Proposition de moratoire du mercredi matin

L’Oreille tendue, ces jours-ci, travaille sur l’image contemporaine du XVIIIe siècle. Que représentent les Lumières au XXe et au XXIe siècle ?

Par ailleurs, l’Oreille a déjà proposé de mettre un terme à l’utilisation de certains titres (c’est ici).

Or elle tombe, dans ses dossiers sur l’Ancien Régime, sur les titres suivants :

«Grèce. Les liaisons dangereuses entre oligarques et politiques» (le Devoir, 11 juillet 2015, p. B2).

«FTQ-PQ : Les liaisons dangereuses» (la Presse, 27 janvier 2014, p. A6).

«Les liaisons dangereuses de François Hollande» (le Devoir, 20 janvier 2014, p. B6).

«Liaisons dangereuses dans la construction» (le Devoir, 26 septembre 2012, p. A1).

Et si on laissait Laclos tranquille ?

 

[Complément du jour]

En première page de Libération du jour, ceci !

Libération, 19 août 2015, en une

 

[Complément du 2 novembre 2016]

Nouvelle récolte :

«Crime organisé. Les liaisons dangereuses entre criminalistes et criminels» (la Presse+, 20 novembre 2015).

«Dopage. Les liaisons dangereuses», le Devoir, 11 novembre 2015, p. B6.

«Exhibition | Dangerous Liaisons : The Art of the French Rococo», blogue Enfilade, 6 novembre 2015.

Le Coq-Heron, 222, 2015 : «Psychanalyse et Science, les liaisons dangereuses.»

«Police et médias : les liaisons dangereuses» (la Presse+, 2 novembre 2016).

 

[Complément du 13 juillet 2017]

Au singulier, ce n’est guère mieux, quoi qu’en pense la Presse+ du 13 juillet 2017.

«Liaison dangereuse», la Presse+, 13 juillet 2017

 

[Complément du 3 février 2018]

Continuons la récolte.

 

Titre de la Presse+, 3 février 2018

Com & politique. Les liaisons dangereuses ? 10 questions pour comprendre la communication politique, Paris, Éditions Arkhê, coll. «Tête chercheuse», 2017, 202 p.

«Plateformes vs. éditeurs : les liaisons dangereuses», site Méta-média, 4 avril 2017.

«Les liaisons dangereuses», le Devoir, 27 avril 2017, p. A3.

 

Titre de la Presse+, 1er juin 2017

 

[Complément du 5 février 2019]

Au singulier comme au pluriel, le Journal de Montréal s’y met à son tour.

Liaison(s) dangereuse(s) dans le Journal de Montréal

 

[Complément du 15 février 2019]

Merci qui ? Merci la Presse+ du jour.

«Les liaisons dangereuses de Bernier», la Presse+, 15 février 2019

 

[Complément du 18 février 2020]

Pourquoi s’arrêter en si bon chemin ?

«Etats-Unis. Liaisons dangereuses. Les relations de Donald Trump avec les Russes deviennent indéniables», le Devoir, 11 décembre 2018, p. B2.

«Liaisons dangereuses au Vénézuela» (le Blogue de Richard Hétu).

«Liaisons dangereuses» (la Presse+, 6 juillet 2018), sur des allégations d’inconduite sexuelle à l’Université McGill.

«Liaisons dangereuses entre industriels et hôpitaux» (Twitter).

«Démocratie et populisme. Des liaisons dangereuses ?»

Félicitons, en revanche, ceux qui reprennent le titre avec humour.

Les Lésions dangereuses

 

[Complément du 22 juin 2022]

Je vous en remets une petite louche ?

«Démocratie et populisme : des liaisons dangereuses ?» (Twitter)

«Presse et élections. Les liaisons dangereuses» (Rétro News, 2, janvier 2022).

Alain Brossat et Daniele Lorenzini (édit.), Foucault et… Les liaisons dangereuses de Michel Foucault, Paris, Vrin, 2021, 256 p.

«Les amitiés dangereuses» (le Devoir, le D magazine, 29 février-mars 2020, p. 40).

«“Un parrain à la Maison-Blanche” : comme des liaisons dangereuses» (le Devoir, 13 juillet 2020).

«Zoonoses ou les liaisons dangereuses : la rage» (le Blog Gallica, 23 avril 2021).

Laurent Tigrane Tovmassian et Christophe Janssen (édit.), Cadre clinique et tendresse. Des liaisons dangeureuses ?, Paris, Éditions In Press, coll. «Ouvertures psy», 2022, 256 p.

 

[Complément du 27 novembre 2024]

L’Oreille tendue est bien peu de chose…

«Entre ados et dark romance, des liaisons dangereuses» (Libération, 27 novembre 2024).

«Enseignement du français et peur de la faute : des liaisons dangereuses» (The Conversation, 5 novembre 2024).

«IA et transition écologique : les liaisons dangereuses ? Guillaume Pitron» (Libre à lire !, 12 septembre 2024).

«Droits de l’homme et politique en France : quelques réflexions sur des liaisons dangereuses» (Histoire politique, 2023).

Humanité et numérique. Les liaisons dangereuses (Apogée, 2023).

«Au Japon, les liaisons dangereuses entre la classe politique et l’Église de l’Unification» (RFI, 10 décembre 2022).

Trentième article d’un dictionnaire personnel de rhétorique

Paronomase

Définition

«Rapprochement de mots dont le son est à peu près semblable, mais dont le sens est différent» (Gradus, éd. de 1980, 332).

Exemple

«Starification égale stratification» (Suzanne et les ringards, p. 65).

P.-S. — Pour un autre exemple, avec fiole et folie, chez l’écrivain québécois Jacques Ferron, voir ici.

 

Références

Dupriez, Bernard, Gradus. Les procédés littéraires (Dictionnaire), Paris, Union générale d’éditions, coll. «10/18», 1370, 1980, 541 p.

Pouy, Jean-Bernard, Suzanne et les ringards, Paris, Gallimard, coll. «Folio policier», 184, 2000, 178 p. Édition originale : 1985.

Les zeugmes du dimanche matin et de Frédéric Lenormand

Frédéric Lenormand, Le diable s’habille en Voltaire, 2014, couverture

«Son futur valet avait lu Aristote à l’occasion d’études qui s’étaient révélées décevantes pour son avenir autant que pour sa famille» (p. 41).

«Ainsi que Pline le Jeune l’avait écrit en son temps et en latin : “Étudier son ennemi, c’est se connaître soi-même”» (p. 46).

«Il décida de suivre le cortège sur les traces de soufre et de bêtise laissées par le démon» (p. 81).

«le naïf Cherrier n’avait pas encore fait connaissance avec les ressources d’un esprit nourri de lentilles et de philosophie» (p. 91).

«Il avait perdu un matelas, son appétit, l’exclusivité de son protecteur, sa chute n’aurait plus de fin» (p. 242-243).

«La vie le quittait en même temps que son oiseau» (p. 278).

Frédéric Lenormand, Le diable s’habille en Voltaire, Paris, Éditions du Masque, coll. «Suspense historique», 39, 2014, 315 p.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Accouplements 28

Pierre Encrevé et Michel Braudeau, Conversations sur la langue française, 2007, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux textes d’horizons éloignés.)

Les Années (2008), d’Annie Ernaux, constituent «une sorte d’autobiographie impersonnelle» (p. 252). Leur but est, «en retrouvant la mémoire de la mémoire collective dans une mémoire individuelle, [de] rendre la dimension vécue de l’Histoire» (p. 251). L’auteure se souvient notamment d’une déclaration (de 2005) de celui qui deviendra, en 2007, président de la République française :

Un discours mauvais cognait librement, rencontrant l’assentiment de la plus grande partie des téléspectateurs qui ne s’émouvaient pas d’entendre le ministre de l’Intérieur vouloir «nettoyer au Karcher» la «racaille» des banlieues. […] On pressentait que rien n’empêcherait l’élection de Sarkozy, le désir des gens d’aller à son terme. Il y avait de nouveau une envie de servitude et d’obéissance à un chef (p. 238).

Parallèlement à celle des Années, l’Oreille tendue terminait, le même jour, la lecture des Conversations sur la langue française (2007). Le linguiste Pierre Encrevé y répond aux questions de Michel Braudeau. Dans leur troisième conversation, consacrée notamment à la langue des banlieues, il est question de la même déclaration (p. 81-85). Le jugement n’est pas moins sévère :

Cet emploi [«nettoyer au kärcher»] n’était «approprié» que s’il cherchait délibérément à provoquer des réactions virulentes. Rien n’autorise à le croire. Mais conjointe à la mort dramatique de deux jeunes gens, cette expression, augmentée du mot «racaille» pour désigner l’objet de cette «kärcherisation», est apparue à tous comme déterminante dans le développement d’une série de violences urbaines telles qu’on n’en avait pas vu en France depuis plus de deux décennies. […] Ce n’est pas très surprenant, dans un pays aussi soucieux de sa langue que le nôtre, qu’un tel usage de la langue française ait pu jouer dans cette affaire un rôle sinon de déclencheur du moins de relais efficace dans la propagation des émeutes (p. 81-82).

Quant à la métaphore du «nettoyage», elle a un lourd passé politique, qu’aggravait encore l’évocation du «kärcher». La connotation ici est déshumanisante. D’où le sentiment de révolte, et parfois les gestes, dans une situation urbaine, économique et sociale propre à les susciter (p. 83).

La littérature, la politique et l’histoire sont affaire de mots.

P.-S.—Alfred Kärcher est un «industriel allemand qui créa, vers 1935, la société qui a mis au point les nettoyeurs haute pression portant son nom» (Conversations sur la langue française, p. 84).

P.-P.-S.—L’une (p. 108-109) et les autres (p. 82) ont aussi un autre mot en commun, chienlit, employé par le général de Gaulle pour désigner ceux qui ont cru aux idéaux de Mai 68.

 

Références

Encrevé, Pierre et Michel Braudeau, Conversations sur la langue française, Paris, Gallimard, coll. «nrf», 2007, 190 p.

Ernaux, Annie, les Années, Paris, Gallimard, coll. «Folio», 5000, 2015, 253 p. Édition originale : 2008.