Fil de presse 052

Charles Malo Melançon, logo, mars 2021

Marée automnale de livres et de numéros de revues sur la langue.

Avanzi, Mathieu (édit.), le Fabuleux Destin des mots. De 1960 à nos jours. 60 années de langue française, Paris, Le Robert, 2024, 192 p. D’après l’œuvre d’Alain Rey.

Cahiers d’histoire russe, est-européenne caucasienne et centrasiatique, 65, 2, 2024, 511 p. Dossier «Langues et professions en Russie au XVIIIe siècle», sous la direction d’Igor Fedyukin et Vladislav Rjéoutski.

Chenavier, Robert et Élisabeth Jacob-Boisson (édit.), Linguistique, anthropologique, éthique. Rencontres autour de la pensée d’André Jacob, philosophe centenaire, Paris, Classiques Garnier, coll. «Rencontres», 630, 2024, 406 p.

Denizot, Aude, Pourquoi nos étudiants ne savent-ils plus écrire ? Les ravages de la photocopieuse, Paris, Enrick B Éditions, 2024.

Devilla, Lorenzo, les Parlers jeunes à l’affiche dans les films de banlieue. Enjeux sociolinguistiques, sociodidactiques et traductifs en FLE, Louvain-la-Neuve, EME Éditions, coll. «Proximités. Sociolinguistique et langue française», 2024, 256 p.

Dictionnaire du chilleur, Montréal, Le Robert Québec, 2024.

Dijoud, Karine, Miscellanées. L’élégance de la langue française, Paris, Le Robert, 2024, 192 p.

Les Expressions françaises. Quelle histoire !, Paris, Le Robert, 2024, 520 p.

Farjat, Juliette, le Langage de la vie réelle. Pour une philosophie des pratiques langagières, Paris, Éditions sociales, coll. «Les éclairé.e.s», 2024, 344 p.

Ferey, Amélie, Les mots, armes d’une nouvelle guerre ?, Paris, Le Robert, coll. «Temps de parole», 2024, 240 p.

Gasquet-Cyrus, Médéric et Christophe Rey, Va voir dans le dico si j’y suis ! Ce que les dictionnaires racontent de nos sociétés, Ivry-sur-Seine, Éditions de l’Atelier, 2024, 248 p.

Glass, Leliaa, Markus Dickinson, Chris Brew et Detmar Meurers, Language and Computers. 2nd Edition, Berlin, Language Science Press, coll. «Textbooks in Language Sciences», 14, 2024.

Goudreault, David (édit.), Ta langue !, Montréal, Le Robert Québec, 2024, 208 p.

Larochelle, Claudia et Biz, Nos géantes, nos géants. Le français au Québec en 22 destins, Montréal, Éditions de la Bagnole, 2024, 216 p. Illustrations de Benoît Tardif.

Loison-Leruste, Marie et Gwenaëlle Perrier, l’Écriture inclusive. Le langage est politique !, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, coll. «L’opportune», 2024, 64 p.

Mannoni, Olivier, Coulée brune. Comment le fascisme inonde notre langue, Paris, Héloïse d’Ormesson, 2024, 192 p.

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 159 p. Édition revue et augmentée. Préface d’Olivier Niquet. Illustrations de Julien Del Busso. Édition originale : 2014.

Milak, Eldin et Ana Tankosic (édit.), Becoming a Linguist. Advice from Key Thinkers in Language Studies, Londres, Routledge, 2024, 194 p.

Nadeau, Jean-François, les Têtes réduites. Essai sur la distinction sociale dans un demi-pays, Montréal, Lux éditeur, 2024, 236 p.

Petras, Cristina, Sonia Berbinski, Daciana Vlad et Raluca-Nicoleta Balatchi (édit.), Marqueurs métalinguistiques : émergence, discours, variation / Metalinguistic Markers : Emergence, Discourse, Lausanne, Peter Lang, coll. «Linguistic Insights. Studies in Language and Communication», 309, 2024, 758 p.

Pullum, Geoffrey K., The Truth About English Grammar, Polity, 2024, 176 p.

Roche, Gerald, The Politics of Language Oppression in Tibet, Ithaca, Cornell University Press, 2024, 264 p.

Sallenave, Thibaut, Luigi-Alberto Sanchi et Cécilia Suzzoni, Du latin à l’école!, Paris, Fayard, 2024, 80 p.

Sansal, Boualem, Le français, parlons-en !, Paris, Éditions du Cerf, 2024, 192 p.

The Journal of Electronic Publishing, 27, 1, 2024. Dossier «Multilingual Publishing and Scholarship».

Autopromotion 780

Continuum, Université de Montréal, logo, août 2024

Il a déjà été question en ces lieux d’écriture inclusive (voir ici ou ).

Il en sera de nouveau question le 24 septembre, à 17 h, à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal. Une table ronde y réunira quatre personnes, dont l’Oreille tendue (renseignements de ce côté).

Au plaisir de vous y voir.

 

[Complément du 2 octobre 2024]

Recommandation de lecture sur cette question : Vincent, Nadine, «La langue comme champ de bataille», Nouveau projet, 27, automne 2024, p. 68-77.

 

[Complément du 4 octobre 2024]

On peut lire un compte rendu de la table ronde ici.

Arguments spécieux du mercredi

«Échenillons notre langue», publicité linguistique, Québec, avant 1951

(Du mercredi ? Parce qu’ils suivent ceux du mardi, pardi !)

Ça commençait plutôt bien. Dans un article du 20 avril, «Écriture inclusive : les destructeurs de la langue française», Mathieu Bock-Côté, omnicommentateur formé en sociologie, citait — sans attribution, il est vrai, et approximativement — une phrase géniale d’André Belleau : «Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler» (1983, p. 6) devenait «les Québécois n’ont pas besoin de parler français, mais ont besoin du français pour parler».

Les choses se gâtent par la suite, sur au moins trois plans.

Mathieu Bock-Côté n’a jamais rencontré une hyperbole qu’il n’a pas aimée, d’où le ton de son texte : «destructeurs de la langue française», «cancer», «thèse paranoïaque», «tuer le français», «apocalypse», «démission de l’intelligence», etc. En matière de langue, sujet délicat s’il en est un, on pourrait rêver de plus de nuances.

Le chroniqueur ne comprend manifestement pas ce qu’est l’écriture inclusive, qu’il confond avec deux de ses formes, le point médian et la création de nouveaux pronoms personnels. (Les formes de l’écriture inclusive sont nombreuses et encore en évolution : voir ici, par exemple, pour un point de vue posé.) Cela ne l’empêche pas d’affirmer, sans la moindre source, des choses comme celles-ci :

C’est au nom de cela qu’on n’écrira plus, par exemple, les «étudiants» ni même, les «étudiants et les étudiantes», mais qu’on écrira les «étudiant.e.s». Et cela systématiquement.
C’est pour cela que des professeurs n’écriront plus il ou elle, mais iel, et n’écriront plus ceux ou celles, mais celleux.

«Systématiquement» ? Où cela ? Cela se serait imposé «en quelques années à l’université» et «dans l’administration» ? Vraiment ? Cette «manière d’écrire devient progressivement obligatoire» ? Depuis quand, où, pour qui ? On aimerait pouvoir juger sur preuves.

Bock-Côté n’est pas mieux informé au sujet de la réforme proposée d’une règle de l’accord du participe passé, celui avec le verbe avoir. Lui et Patrick Moreau font la paire.

Cela fait beaucoup pour un texte de 480 mots ? Peut-être, mais les habitués du «hibou de Lorraine» (Mark Fortier) ne seront pas dépaysés.

P.-S.—L’Oreille tendue a déjà abordé d’autres positions «linguistiques» de Mathieu Bock-Côté. C’est , notamment.

P.-P.-S.—D’autres chroniqueurs s’excitent le poil des jambes avec l’écriture inclusive. Celui-ci, par exemple.

P.-P.-P.-S.—Vous vous intéressez à l’argumentation chez Mathieu Bock-Côté ? Lisez les Déchirures, le plus récent livre d’Alex Gagnon. (Transparence, totale comme on dit à la Presse+ : l’Oreille tendue a édité ce livre.)

 

Illustration : J.-F., F. [Frère Jean-Ferdinand], Refrancisons-nous, s.l. [Montmorency, Québec ?], s.é., coll. «Nous», 1951, 143 p., p. 86. Deuxième édition.

 

Références

Belleau, André, «Langue et nationalisme», Liberté, 146 (25, 2), avril 1983, p. 2-9; repris, sous le titre «Pour un unilinguisme antinationaliste», dans Y a-t-il un intellectuel dans la salle ? Essais, Montréal, Primeur, coll. «L’échiquier», 1984, p. 88-92; repris, sous le titre «Pour un unilinguisme antinationaliste», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1986, p. 115-123; repris, sous le titre «Langue et nationalisme», dans Francis Gingras (édit.), Miroir du français. Éléments pour une histoire culturelle de la langue française, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Espace littéraire», 2014 (troisième édition), p. 425-429; repris, sous le titre «Pour un unilinguisme antinationaliste», dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 286, 2016, p. 113-121. https://id.erudit.org/iderudit/30467ac

Gagnon, Alex, les Déchirures. Essais sur le Québec contemporain, Montréal, Del Busso éditeur, 2023, 347 p.

Fil de presse 043

Charles Malo Melançon, logo, mars 2021

Glane périodique de livres ou de numéros de revue sur la langue.

Trouillier, Pierre, Quand la langue s’enflamme. Une histoire des mots qui nous divisent, Paris, Novice, 2023, 156 p. Illustrations de Mathieu Persan.

Toman, Cheryl, Karen Ferreira-Meyers, Anne-Laure Rigeade et Lilas Al Dakr (édit.), Bilinguisme, plurilinguisme et francophonie. Mythes et réalités, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Imaginaires francophones», 2023, 200 p.

Stavans, Ilan (édit.), The People’s Tongue. Americans and the English Language, Brooklyn, Restless Books, 2023, 512 p.

Rancourt, Jacques, la Traversée des langues. Essai sur le fonctionnement des langues à travers le monde, Paris, Armand Colin, 2023, 224 p.

Rabatel, Alain, Une histoire du point de vue. De la narratologie à la linguistique — Tome 1, Limoges, Éditions Lambert-Lucas, coll. «Linguistique», 2023, 328 p. Réédition fac-similé précédée d’un avant-propos de l’auteur.

Pruvost, Jean, la Politesse. Au fil des mots et de l’histoire, Paris, Tallandier, 2022, 320 p.

Ponsonnet, Aurore et David Berry, Eugénie de l’orthographe, Villeurbanne, Lapin, 2023, 112 p. Bande dessinée.

Picherot, Émilie, la Langue arabe dans l’Europe humaniste 1500-1550, Paris, Classiques Garnier, coll. «Perspectives comparatistes», 127, 2023, 471 p.

Novarina, Valère, la Clef des langues, Paris, P.O.L, 2023, 512 p.

Mots et expressions de Pierre Larousse, Paris, Larousse, 2022, 176 p. Préface de Bernard Cerquiglini.

Morel, Benjamin, la France en miettes. Régionalismes, l’autre séparatisme, Paris, Éditions du Cerf, 2023, 268 p.

Mairet, Aude, la Fabrique de l’anglais. Genèse socio-culturelle d’une langue à la fin du Moyen Âge, Paris, Éditions de la Sorbonne, coll. «Histoire ancienne et médiévale», 2023, 344 p.

Haddad, Raphaël (édit.), L’écriture inclusive, et si on s’y mettait ?, Paris, Le Robert, coll. «Temps de parole», 2023.

Guerard, Françoise, Grosse légume, reine des pommes et herbes folles. Les secrets de 1001 expressions fleuries et fruitées, Paris, Éditions de l’Opportun, 2023, 336 p.

Écho des études romanes, 18, 2023. Dossier «Linguistique textuelle, linguistique de corpus», sous la direction de Guy Achard-Bayle et Ondrej Pesek.

Coquet, Jean-Claude, Phénoménologie du langage, Limoges, Éditions Lambert-Lucas, coll. «Philosophie et langage», 2022, 272 p. Choix de textes édité par Michel Costantini et Ahmed Kharbouch.

Comblain, Annick, Bilinguisme et apprentissage précoce des langues. Entre idées reçues et fausses croyances, Liège, Presses universitaires de Liège, coll. «Essai», 2023, 300 p.

Colas-Blaise, Marion, l’Énonciation. Évolutions, passages, ouvertures, Liège, Presses universitaires de Liège, coll. «Sigilla», 9, 2023, 353 p.

Cassan, Élodie, le Langage de la raison. De Descartes à la linguistique cartésienne, Paris, Vrin, coll. «Problèmes de la raison», 2023, 280 p.

Les Cahiers du dictionnaire, 14, 2022, 558 p. Dossiers «Dictionnaire et grammaire» et «Dictionnaire et liberté».

Audisio, Gabriel et Isabelle Rambaud, Lire le français d’hier. Manuel de paléographie moderne XVe-XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, coll. «U», 2023, 304 p. Sixième édition.

De l’intérêt de l’écriture inclusive

Peter Burke, Qu’est-ce que l’histoire culturelle ?, 2022, couverture

Soit la phrase suivante, tirée de Qu’est-ce que l’histoire culturelle ? (2022), de Peter Burke, dans la traduction de Christophe Jaquet :

De même, des historiens féministes ont essayé non seulement de rendre les femmes «visibles» dans l’histoire, mais aussi d’écrire sur le passé d’un point de vue féminin (p. 121).

Qui sont ces «historiens féministes» ?

S’il s’agit uniquement d’hommes, on ne voit pas bien comment ils seraient capables d’écrire «d’un point de vue féminin». De même, on pourrait les accuser de paternalisme : des hommes «essaieraient» de «rendre les femmes “visibles”», mais pas elles-mêmes ?

S’il s’agit de femmes et d’hommes — ainsi que permet de le penser certaine «règle» de la grammaire française —, on peut imaginer que «rendre les femmes “visibles”» et «écrire […] d’un point de vue féminin» n’auraient pas tout à fait le même sens pour les unes et pour les autres.

Il existe pourtant des formes diverses d’écriture inclusive, dont certaines sont faciles à pratiquer.

Essayons ceci, à défaut de complètement réécrire la phase :

De même, des historiennes et des historiens féministes ont essayé non seulement de rendre les femmes «visibles» dans l’histoire, mais aussi, pour les historiennes, d’écrire sur le passé d’un point de vue féminin.

À votre service.

 

Référence

Burke, Peter, Qu’est-ce que l’histoire culturelle ?, Paris, Les Belles Lettres, 2022, vii/255 p. Édition originale : 2004. Troisième édition : 2019. Avant-propos d’Hervé Mazurel. Préface à l’édition française de Peter Burke. Traduction de Christophe Jaquet.