De la thèse

Tiphaine Rivière, Carnets de thèse, 2015, couverture

Ce roman graphique se laisse lire sans déplaisir. L’auteure a voulu tout couvrir : le choix de faire une thèse, le dépôt du sujet, les relations avec les autres doctorants et le directeur de thèse, les problèmes d’argent, la difficulté à aboutir, la procrastination, le couple qui éclate, la soutenance (et son pot), l’incertitude professionnelle (après la thèse), les questions de la famille, les types de doctorants, les problèmes (individuels et collectifs) de financement, etc. Le portrait n’est flatteur ni pour l’Université (française) ni pour le directeur de thèse. Deux citations (cruelles) : «Je pense que je vais bien faire bouger le monde de la ponctuation à la Renaissance !» (p. 14); «Littérature médiévale, fait chier… Ma culture Moyen Âge c’est Game of Thrones… Éventuellement Robin des Bois à cause du ménestrel» (p. 41).

Qu’on se rassure : le personnage principal finira par soutenir.

 

Référence

Rivière, Tiphaine, Carnets de thèse, Paris, Seuil, 2015, 179 p.

Accouplements 32

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

Sur Twitter, le magazine The New Yorker fait circuler une caricature de David Sipress. Dans un cadre domestique, un homme explique à un enfant ce qu’est l’argent et ce que cela représentera pour le reste de sa vie :

Caricature de David Sipress, The New Yorker, 2 septembre 2015

Pour un lecteur du Neveu de Rameau de Diderot, cela ne peut manquer d’évoquer la scène où ledit Neveu explique comment il révèle à son fils la valeur d’une pièce de monnaie et, par là, de l’argent :

De l’or, de l’or. L’or est tout; et le reste, sans or, n’est rien. Aussi, au lieu de lui farcir la tête de belles maximes qu’il faudrait qu’il oubliât, sous peine de n’être qu’un gueux; lorsque je possède un louis, ce qui ne m’arrive pas souvent, je me plante devant lui. Je tire le louis de ma poche. Je le lui montre avec admiration. J’élève les yeux au ciel. Je baise le louis devant lui. Et pour lui faire entendre mieux encore l’importance de la pièce sacrée, je lui bégaye de la voix; je lui désigne du doigt tout ce qu’on en peut acquérir, un beau fourreau, un beau toquet, un bon biscuit. Ensuite je mets le louis dans ma poche. Je me promène avec fierté; je relève la basque de ma veste; je frappe de la main sur mon gousset; et c’est ainsi que je lui fais concevoir que c’est du louis qui est là, que naît l’assurance qu’il me voit (éd. de 1984, p. 94-95).

Il est vrai que le Neveu est un brin plus cynique que le dessinateur du New Yorker.

P.-S. — Qui lirait une parodie de l’Eucharistie dans la scène diderotienne ne se tromperait pas.

 

Référence

Diderot, Denis, le Neveu de Rameau. Satires, contes et entretiens, Paris, Librairie générale française, coll. «Le livre de poche», 5925, 1984, 414 p. Édition établie et commentée par Jacques Chouillet et Anne-Marie Chouillet.