Unis au temple de la puck

«Unissons les fidèles»

L’Oreille tendue était hier soir au Centre Bell pour assister à la défaite des Canadiens de Montréal — c’est du hockey — contre les Oilers d’Edmonton. Comme toujours, elle a été sensible à la mise en scène du match. (C’est le genre de choses qui l’intéresse.) Un nouvel aspect de celle-ci l’a frappée.

Depuis quelque temps déjà, la glace du Centre Bell est utilisée comme écran de projection. On peut même — vrai de vrai — y mettre le feu. Hier soir, on y projetait les noms de membres du Club 1909, celui des fans de l’équipe. Une phrase apparaissait aussi sur la glace et elle était reprise sur l’écran géant qui la surplombe : «Unissons les fidèles.» («Unite the faithful», dans la langue de Gary Bettman.)

On a récemment étudié le rapport, à Montréal, du hockey et de la religion (Bauer et Barreau 2009; Bauer 2011; Bauer 2014). Il ne faudrait pas oublier que cette mise en rapport est le fait de l’équipe elle-même. Religion bien ordonnée commence par soi-même.

P.-S. — Ce n’est pas la première fois que les Canadiens parlent de leurs «fidèles»; voir ici.

 

Références

Bauer, Olivier et Jean-Marc Barreau (édit.), la Religion du Canadien de Montréal, Montréal, Fides, 2009, 182 p. Ill.

Bauer, Olivier, Une théologie du Canadien de Montréal, Montréal, Bayard Canada, coll. «Religions et société», 2011, 214 p. Ill.

Accouplements 12

Couverture du premier album de la série «Bine» (2015)

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

Voici comment, en 1974, G.-André Vachon décrivait l’imaginaire des «habiles gendelettres québécois» des années 1930 :

Les campagnes se vidaient, la religion nationale était battue en brèche : ils donnèrent dans le roman régionaliste. Habitants, prélarts, bines, poudreries, croix de chemin, bénédiction du Jour de l’an, rebines, l’image était bien figée, l’illusion parfaitement réussie d’une société à jamais catholique, et paysanne (p. 67).

Bines et rebines : l’Oreille tendue a déjà parlé de celles-là.

Bine est aussi le surnom du personnage principal d’une nouvelle bande dessinée :

Benoit-Olivier est le plus vieux, le plus grand et le plus niaiseux de son école. Il est aussi le jeune au surnom le plus original. Il mène la vie dure à Mme Béliveau, son enseignante de 6e année, spécialiste de la mauvaise humeur, des copies et des retenues (source).

La bine, au Québec, n’a pas dit son dernier mot.

P.-S. — Le sous-titre du premier album de cette série (le seul paru à ce jour) est L’affaire est pet shop. On doit évidemment y entendre une (fine) allusion à l’expression l’affaire est ketchup.

 

Références

Brouillette, Daniel, Steven Dupré et Alcante, Bine 1. L’affaire est pet shop, Montréal, Les Malins, coll. «Bine», 1, 2015, 48 p.

Vachon, G.-André, «Le colonisé parle», Études françaises, 10, 1, février 1974, p. 61-78. https://doi.org/10.7202/036567ar

Agression de l’oreille de l’Oreille

Dans Dialogue de l’histoire et de l’âme charnelle, Charles Péguy écrit : «Il n’y a qu’un aventurier au monde, et cela se voit très notamment dans le monde moderne : c’est le père de famille.» C’est donc armé de tout son instinct aventureux que l’Oreille tendue a accompagné hier son fils cadet à l’entraînement public que tiennent annuellement les Canadiens de Montréal — c’est du hockey.

Elle y a risqué sa santé auditive — elle aime bien se plaindre du niveau sonore dans les lieux sportifs —, mais elle n’a pas pu ne pas y tendre l’oreille. Exemples.

À une certaine époque, on se plaignait de l’absence de musique francophone au domicile des Canadiens. Depuis, la situation a été un peu corrigée. Ainsi, hier, on a pu entendre la chanson «Le but» de Loco Locass, le groupe hip-hop québécois engagé, au Centre Bell pendant l’entraînement Provigo.

Alors que le flambeau est le symbole qu’affectionne le plus l’équipe de marketing de l’équipe de Montréal, il était absent de cet entraînement. Commencerait-il, façon de parler, à s’émousser ?

À un moment, on a demandé à Michel Therrien, l’entraîneur de l’équipe, ce qu’il pensait du fait que près de 20 000 personnes s’étaient déplacées tôt un dimanche matin pour assister à un de ses entraînements. Il a répondu en soulignant que cet événement faisait vibrer les partisans. (L’Oreille ne sait pas si tout leur être vibrait, mais leurs tympans, eux, sans aucun doute.)

L’ex-gardien Marc Denis jouait le rôle de maître de cérémonie. À plusieurs reprises, il a associé «le monde» et l’adjectif démonstratif «leur». Il rappelait par là que le mot monde, au Québec, a valeur de pluriel (Le monde, on risque de leur faire perdre l’ouïe).

Ce sera tout, pour l’instant, en matière d’aventures dominicales de l’Oreille. Qu’on se rassure : elle n’est pas devenue complètement sourde.

Le zeugme du dimanche matin et de Véronique Côté

Véronique Côté, la Vie habitable, 2014, couverture

«Alors que tout nous indique qu’il faudra le plus tôt possible sortir de notre dépendance aux combustibles fossiles, nous continuons à construire de petits paquets de maisons toutes pareilles qui ne peuvent être occupées sans que leurs propriétaires brûlent de l’essence matin et soir pour les quitter puis les retrouver, au bout du jour, chargés d’une épicerie géante et de la fatigue ramassée sur les ponts, les boulevards et les viaducs.»

Véronique Côté, la Vie habitable. Poésie en tant que combustible et désobéissances nécessaires, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 06, 2014, 94 p., p. 58.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)