Lumières sur le losange

Nouveau projet, 13, 2018, couverture

L’Oreille tendue aime le baseball et le Siècle des lumières. Dès lors, l’article «Comment rester romantique à propos du baseball», que publie Pierre-Yves Néron dans le plus récent numéro de la revue Nouveau projet, était fait pour lui plaire.

Extrait (il est question de la sabermétrie, soit l’utilisation des statistiques dites «avancées» dans le monde du sport) :

Et elle avait de quoi séduire les amateurs de plusieurs sports, cette idée, étant donné la qualité des débats et des conversations dont ils étaient et sont encore l’objet. C’est d’ailleurs l’un des grands paradoxes du sport contemporain. D’un côté, il passionne les foules. De l’autre, on lui réserve peut-être la pire forme de journalisme qui existe. Si le sport tient une place aussi importante dans la vie de millions de gens, il est traité avec une étonnante négligence discursive.

Dans un tel contexte, le partisan des «stats avancées» ressemble à un penseur des Lumières. Il a les allures de ceux qui nous donnent nos premiers frissons intellectuels, ceux qui luttent désespérément contre l’obscurantisme. On dirait Voltaire nous invitant à combattre le règne du préjugé qui caractérise l’ère du joueurnaliste. Défendre l’importance des chiffres dans le sport, c’est comme imaginer Kant crier son «Ose penser !» sur le plateau d’une émission comme L’antichambre (p. 146).

Voltaire et Rodger Brulotte ? Merci.

 

Référence

Néron, Pierre-Yves, «Comment rester romantique à propos du baseball», Nouveau projet, 13, printemps-été 2018, p. 144-147.

Le zeugme du dimanche matin et de Serge Bouchard

Serge Bouchard, les Yeux tristes de mon camion, éd. de 2017, couverture

«Car si Durham avait vraiment fait une enquête de terrain parmi les Habitants, s’il avait réellement mis les pieds dans une cuisine canadienne, s’il était sorti de sa cour et de ses souliers vernis, il en aurait goûté, du ragoût de pattes, il en aurait mangé, des boulettes, il en aurait vu, des grands-mères maternelles, gardiennes de la santé physique et mentale de leurs familles, et il n’aurait conséquemment jamais écrit ses célèbres inepties sur la disparition inévitable des francophones d’Amérique.»

Serge Bouchard, les Yeux tristes de mon camion. Essai, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 303, 2017, 212 p., p. 66. Édition originale : 2016.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Citation justement modérée du jour

Jean-Martin Aussant, la Fin des exils, 2017, couverture

«On peut soutenir que la langue française serait mieux protégée et promue dans un Québec souverain qui ne souffrirait pas de l’ingérence d’une Cour suprême située hors Québec, laquelle penche périodiquement en sens inverse de nos intérêts particuliers. Mais on peut le faire sans agiter le spectre d’une imminente louisianisation

Jean-Martin Aussant, la Fin des exils. Résister à l’imposture des peurs, avec des œuvres de Marc Séguin, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 12, 2017, 102 p., p. 21.

La clinique des phrases (t)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Jean-Martin Aussant, la Fin des exils, 2017, couverture

Soit le début de phrase suivant, tiré de la Fin des exils de Jean-Martin Aussant (2017) : «La professeure Marie Bouchard, de l’UQAM […]» (p. 69).

L’auteur, jusque-là, avait été pédagogique, en expliquant ce que c’est que l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), puis un OBNL (Organisme à but non lucratif) et enfin l’ALENA (Accord de libre-échange nord-américain). Il invente même un sigle pour désigner les trois piliers de l’indépendance politique, LIT (Lois, Impôts, Traités).

Mais «UQAM» ? Non, tout le monde sur la planète devrait savoir ce que désigne ce sigle. Corrigeons : «La professeure Marie Bouchard, de l’Université du Québec à Montréal […].»

Quand elle parle de rédaction scientifique à des doctorants, l’Oreille tendue appelle cela la «connivence inexistante» : l’idée, dont il faut toujours se méfier, selon laquelle vos lecteurs partagent nécessairement le même bagage que vous (sigle, terminologie, etc.). Elle appelle aussi cela le «syndrome UQAM» : l’UQAM n’est pas concernée en elle-même, mais plutôt ces gens qui utilisent ce sigle dans leurs textes sans l’expliciter. (On pourrait parler de syndrome FLQ ou FTQ ou CSN ou etc. Vous faites comme vous voulez.)

Voilà un autre exemple pour sa collection.

P.-S.—Ce n’est pas le seul exemple de cette «connivence inexistante» chez Aussant (p. 12 n. 1, p. 84).

 

Référence

Aussant, Jean-Martin, la Fin des exils. Résister à l’imposture des peurs, avec des œuvres de Marc Séguin, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 12, 2017, 102 p.

Les cinq livres québécois de 2017…

…que ne lira pas l’Oreille tendue.

https://twitter.com/mat_johnson/status/945370237259649024

Le livre de cuisine (et les autres œuvres) de Kim Thúy (Ru, c’est bien assez.)

Le roman de David Goudreault qui a suivi la Bête à sa mère (et l’autre après) (Le premier volume de la trilogie, c’est assez.)

Le Poids de la neige de Christian Guay-Poliquin (À cause de / grâce à Luc Jodoin)

Le Nouveau Régime. Essais sur les enjeux démocratiques actuels de Mathieu Bock-Côté (L’Oreille essaie d’éviter, dans la mesure du possible, l’excès de vitamines.)

Et — cela va sans dire — En as-tu vraiment besoin ? de Pierre-Yves McSween.

Source de l’illustration : Twitter