Accouplements 159

Martin Gibert, Faire la morale aux robots, 2020, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Lecture de la semaine dernière : Gibert, Martin, Faire la morale aux robots. Une introduction à l’éthique des algorithmes, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 17, 2020, 95 p. Ill.

«C’est une conférence TED qui date de 2015. Le philosophe Nick Bostrom, micro-cravate et calvitie naissante, s’adresse au public du Convention Centre de Vancouver» (p. 48).

Lecture de cette semaine : Le Tellier, Hervé, l’Anomalie. Roman, Paris, Gallimard, 2020, 327 p.

«Nous l’appelons “l’hypothèse Bostrom”. Je veux parler de Nick Bostrom, un philosophe enseignant à Oxford, qui a proposé au début du siècle…» (p. 165)

François Legault et ses prescriptions littéraires

Les prescriptions littéraires de François Legault, novembre 2020

La semaine dernière, dans le cadre de sa série de «Prescriptions littéraires», l’Association des libraires du Québec diffusait, sur Facebook, une vidéo du premier ministre du Québec. François Legault y recommandait dix œuvres (la vidéo se trouve ici — pour l’instant ?).

La même liste de recommandations apparaissait sur Twitter et sur Instagram.

Le Journal de Montréal annonce aujourd’hui que l’ALQ «a fait disparaître des suggestions de livres à lire de François Legault après avoir reçu des plaintes de gens qui lui reprochaient qu’elle eût offert une tribune au premier ministre».

Pour l’Oreille tendue, les suggestions de lectures de François Legault n’ont pas d’intérêt. En revanche, le fait qu’il ait des suggestions de lectures lui semble une bonne chose, et parfaitement légitime.

La pusillanimité de l’Association des libraires du Québec ne l’honore pas, c’est le moins qu’on puisse dire.

 

[Complément du 30 novembre 2020]

Par communiqué, l’Association des libraires du Québec annonce faire marche arrière. C’était la décision à prendre.

Autopromotion 535

André Belleau, portrait

L’Oreille tendue ne cesse de chanter les louanges d’André Belleau (voir ici, par exemple).

Ces jours-ci, elle publie un article sur son rapport à la langue :

Melançon, Benoît, «Sur un adage d’André Belleau», Études françaises, 56, 2, 2020, p. 83-96. https://doi.org/10.7202/1072480ar (Pour l’instant, la version numérique est réservée aux abonnés.)

En vidéo, pour rappel, il existe aussi ceci :

Évolution sémantique souhaitée

Au Québec, on l’a déjà vu, le frais chié (avec ou sans trait d’union) n’a pas bonne presse.

Ajoutons trois exemples.

Le premier chez Victor-Lévy Beaulieu, dans Monsieur de Voltaire (1994) : «Plus frais-chié que jamais, Voltaire lui répond […]» (p. 82).

Le deuxième chez Emmanuel Schwartz, dans le recueil collectif Et si on s’éteignait demain ? (2019) : «À ma mère je laisse / Mon sourire fendant du fils le plus frais-chié de la rue» (p. 39).

Le troisième chez Pierre Corbeil, dans Canadian French for Better Travel : le «frais-chié» (p. 61), comme le «frachié» (p. 150), serait «orgueilleux» ou «prétentieux».

La Brasserie Maltco espère sans aucun doute que les choses vont changer.

Bière La fraîchier, Brasserie Maltco, 2020

P.-S.—On notera que tous les produits alimentaires ne peuvent pas s’appeler «Fraîchier».

P.-P.-S.—Ainsi que le font remarquer Léandre Bergeron (1980, p. 234), Ephrem Desjardins (2002, p. 84) et Pierre DesRuisseaux (2015, p. 158), on peut dire, plus économiquement, frais, comme dans faire son frais. Le sens est le même.

 

[Complément du 10 décembre 2020]

Les férus de grammaire auront noté que frais est ici employé adverbialement. Il ne s’accorde donc pas. Voilà pourquoi Alexie Morin, dans Ouvrir son cœur, doit écrire «une petite frais chiée de Valcourt» (éd. de 2020, p. 37).

 

Références

Beaulieu, Victor-Lévy, Monsieur de Voltaire. Romancerie, Montréal, Stanké, 1994, 255 p. Ill. Rééd. : Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 220, 2010, 240 p.

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Corbeil, Pierre, Canadian French for Better Travel, Montréal, Ulysse, 2011, 186 p. Ill. Troisième édition.

Desjardins, Ephrem, Petit lexique de mots québécois à l’usage des Français (et autres francophones d’Europe) en vacances au Québec, Montréal, Éditions Vox Populi internationales, 2002, 155 p.

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.

Et si on s’éteignait demain ? Collectif dirigé par Marie-Élaine Guay, Montréal, Del Busso éditeur, 2019, 109 p. Ill.

Morin, Alexie, Ouvrir son cœur. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Écho», 29, 2020, 343 p. Édition originale : 2018.

Délacement

Bottines et chaussures

 

Marc-Antoine K. Phaneuf publie ces jours-ci Carrousel encyclopédique des grandes vérités de la vie moderne. En entrevue au quotidien le Devoir, il présente son projet : «Après, c’est devenu une sorte de jeu avec le lecteur. L’idée était de lui offrir une matière cinglante, qui pouvait à la fois être drôle et politique. Mais toujours une matière qui pouvait porter à réflexion, dans un esprit de bottine et d’idiotie contrôlée.»

Esprit de bottine ? Humour potache, «farces plates» (Dictionnaire de la langue québécoise, p. 89), «humour de bas niveau» (Petit lexique de mots québécois […], p. 55).

Proverbe connu : «L’esprit de bottine, ça délasse.»

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise, Montréal, VLB éditeur, 1980, 574 p.

Desjardins, Ephrem, Petit lexique de mots québécois à l’usage des Français (et autres francophones d’Europe) en vacances au Québec, Montréal, Éditions Vox Populi internationales, 2002, 155 p.

Phaneuf, Marc-Antoine K., Carrousel encyclopédique des grandes vérités de la vie moderne, Saguenay, La Peuplade, 2020, 368 p.