisons; voir ici.

Sans limite

Panneau de signalisation, «Maximum 40»

Soit la phrase suivante, tirée du quotidien montréalais le Devoir, au sujet de Fabcaro : «Dans le genre pas barré à quarante, comme on dit au Québec, c’est un capable.»

Dans la langue populaire du Québec, qui n’est pas barré à quarante fonce, s’affirme, ne se laisse pas contraindre, repousse les limites imposées.

Variation sur le même thème, chez Pierre DesRuisseaux, sous «Ne pas être barré… (à quarante)» : «Ne pas être gêné, timide» (p. 30).

Ephrem Desjardins donne «effronté» comme synonyme (p. 39).

À votre service.

P.-S.—On peut, en effet, supposer que l’«érudite pas barrée» de Catherine D’Anjou (p. 58) ne l’est pas à quarante.

 

Références

D’Anjou, Catherine, On retourne toujours à Old Orchard. Poésie, Montréal, Del Busso éditeur, 2023, 76 p.

Desjardins, Ephrem, Petit lexique de mots québécois à l’usage des Français (et autres francophones d’Europe) en vacances au Québec, Montréal, Éditions Vox Populi internationales, 2002, 155 p.

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.

Divergences transatlantiques 073

«Crachoir en porcelaine à décor, avec un trou au centre du couvercle en forme de large entonnoir et une ouverture latérale pour le vider»

Parlons, si vous le voulez bien, crachoir.

Selon le Petit Robert (édition numérique de 2018), on le tiendrait, tenir le crachoir signifiant «parler sans arrêt». (Voir ici un exemple chez Jean-Bernard Pouy.)

Au Québec, il arrive qu’on le prenne : «Je ne me souviens d’aucun grand discours, cette journée-là, seulement la prise de parole, à tour de rôle et sans micro, de femmes suffisamment décomplexées pour prendre le crachoir» (Au Québec, c’est comme ça qu’on vit, p. 34). Dans cet exemple, il s’agit moins de parler sans arrêt que de prendre la parole.

C’est comme ça.

Illustration : «Crachoir en porcelaine à décor, avec un trou au centre du couvercle en forme de large entonnoir et une ouverture latérale pour le vider», photo déposée sur Wikimedia Commons

 

[Complément du 29 janvier 2024]

Au sens premier, le crachoir est un «Petit récipient muni d’un couvercle dans lequel on peut cracher» (le Petit Robert, édition numérique de 2018). Au Québec, le couvercle était facultatif. C’était le cas chez le grand-père paternel de l’Oreille tendue, qui en garde un souvenir peu ragoûtant : pas de couvercle. C’est aussi le cas dans cette photo probablement prise à l’Hôtel du Canada de Berthierville (merci à l’Ahuntsicoise qui l’a envoyée à l’Oreille). On notera l’avis hygiénique sans équivoque : «Cracher à terre c’est attenter à la vie d’autrui.» C’est noté.

Intérieur de l’Hôtel du Canada, Berthierville, sans date

 

[Complément du 12 juillet 2024]

Le traducteur Éric Boury, dans le Roi et l’horloger, propose «boîte crachats» (p. 112).

 

Références

Indridason, Arnaldur, le Roi et l’horloger, Paris, Métailié, coll. «Bibliothèque nordique», 2023, 315 p. Traduction d’Éric Boury. Édition originale : 2021.

Pelletier, Francine, Au Québec, c’est comme ça qu’on vit. La montée du nationalisme identitaire, Montréal, Lux éditeur, 2023, 213 p.