Le libre accès gris

Logo du libre accès, en gris

Depuis plusieurs années, notamment en séminaire doctoral, au sein de diverses instances de la plateforme Érudit et dans un long entretien, l’Oreille tendue défend le libre accès en matière de publication scientifique.

Le libre accès ? Définition tirée d’une note recherche de 2021 :

la mise à disposition gratuite sur l’Internet public, permettant à tout un chacun de lire, télécharger, copier, transmettre, imprimer, chercher ou faire un lien vers le texte intégral [des articles scientifiques], les disséquer pour les indexer, s’en servir de données pour un logiciel, ou s’en servir à toute autre fin légale, sans barrière financière, légale ou technique autre que celles indissociables de l’accès et l’utilisation d’Internet. La seule contrainte sur la reproduction et la distribution, et le seul rôle du copyright dans ce domaine devrait être de garantir aux auteurs un contrôle sur l’intégrité de leurs travaux et le droit à être correctement reconnus et cités (p. 1).

En matière chromatique, on parle souvent de libre accès vert (l’auto-archivage), doré (les publications conçues en libre accès immédiat et gratuit), bronze (la diffusion sans licence spécifique sur un site Web), noir (la diffusion sur des sites pirates), etc.

Au seuil de la retraite (jour J-3), l’Oreille propose aujourd’hui le concept de libre accès gris. De quoi s’agit-il ? Pour un professeur qui s’apprête à quitter l’enseignement universitaire — la plupart, s’ils en ont encore, ont les cheveux gris —, de rendre accessibles gratuitement en ligne ses publications, récentes et anciennes.

L’Oreille vient de le faire : elle a déposé sur le dépôt numérique de son université, Papyrus, plusieurs dizaines de ses textes (articles, chapitres de livres, livres individuels ou collectifs). Ça se trouve là : au moment de rédiger ces lignes, il y a 112 entrées, mais d’autres vont s’ajouter sous peu.

Cela étant, la liste n’est pas exhaustive (ces choses-là prennent du temps). On peut aussi avoir (libre) accès à d’autres travaux de ce côté-ci ou de ce côté-là.

Servez-vous.

P.-S.—C’est dans le même esprit qu’ont été libérées les données de la bibliographie que publie l’Oreille depuis 1992 (explications).

 

[Complément du 17 janvier 2024]

Parmi les ajouts récents, on trouve quatre livres :

Melançon, Benoît, Bangkok. Notes de voyages, Montréal, Del Busso éditeur, 2009, 62 p. Quinze photographies en noir et blanc. [PDF]

Melançon, Benoît, Écrire au pape et au Père Noël. Cabinet de curiosités épistolaires, Montréal, Del Busso éditeur, 2011, 165 p. [PDF]

Voltaire à la radio canadienne. Textes de Louis Pelland présentés et annotés par Joël Castonguay-Bélanger et Benoît Melançon, Montréal, Del Busso éditeur, 2013, 87 p. [PDF]

Ségur, la Femme jalouse, roman épistolaire de 1790, édition présentée et commentée par Flora Amann et Benoît Melançon, Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 245 p. [PDF]

 

Référence

Principes et politiques du libre accès. Note de recherche, Montréal, Érudit, janvier 2021, 8 p. [PDF]

Choix éditoriaux du passé

 

Ernest Hemingway, To Have and Have Not, éd. 1976, couverture

Ernest Hemingway publie en 1937 To Have and Have Not, un court roman interminable.

Les choix éditoriaux de Penguin Books, dans l’édition de 1955, étonnent, vus de 2021.

Le mot en n-, dans ses deux versions, est partout, en toutes lettres, de même que le mot en ch- (pour désigner les Asiatiques).

En revanche, shit est ramené à «s—», et fuck à «f—».

Les éditeurs d’hier n’avaient pas la même sensibilité lexicale que ceux d’aujourd’hui.

 

Référence

Hemingway, Ernest, To Have and Have Not, Harmondsworth, Penguin Books, 1976, 205 p. Édition originale : 1955.

Plaisir solitaire

Maurice Richard et Stan Fischler, Les Canadiens sont là !, 1971, couverture

En 1971, chez Prentice-Hall of Canada, dans une traduction de Louis Rémillard, paraît le livre Les Canadiens sont là ! La plus grande dynastie du hockey. En couverture, deux noms pour un seul auteur, «par Maurice “Rocket” Richard et Stan Fischler» : Maurice Richard est un joueur de hockey; Stan Fischler, un très prolifique journaliste sportif. (Il est arrivé, à l’occasion, à l’Oreille tendue de parler de Richard.)

Dans sa livraison de juillet 1971, le Magazine Maclean publie une publicité pour l’ouvrage (p. 39).

Le Magazine Maclean, juillet 1971, publicité pour Les Canadiens sont là !

Comment l’éditeur entend-il appâter le chaland ?

En proposant une «version authentique» de la «belle carrière» de Richard, parfois ramené à son seul prénom, «Maurice».

En promettant un texte enlevant : «Captivant, le récit bondit au rythme du hockey lui-même; rapide, imprévisible, tout comme l’équipe; tout comme le plus grand de ses joueurs»; «Plus de 20 grandes illustrations et 300 pages pleines de mouvement vous placeront au beau milieu de la patinoire.»

En offrant la possibilité à l’acheteur de retourner le livre pour quelque raison que ce soit : «J’examinerai ce livre chez moi pendant dix jours. Si je décide de ne pas le conserver, je pourrai vous renvoyer le livre, et mon argent [6,95 $] me sera intégralement remboursé.» Il n’y a rien à craindre : «COMMANDEZ VITE ! OFFRE SÛRE !»; «sans aucun risque !»; «votre commande est entièrement garantie !»; «Examinez ce livre pendant 10 jours sans risque !»; «GARANTIE DE REMBOURSEMENT !»

Surtout, en suggérant un plaisir solitaire : «“Les Canadiens sont là” est un livre passionnant, que vous tiendrez à lire vous-même.» Personne ne le lira à votre place ! C’est toujours bon à savoir.

 

Référence

Richard, Maurice et Stan Fischler, Les Canadiens sont là ! La plus grande dynastie du hockey, Scarborough, Prentice-Hall of Canada, 1971, vii/296 p. Ill. Traduction de Louis Rémillard.

L’Oreille tendue implore son éditeur…

…de faire quelque chose de semblable à Montréal.

Jacques Hellemans, les Éditions Marabout, Bob Morane et le Québec, 2019, couverture

«Le 6 janvier 1953, conscient de l’importance du hockey dans le cœur des Québécois, Dimitri Kasan [des Éditions Marabout-Kasan limitée] fait une demande auprès d’Émery Boucher, directeur de la Commission de l’Exposition provinciale, pour exhiber sur la glace un personnage costumé en oiseau marabout à chaque joute des As [de Québec], et cela pendant la période de surfaçage de la glace. La résolution de la Commission, en date du 8 janvier, autorise “les Éditions Marabout-Kasan enr. à faire promener un marabout sur la glace entre les périodes de hockey à l’occasion d’un joute, moyennant privilège de $ 50.00”. Ce contrat de promotion est signé avec la ville [de Québec], propriétaire du Colisée, qui l’autorise à faire parader un marabout entre les périodes des parties de hockey. C’est ainsi que l’oiseau marabout se fait connaître avec des pirouettes comiques et distribue jusqu’à 500 catalogues des dernières parutions Marabout entre deux périodes.»

Jacques Hellemans, les Éditions Marabout, Bob Morane et le Québec, mot de l’éditeur, Gilles Herman, préface d’Henri Vernes, Québec, Septentrion, 2019, 197 p., ill., p. 126.

Ne pas avoir la main trop lourde, heureusement

André Belleau, Notre Rabelais, couverture, 1990

«Cette série d’entretiens a été diffusée à la radio de Radio-Canada du 29 octobre au 2 novembre 1984, dans le cadre de l’émission Actuelles, réalisée par Fernand Ouellette. C’est Wilfrid Lemoine qui interviewait André Belleau. La transcription préparée par le Service des transcriptions et dérivés de Radio-Canada a fourni le canevas du texte, que nous avons entièrement réécrit en en conservant la forme dialogique et les divisions mais en y incorporant certains développements extraits des notes du cours d’André Belleau intitulé “Rabelais et la Renaissance” et d’autres documents personnels conservés aux archives de l’Université du Québec à Montréal. À l’occasion, nous avons également apporté les modifications que nécessitait le passage de l’oral à l’écrit et réaménagé l’enchaînement logique des propos de façon à assurer la cohérence du texte. Enfin, nous avons rectifié les inexactitudes, contresens ou imprécisions qui, dans le feu de la discussion, avaient pu se glisser çà et là. À cela se limitent nos interventions.»

La dernière phrase rassurera les lecteurs : l’éditrice est bien peu intervenue dans le texte qu’on va lire.

Diane Desrosiers, «Avertissement», dans André Belleau, Notre Rabelais, «Présentation» de Diane Desrosiers et François Ricard, Montréal, Boréal, 1990, 177 p., p. 13.

 

[Complément du 4 septembre 2018]

Voici une autre éditrice scrupuleuse :

«Le texte qui suit respecte strictement celui de l’édition dite de 1675, “à Paris, chez Claude Barbin, au Palais”.

Pour le confort du lecteur d’aujourd’hui, l’orthographe a été modernisée. Sans altérer la logique générale de la ponctuation, d’usage flottant dans les imprimés du XVIIe siècle, virgules, points-virgules et deux points ont pu, le cas échéant, être retranchés, ajoutés ou remplacés par un point.»

«Strictement.» C’est dit.

Sylvie Robic, «Note sur la présente édition», dans Madame de Villedieu, les Désordres de l’amour. Histoire de Givry, Paris, Payot et Rivages, coll. «Rivages poche. Petite bibliothèque», 2015, 141 p., p. 19. Édition originale : 1675.

 

[Complément du 9 octobre 2018]

Voici, de même, un «seule» qui rassure :

«Les quelques coupures effectuées dans le texte sont mentionnées en leur lieu et place. Seule la graphie a été modernisée; la ponctuation a été harmonisée.»

Martine Reid, «Note sur le texte», dans Madame Campan, Mémoires sur la vie privée de Marie-Antoinette (extraits), Paris, Gallimard, coll. «Folio 2 €», série «Femmes de lettres», 4519, 2007, 132 p., p. 13.