Tu peux prendre tout ton temps…

Marie-Hélène Voyer, Expo habitat, 2018, couverture

Soit les deux citations suivantes, tirées du recueil de poésie Expo habitat de Marie-Hélène Voyer (2018) :

Le temps traîne de la patte
prend des détours
brette un peu (p. 55)

des flancs mous des branleux des bretteux des galeux (p. 63)

Au Québec, qui brette — le bretteux — ne fait pas que prendre son temps; il prend tout son temps, vraiment tout son temps. Cela peut ennuyer ses proches.

Synonymes : lambiner (Canadian French for Better Travel, p. 129); bisouner, travailler sans conviction, pour se distraire (Dictionnaire de la langue québécoise, p. 97); fainéanter, musarder, tarder, niaiser (Usito).

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Corbeil, Pierre, Canadian French for Better Travel, Montréal, Ulysse, 2011, 186 p. Ill. Troisième édition.

Voyer, Marie-Hélène, Expo habitat, Chicoutimi, La Peuplade, coll. «Poésie», 2018, 157 p.

Ne vous compliquez pas la vie

Jonathan Livernois, la Route du Pays-Brûlé, 2016, couverture

Autrement dit : ne vous bâdrez pas de ceci ou de cela, ne vous laissez pas encombrer, importuner, embêter, déranger, embarrasser, fatiguer, ennuyer, gêner.

Exemples :

«Certes, ces mêmes étudiants sont fiers d’être ce qu’ils sont, fiers de leur culture québécoise, aussi, mais ça s’arrête là. Leurs communautés sont éparses et riches. Pourquoi se bâdrer d’un pays infirme ?» (la Route du Pays-Brûlé, p. 65)

«Je pense que c’est à notre tour maintenant de trouver une façon d’aller chercher de l’inspiration pour se renouveler hors des sentiers battus — en évitant de se badrer de considérations partisanes» (blogue).

Ephrem Desjardins propose une définition du verbe et une origine : «Bâdrer : déranger, embêter. “As-tu fini de m’bâdrer avec tes histoires ?”. Or. : de l’anglais to bother, déranger» (Petit lexique […], p. 32-33).

La Base de données lexicographiques panfrancophone, qui les trouve «familiers» ou «vieillis», et Léandre Bergeron connaissent une série de mots associés :

bâdrage («Action de bâdrer; ce qui en résulte»),

bâdrant, ante («(En parlant d’un être animé). Qui dérange, importune par sa présence, son comportement, ses propos»; «(En parlant de qqch.). Qui cause du désagrément, de la contrariété, du souci, de la gêne»; «Ennuyeux, importun»),

bâdré, ée («Ennuyé, gêné, contrarié»),

bâdrement («Chose qui dérange, ennuie, tracasse»),

bâdrerie («Chose qui dérange, ennuie, tracasse»; «Ennui, tracas, souci, contrariété, embarras, dérangement»),

bâdreux, euse («(Personne) qui dérange, importune par sa présence, son comportement, ses propos»; «Ennuyeux, importun, fatigant, bâdrant (en parlant d’une personne)» — mais aussi «Homme habile, capable, extraordinaire»; «Capable de choses peu ordinaires»).

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Desjardins, Ephrem, Petit lexique de mots québécois à l’usage des Français (et autres francophones d’Europe) en vacances au Québec, Montréal, Éditions Vox Populi internationales, 2002, 155 p.

Livernois, Jonathan, la Route du Pays-Brûlé. Archéologie et reconstruction du patriotisme québécois, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 09, 2016, 76 p. Photographies de Justine Latour.

Citation (en quelque sorte) religieuse du jour

Marcel Rioux, les Québécois, 1974, couverture

«Les Québécois doivent détenir une espèce de prix international dans le domaine du jurement. Certains anthropologues y verraient probablement une illustration de l’ambivalence du sacré. Depuis toujours, ce spécimen d’humanité a appris à nommer les choses sacrées et à les considérer comme les plus importantes de sa vie terrestre et éternelle. Elles représentent une espèce de summum indépassable. Quand il est à l’Église ou qu’il récite ses prières, ces mots sacrés qu’il entend ou prononce sont revêtus d’une aura religieuse. Quand, dans sa vie profane, il voudra exprimer une émotion forte, les mots sacrés se présenteront presque naturellement à lui. Son vocabulaire étant souvent limité, le mot sacré exprimera un superlatif. “C’est beau en Christ”, «Baptême que cette fille-là est bien faite”. Parlant de quelqu’un qui est en colère, il dira qu’“il est en hostie”. Ce n’est que lorsqu’il se fâchera lui-même, que tout ira mal, que le Québécois injuriera le ciel et qu’il “sortira tout ce qu’il y a dans l’église et dans les cieux”. Sa faculté d’invention ne connaît alors plus de bornes. Commençant par les “hosties carreautées” et passant par les “tabernacles de tôle” il ira jusqu’à “chier sur les quatre poteaux du ciel”. Tous les saints du ciel — il en invente au besoin — et la Sainte Vierge en particulier, en prendront pour leur grade.»

Marcel Rioux, les Québécois, Paris, Seuil, coll. «Microcosme. Le temps qui court», 1974, 188 p., p. 46.

L’avoir courte

Icône de bombe, Macintosh

Soit les deux phrases suivantes :

«J’ai pas la mèche courte, madame, y’a pus de mèche, y’a le feu» (Venir au monde, p. 31).

«La journée s’annonçait longue et la patience de Brazeau avait déjà la mèche courte» (Coups de feu au Forum, p. 121).

Avoir la mèche courte, donc : «Réagir rapidement et fortement, être impatient», dit le Wiktionnaire.

Synonyme : prime.

 

Références

Brisebois, Robert W., Coups de feu au Forum, Montréal, Hurtubise, 2015, 244 p.

Olivier, Anne-Marie, Venir au monde, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 14, 2017, 101 p. Précédé d’un «Mot de la metteure en scène», Véronique Côté. Suivi de «Contrepoint. Tenir bon», par Catherine-Amélie Côté.