«Béa revint de la cuisine avec deux Cutty Sark et un sourire de tendre ironie.»
Jean-Patrick Manchette, le Petit Bleu de la côte ouest, Paris, Gallimard, coll. «Série noire», 1714, 1976, 181 p., p. 28.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
«Béa revint de la cuisine avec deux Cutty Sark et un sourire de tendre ironie.»
Jean-Patrick Manchette, le Petit Bleu de la côte ouest, Paris, Gallimard, coll. «Série noire», 1714, 1976, 181 p., p. 28.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
«Selma ne voulut rien entendre. Quand Mathilde vint frapper à la porte de la remise, où Selma dormait désormais avec son mari, celle-ci refusa d’ouvrir. L’Alsacienne donna des coups de pied dans la porte, elle tambourina avec ses poings, elle y posa son front et, après avoir hurlé, elle se mit à parler tout doucement comme si elle espérait que Selma tendrait l’oreille.»
Leïla Slimani, le Pays des autres. Roman, Paris, Gallimard, coll. «Blanche», 2020. Édition numérique.
L’Oreille tendue, pandémie oblige, enseigne actuellement à distance (PDF) et cela ne l’enchante pas, pour toutes sortes de raisons. Parmi ces raisons, il y a le fait que l’Oreille, en classe, multiplie les lapsus. Or, à distance, il lui est impossible de corriger ses lapsus aussi rapidement qu’«en présentiel» (pour le dire en français didactique). C’est un vrai problème : elle confond allègrement la gauche et la droite, Sade et Sartre, la gaine et la graine, etc.
Pourquoi confondrait-elle la gaine et la graine ? Relisons Jacques le fataliste :
C’est la fable de la Gaine et du Coutelet. Un jour la Gaine et le Coutelet se prirent de querelle; le Coutelet dit à la Gaine : «Gaine, ma mie, vous êtes une friponne, car tous les jours, vous recevez de nouveaux coutelets… La Gaine répondit au Coutelet : Mon ami Coutelet, vous êtes un fripon, car tous les jours vous changez de gaine. — Gaine, ce n’est pas là ce que vous m’avez promis. — Coutelet, vous m’avez trompée le premier…» Ce débat s’était élevé à table; cil, qui était assis entre la Gaine et le Coutelet prit la parole et leur dit : «Vous, Gaine, et vous, Coutelet, vous fîtes bien de changer, puisque changement vous duisait, mais vous eûtes tort de vous promettre que vous ne changeriez pas. Coutelet, ne voyais-tu pas que Dieu te fit pour aller à plusieurs gaines; et toi, Gaine, pour recevoir plus d’un coutelet ? Vous regardiez comme fous certains coutelets qui faisaient vœu de se passer à forfait de gaines, et comme folles certaines gaines qui faisaient vœu de se fermer pour tout coutelet; et vous ne pensiez pas que vous étiez presque aussi fous lorsque vous juriez, toi Gaine, de t’en tenir à un seul coutelet; toi Coutelet, de t’en tenir à une seule gaine…» (éd. de 1983, p. 133-134)
Qui connaît un des sens québécois du mot graine verra qu’appeler une gaine une graine rend ce texte bien difficile à suivre. Cela arrive fréquemment aux étudiants de l’Oreille.
Référence
Diderot, Denis, Jacques le fataliste, Paris, Librairie générale française, coll. «Le livre de poche», 403, 1983, 377 p. Préface et commentaires de Jacques et Anne-Marie Chouillet.
«disparaissant dans la nature et dans l’espérance que je lui servirais d’alibi» (p. 72).
«Il avait l’air mécontent et un pansement adhésif sur le front» (p. 90).
Jean-Patrick Manchette, Polar. Morgue pleine, Paris, Gallimard, coll. «Carré noir», 511, 1984, 248 p. Édition originale : 1973.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
«Il faut aussi se garder de ce qu’on pourrait appeler le littératurocentrisme. Même les historiens de la littérature convaincus qu’il faut sortir les textes de leur splendide isolement et les mettre en relation avec l’ensemble des savoirs et des pratiques culturelles risquent souvent de commettre une erreur de perspective. Spontanément et à leur insu, ils tendent à placer la littérature au centre de leur système puis ils font tourner autour d’elle les sciences, les arts et les autres pratiques culturelles — comme si l’écrivain jouissait d’une prééminence effective et avait le privilège de synthétiser le travail des philosophes, des peintres, des savants, des historiens, des psychologues… Or le monde ne tourne pas plus autour de la littérature que le soleil autour de la terre. La littérature n’est au centre de rien. Au sein de l’espace social, elle n’est elle-même qu’une institution, d’une importance très variable selon les époques, entretenant avec d’autres des relations complexes, mais ténues et plus ou moins périphériques : la première des illusions d’optique consiste à lui accorder a priori plus d’influence sociale et culturelle qu’elle n’en a effectivement et à fausser ainsi par avance la vision de la réalité.»
Alain Vaillant, l’Histoire littéraire, Paris, Armand Colin, coll. «U», 2017 (deuxième édition revue et augmentée), 408 p., p. 260. Édition originale : 2010.