Le zeugme du dimanche matin et de Jean Echenoz

Jean Echenoz, Des éclairs, 2010, couverture

«Non qu’il soit ni se sente contraint par qui que ce soit de produire, trouver des idées nouvelles et inventer toujours, c’est juste que c’est plus fort que lui, étant à cet égard et à ses yeux — car détenant, il faut bien le dire, une assez haute idée de lui-même — plus imaginatif que tout le monde.»

Jean Echenoz, Des éclairs. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2010, 174 p., p. 43.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’art du portrait, et un de plus

Jean Echenoz, Des éclairs, 2010, couverture

«Le siège de la Western Union : après un hall suivi de plusieurs autres halls kilométriques — lustres, marbres, tapis, statues, tableaux, tentures — ponctué d’huissiers, déjà fort longs à traverser, c’est en très lent travelling avant qu’apparaît enfin George Westinghouse en personne, installé derrière un bureau gothique au fond d’une pièce aux dimensions de stade. Homme à bajoues, haut et massif, tout en volume, dépourvu de transition entre tête et épaules, bardé de chaînes de montre et de moustaches de morse, économe de ses mots. Regard bleu froid plongeant n’ayant pas de temps à perdre, il désigne à Gregor un fauteuil de sa grosse main soignée, lestée d’une chevalière en fonte.»

Jean Echenoz, Des éclairs. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2010, 174 p., p. 34.

N.B.—On peut voir et entendre Jean Echenoz ici.

Le Goncourt à l’école

Dans la livraison de ses Notules dominicales de culture domestique (et de villégiature exotique) servie le 7 novembre, Philippe Didion montre ce que doit le Michel Houellebecq «des bons jours, celui des Particules élémentaires, plus encore celui d’Extension du domaine de la lutte», à Jean-Patrick Manchette. Chez les deux, on trouve une «langue soigneusement méprisante». Voilà qui est très bien vu. On pourrait faire de cette remarque un beau sujet de dissertation à la Chassang et Senninger.

Vous expliquerez et discuterez, s’il y a lieu, la formule suivante de Philippe Didion : le Michel Houellebecq «des bons jours, celui des Particules élémentaires, plus encore celui d’Extension du domaine de la lutte», doit beaucoup à Jean-Patrick Manchette, en particulier une «langue soigneusement méprisante». Étayez votre discussion d’exemples puisés dans l’œuvre du lauréat du prix Goncourt.

 

Référence

Chassang, Arsène et Charles Senninger, la Dissertation littéraire générale. Classes supérieures de Lettres et Enseignement supérieur, Paris, Hachette, 1955, vi/442 p.

Citation typographique du jour

Jean Bernard-Maugiron, Du plomb dans le cassetin, 2010, couverture

«Les fonctions du correcteur sont très complexes. Reproduire fidèlement le manuscrit de l’écrivain, souvent défiguré dans le premier travail de la composition typographique; ramener à l’orthographe de l’Académie la manière d’écrire particulière à chaque auteur; donner de la clarté au discours par l’emploi d’une ponctuation sobre et logique; rectifier des faits erronés, des dates inexactes, des citations fautives; veiller à l’observation scrupuleuse des règles de l’art; se livrer pendant de longues heures à la double opération de la lecture par l’esprit et de la lecture par le regard, sur les sujets les plus divers, et toujours sur un texte nouveau où chaque mot peut cacher un piège, parce que l’auteur, emporté par sa pensée, a lu, non pas ce qui est imprimé, mais ce qui aurait dû l’être : telles sont les principales attributions d’une profession que les écrivains de tout temps ont regardée comme la plus importante de l’art typographique.»

Lettre adressée à l’Académie française par la Société des correcteurs des imprimeries de Paris, juillet 1868, citée dans Jean Bernard-Maugiron, Du plomb dans le cassetin. Roman, Paris, Buchet/Chastel, 2010, 106 p., p. 44-45.