Néologie pédagogiconumérique

Mooc (logo)

En français, on parle (rarement) de cours en ligne ouvert et massif (CLOM). L’acronyme anglais est plus fréquent : MOOC (pour Massive Open Online Course).

Mais pourquoi se contenter de ces deux acronymes quand tant d’autres peuvent être créés ?

Les mauvaises langues, qui doutent du succès réel de ce type d’enseignement assisté par ordinateur, gardent MOOC, mais lui donnent un autre sens : Massively Overrated Online Courses (@AcademicsSay).

Le MOOC ne vous paraît pas suffisamment ouvert ? Pratiquez, comme on le fait à Saskatoon, le TOOC, le Truly Open Online Course.

Vous préférez le local au mondial ? Le LOOC (Local Open Online Course) est pour vous, dit-on à Vancouver.

Vous n’aimez ni les grandes structures ni le libre accès ? Optez pour un SPOC (Small Private Online Course). Ça se pratique à Harvard.

Ce n’est pas assez avancé pour vous ? Rassurez-vous : on parle parfois de MOOR (Massive Open Online Research).

On n’arrête pas le progrès.

 

[Complément du 28 août 2015]

Vous voulez rester en groupe ? L’Université McGill vous propose un GROOC, «a MOOC for groups».

 

[Complément du 30 novembre 2015]

Variation sur un même thème, chez @AcademicsSay, qui passe de Massively Overrated Online Courses à Massively Overhyped Online Courses.

 

[Complément du 15 juillet 2016]

Faisons plus simple, moins massif.

 

 

Illustration : Elliot Lepers, «MOOC – Massive Open Online Course logo», 2013, logo déposé sur Wikimedia Commons

Accouplements 13

Maurice Richard en première page de Photo journal (21-28 octobre 2014)

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

Paul Gérin-Lajoie occupe les médias ces jours-ci. Celui qui, au début des années 1960, a convaincu les membres du gouvernement libéral de Jean Lesage de créer un ministère de l’Éducation du Québec et de lui confier ce ministère était à la télévision vendredi dernier (série «Grands reportages personnalités» de RDI) et en première page du Devoir hier, pile-poil pour son 95e anniversaire. Dans les deux cas, il rappelait la lutte qu’il a dû mener pour que le gouvernement du Québec devienne maître d’œuvre de ses politiques en éducation.

La loi qui créait le ministère de l’Éducation et le Conseil supérieur de l’éducation était la loi 100 (on disait le bill 100). Elle a donné lieu à des masses d’écrits, dont le livre Un bill 60 du tonnerre (1964).

Sous la signature d’Éloi de Grandmont, Louis-Martin Tard et Normand Hudon, ce petit livre engagé en faveur de la création du ministère est un collage de citations et d’illustrations. (À la fin du livre, on peut lire une entrevue de Gérin-Lajoie.)

On y trouve notamment un court texte attribué au hockeyeur Maurice Richard, dans lequel il dit regretter de ne pas avoir fréquenté suffisamment l’école, cela à côté d’une manchette de journal reprenant le même propos (Photo journal, 21-28 octobre 1964). Normand Hudon oblige, il y a aussi une caricature du Rocket (et sa signature).

Normand Hudon, dans Un bill 60 du tonnerre, 1964

Paul Gérin-Lajoie et Maurice Richard, même combat. Cela peut étonner.

 

Référence

Grandmont, Éloi de, Louis-Martin Tard et Normand Hudon, Un bill 60 du tonnerre, Montréal, Leméac, 1964, [128 p.] Ill.

Citation universitaire du jour

«Parallèlement, dans chaque société, l’université voit son rôle réduit au nom de prétendus impératifs fonctionnels : rentabiliser des investissements énormes, former la main-d’œuvre spécialisée que la société technologique réclame. Gouvernements, milieux des affaires, médias de retrouvent pour une fois d’accord : les universitaires n’ont pas le sens des responsabilités; leur poursuite désintéressée de la connaissance et leurs idéaux d’éducation libérale ou humaniste appartiennent à un stade dépassé de l’histoire» (p. 125).

Cette citation de Robert Melançon date de 1991. On a pu tenir des propos semblables en 1996. On en tient encore en 2014.

 

Référence

Melançon, Robert, «Du bon usage des colloques», Études françaises, 27, 3, 1991, p. 119-127. https://doi.org/10.7202/035862ar

La langue inutile

Guy Demers est président du chantier sur l’offre de formation collégiale du gouvernement du Québec. Dans le rapport final de ce chantier (!), déposé en juin 2014, on aborde la question de l’échec de certains cégépiens à l’épreuve finale de français dans les collèges du Québec (un échec à cette épreuve empêche la diplomation). On peut donc (?) lire ceci dans la section «Recadrer l’épreuve uniforme en langue d’enseignement dans un environnement pédagogique» (p. 137) :

Au lieu de condamner à la non-diplomation ceux qui échouent à l’épreuve, ne pourrait-on pas répondre aux besoins de ces étudiants en introduisant plus de souplesse dans de possibles choix à l’intérieur de la formation générale pour répondre à leur besoin en maîtrise de la langue ? […] plus de souplesse dans la formation générale en réponse a une plus grande diversité des besoins des jeunes en continuité de formation [?] serait certainement à considérer, après toutes ces années d’échecs sans cesse répétés d’une partie de la population étudiante souhaitant obtenir le diplôme au terme des études.

Notre société peut-elle se permettre un tel gaspillage de ressources humaines après avoir tant investi dans la formation de ses jeunes ? Malgré le tabou que comporte toute remise en question touchant la langue au Québec, il nous semble qu’on devrait oser se poser une telle question en vue d’amorcer une réflexion objective et la mise en place de changements appropriés. En toute logique, ou bien on a le devoir d’assouplir le contenu de la formation générale pour offrir de réelles opportunités [sic] de formation à ceux qui en démontrent le besoin, ou bien on a la responsabilité de modifier le statut de l’épreuve uniforme en langue d’enseignement pour la retirer des conditions de sanction. Une urgente réflexion s’impose.

Dans un éditorial du 27 octobre 2014, sous la plume d’Antoine Robitaille, le quotidien le Devoir s’en prend à la possibilité, évoquée par Yves Bolduc, le ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec, de donner suite à cette recommandation du rapport et d’envisager que des cégépiens puissent recevoir leur diplôme même sans avoir réussi l’épreuve uniforme de français. Titre de l’éditorial ? «Dévalorisation

Trois jours plus tard, dans le même journal, réponse de Guy Demers, «La dévalorisation de quoi, au juste ?». On pourrait tout citer de ce texte. On se contentera de deux passages.

«Quelques mois avant la fin de leurs études, [plusieurs étudiants] sont soumis à l’épreuve uniforme en langue d’enseignement, qu’ils échouent. Une fois, deux fois, trois fois, quatre fois… après trois et le plus souvent quatre années de formation dans les programmes d’études techniques les plus exigeants.»

Peut-on vraiment dire que les programmes sont «exigeants» si on peut réussir leurs cours tout en ayant de graves problèmes de langue ?

«Plutôt que de brandir des épouvantails, ne devrait-on pas chercher à aborder, avec courage et sérénité, les possibles changements qui nous permettront de mieux soutenir la réussite éducative des jeunes qui nous confient leur projet de formation !»

Peut-on, sans rire, séparer la maîtrise de la langue de la «réussite éducative des jeunes» ?

Édifiant.