Saga, encore

Stade olympique, Montréal, photographie de Bernard Brault

On l’a appris la semaine dernière : le Stade olympique de Montréal vient de se découvrir de nouveaux problèmes.

Rien là de bien neuf, comme l’avait vu Monique Proulx, en 1996, dans les Aurores montréales :

Et maintenant, dehors dans l’obscurité fraîche, Pierrot admire le Stade olympique, que les admirables Montréalais paient depuis des lustres sans rechigner. Cet édifice qui ressemble à un spoutnik périmé le remplit d’une joie aiguë, cet édifice est la ville dans laquelle il se glissera tel un rat expérimental, il ira voir des matches, il examinera de près le toit qui a donné naissance à cette saga dans les journaux — modeste et pitoyable saga sans doute, à la mesure des drames collectifs d’ici (p. 27).

«Modeste», «pitoyable» — mais coûteuse.

 

Référence

Proulx, Monique, les Aurores montréales. Nouvelles, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 85, 2016, 238 p. Édition originale : 1996.

L’oreille tendue de… Jean-François Beauchemin

Jean-François Beauchemin, le Roitelet, 2021, couverture

«Avant de naître, j’entendais à distance ma mère chantonner avec ses mains pleines de farine. Je suis presque sûr que c’est pour cette raison que, plus tard, quand je suis né finalement, j’ai continué à tendre l’oreille et tenté si fort de saisir ce que ce Monde étrange où nous passons tous avait à m’apprendre.»

Jean-François Beauchemin, le Roitelet, Montréal, Québec Amérique, coll. «Littérature d’Amérique», 2021, 144 p. Édition numérique.

Accouplements 212

Moshe Safdie, If Walls Could Speak, 2022, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Safdie, Moshe, If Walls Could Speak. My Life in Architecture, New York, Grove Atlantic, 2022, 352 p. Ill.

«By five o’clock, I am back at my desk [au siège social de son entreprise d’architecure à Somerville, Massachusetts]. Emails have begun to accumulate, and some need an immediate response — queries from our field offices in Singapore, Shanghai, and Jerusalem. At any given moment, our firm has projects worth several billion dollars in some phase of development. The projects are spread across twelve time zones» (p. 6-7).

Lambert, Kevin, Que notre joie demeure, Montréal, Héliotrope, 2022, 381 p.

«Céline partageait aujourd’hui son temps entre le siège social de Montréal et les studios de Taipei, de New York, de Tokyo, de Vancouver, de Miami, de Chicago, de Londres, d’Abu Dhabi, de Paris et de Los Angeles (où elle vivait, il est vrai, la moitié de l’année), œuvrant dans le domaine architectural, qui demeurait son secteur prioritaire, tout en adaptant son approche créative à des domaines aussi variés (et dans lesquels elle ne s’impliquait parfois que de très, très loin) que l’urbanisme, l’architecture de paysage, le design, le graphisme, le dessin industriel, la production de mobilier résidentiel et urbain, la création d’images et de maquettes, la scénographie et, depuis une dizaine d’années, les applications pour téléphones portables et la production télévisuelle. Dans son dernier palmarès, Forbes […] la plaçait au 203e rang des milliardaires internationaux et au 16e dans la liste composée de femmes, estimant sa fortune à 7,2 milliards de dollars. Une des plus imposantes au Canada (p. 124-125).

 

P.-S.—Une autre citation de Kevin Lambert, plus longue encore ? Ici.

Le zeugme du dimanche matin et de Michel Jean

Michel Jean, Kukum, 2019, couverture

«Quand nous avons eu fini de boire le thé, Marie m’a entraînée en me tirant par la manche. Je me suis installée entre elle et Christine devant le caribou. Elles avaient d’abord retiré la peau de l’animal avec du silex et l’avaient suspendue. Ensuite, avec un côte d’orignal et beaucoup de patience, elles avaient gratté jusqu’à ce que la graisse s’imprègne dans les tissus. Puis elles avaient étendu la peau sur un cadre de bouleau pour la faire sécher, et à la fin elles l’avaient enduite de gras de castor et plongée dans l’eau bouillante.»

Michel Jean, Kukum, Montréal, Libre expression 2019, 222 p., p. 51.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

De mort violente

Orignal mort, dans un camion

Soit les phrases suivantes, tirées d’œuvres québécoises récentes :

«Ce soir-là, j’ai dormi sans Thomas. Où était-il ? Avait-il tué » (Kukum, p. 54)

«T’as-tu tué ?» (Québec Redneck Bluegrass Projet)

«C’est exactement ce qui est arrivé lorsque j’ai tué pour la première fois» (le Temps des récoltes, p. 31).

«Le père de Max avait tué à l’automne, ça l’avait mis de bonne humeur, la première fois qu’il allait à la chasse depuis deux ans» (le Chemin d’en haut, p. 59).

Qu’on se rassure : comme l’indique la dernière phrase, les Québécois ne sont pas particulièrement portés sur l’assassinat, sauf quand ils vont à la chasse. S’il ont tué, c’est un animal. Ouf.

 

Références

Cardin, Élisabeth, le Temps des récoltes. Cultiver le territoire, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 19, 2021, 73 p. Ill.

Chabot, J. P., le Chemin d’en haut. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 171, 2022, 224 p.

Jean, Michel, Kukum, Montréal, Libre expression 2019, 222 p.

Québec Redneck Bluegrass Project, J’ai bu, Spectacles Bonzaï et Québec Redneck Bluegrass Project, 2020, 239 p. Ill. Avec un cédérom audio.