L’oreille tendue de… Blaise Ndala

Blaise Ndala, J’irai danser sur la tombe de Senghor, 2014, couverture

«À bout de souffle. J’ai regardé autour de moi. Nulle trace de Batekol. J’ai tendu l’oreille. Rien d’anormal ne m’a signalé une présence humaine dans les environs. Seuls le clapotement de l’eau se frayant un passage dans la roche qui avait accueilli le lit du ruisseau, ainsi que les cris des oiseaux et des écureuils que ma course avait dû effrayer, violaient la tranquillité des lieux. J’ai appelé une fois. Deux fois. Trois fois. La forêt m’a renvoyé l’écho démultiplié de ma voix, en cascade. J’ai laissé passer quelques minutes et j’ai tendu de nouveau l’oreille. Rien. Je suis sorti de l’eau et j’ai commencé à faire le chemin inverse, multipliant les précautions pour ne pas attirer à moi les insectes restés pour me tendre une embuscade dans les parages. J’ai de nouveau appelé. Une voix d’homme que j’ai reconnue comme celle de mon cousin, a répondu au loin : “Eh Modéro, emprunte le sentier qui mène à la source d’eau et arrête-toi à la petite cabane sur ta gauche. J’y suis en compagnie de ton ami.”»

Blaise Ndala, J’irai danser sur la tombe de Senghor, Ottawa, L’Interligne, coll. «Vertiges», 2014. Édition numérique.

Voilà qui est clair

Laurent Mauvignier, Histoires de la nuit, 2020, couverture

C’est un des dadas de l’Oreille tendue : elle n’aime pas le verbe décéder. Elle pense que les gens meurent, tout simplement.

Laurent Mauvignier paraît ne pas non plus aimer les euphémismes.

En 1999 : «comme les gens disent, parler de dernière demeure pour se faire croire qu’il y a des restes de vie, une demeure comme une petite maison ou un logement avec un petit confort quand même» (p. 33).

Cette année : «Est-ce qu’il dira ce mot qu’il ne prononce jamais et qui est pour lui comme un mot trop prudent, ou qu’il fera comme les gens qui parlent de quelqu’un en disant qu’il est décédé pour dire qu’il est mort — pourquoi ils ne disent pas qu’il est mort, plutôt que d’essayer de planquer le cadavre dans ce mot embaumé, faussement pudique ? décédé ?» (p. 175-176)

Merci.

 

Références

Mauvignier, Laurent, Loin d’eux, Paris, Éditions de Minuit, 1999, 120 p.

Mauvignier, Laurent, Histoires de la nuit, Paris, Éditions de Minuit, 2020, 634 p.

Les zeugmes du dimanche matin et de Claire Legendre

Claire Legendre, Bermudes, 2020, couverture

«J’ai sondé ma tête et mon carnet d’adresses et quelqu’un m’a dit de suivre Franza, ou plus exactement m’a dit que je marchais dans les pas de Franza» (p. 22).

«C’est avec ce doute instillé et un passeport neuf que nous avons traversé la Moravie pour rejoindre Prague» (p. 33).

«Mes vacances en France étaient faites de bleu et de soleil, d’amour maternel et d’engueulades rituelles, de mélancolie et de madeleines» (p. 53).

«On se reverrait en août et en décapotable» (p. 111).

«J’avais les yeux collés et ma grosse valise rouge […]» (p. 156).

Claire Legendre, Bermudes. Roman, Montréal, Leméac, 2020, 214 p.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Laurent Mauvignier

Laurent Mauvignier, Histoires de la nuit, 2020, couverture

«Il faut attendre que Marion vienne s’asseoir pour qu’on commence à se parler — des bouts de conversations qu’on ne finit pas vraiment, s’interrompant pour rien parce que, tiens, écoute — et on tend l’oreille deux minutes sur un sujet qui nous intéresse aux infos, laissant tomber ce qu’on avait commencé à dire et qu’on dira tout à l’heure ou demain ou encore un autre soir, car tous les soirs les mêmes conversations reviennent, se prolongent, s’étirent d’une journée à l’autre, d’une semaine à l’autre, comme s’il s’agissait d’une seule et unique conversation qui se répétait, se dépliait, se transformait chaque soir, faite de mots identiques ou avec quelques variations, à la marge, sur un détail, une idée nouvelle, sur la journée qu’on a passée, oui, Marion raconte, bof, pas très intéressant aujourd’hui, à vrai dire je crois qu’on a fait une connerie avec les filles, c’est-à-dire qu’on a fait ce qu’un client avait demandé, des affiches, des marque-pages, sans lui demander s’il avait les droits pour les images.»

Laurent Mauvignier, Histoires de la nuit, Paris, Éditions de Minuit, 2020, 634 p., p. 71.

Les zeugmes du dimanche matin et de Lola Lafon

Lola Lafon, Chavirer, 2020, couverture

«Ils ne se dirent pas grand-chose après s’être rhabillés, partagèrent un thé, une tranche de cake et quelques tracas : lui cherchait un véto pour son chat et Lara, une colocataire.»

«Leur grand-mère avait hoché la tête puis proposé qu’on passe au dessert et à autre chose

Lola Lafon, Chavirer. Roman, Arles, Actes Sud, 2020. Édition numérique.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)