Accouplements 146

Simon Brousseau et Patrick Nicol, collage de pages de couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Nicol, Patrick, la Nageuse au milieu du lac. Album, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 85, 2015, 154 p.

«En voyage, je crois toujours croiser des gens que je connais. Sur les visages des passants, je projette des figures familières et m’étonne que mes amis, mes voisins, aient des répliques dans cette partie du monde, comme si le moule avec lequel on les avait fabriqués avait beaucoup circulé» (p. 130).

Brousseau, Simon, Synapses. Fictions, Montréal, Le Cheval d’août, 2016, 107 p.

«Lors de ton année d’études à Bordeaux tu as eu l’occasion de voyager partout où la curiosité te guidait, de Barcelone à Amsterdam en passant par Prague, Vienne et Bratislava, et dans chacune de ces villes tu as croisé à un moment ou l’autre, telles des ombres détachées des corps qui les ont projetées, les sosies de tes proches au Québec où la vie continuait sans toi, et pour te venger de l’indifférence de tes amis qui ne répondaient jamais à tes lettres, tu as pris l’habitude de lancer des regards méchants à ces doubles qui se baladaient d’un pas allègre dans la vieille Europe en faisant comme si tu n’existais pas» (p. 12).

P.-S.—L’Oreille tendue a parlé à quelques reprises de Synapses, par exemple le 23 janvier 2017.

L’oreille tendue de… Marcel Proust

Marcel Proust, Du côté de chez Swann, éd. de 1976, couverture

«Exposés sur ce silence qui n’en absorbait rien, les bruits les plus éloignés, ceux qui devaient venir de jardins situés à l’autre bout de la ville, se percevaient détaillés avec un tel “fini” qu’ils semblaient ne devoir cet effet de lointain qu’à leur pianissimo, comme ces motifs en sourdine si bien exécutés par l’orchestre du Conservatoire que, quoiqu’on n’en perde pas une note, on croit les entendre cependant loin de la salle du concert, et que tous les vieux abonnés — les sœurs de ma grand’mère aussi quand Swann leur avait donné ses places — tendaient l’oreille comme s’ils avaient écouté les progrès lointains d’une armée en marche qui n’aurait pas encore tourné la rue de Trévise.»

Marcel Proust, Du côté de chez Swann, édition de Pierre Clarac et André Ferré, Paris, Gallimard, coll. «Folio», 821, 1976, 504 p., p. 46.

Les zeugmes du dimanche matin et de Marie-Jeanne Riccoboni

Madame Riccoboni, Histoire de M. le marquis de Cressy, éd. de 2009, couverture

«Cet intérêt qu’elle reprenait à M. de Cressy lui fit chercher à pénétrer l’état de sa maison; comme avec des soins, de l’argent, et des valets, on découvre aisément ce que l’on veut apprendre, quand on se permet de pénétrer par des moyens si bas dans les secrets des autres, Mme d’Elmont sut bientôt l’intrigue d’Hortense avec lui, le lieu de leurs rendez-vous, et la froideur qui était actuellement entre eux.»

Marie-Jeanne Riccoboni, Histoire de M. le marquis de Cressy, Paris, Gallimard, coll. «Folio 2 €», série «Femmes de lettres», 4877, 2009, 129 p., p. 102-103. Édition établie et présentée par Martine Reid. Édition originale : 1758.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Le zeugme du dimanche matin et de Victoria Mas

Victoria Mas, le Bal des folles, 2019, couverture«Elle qui a grandi dans des lieux feutrés où la seule familiarité parfois autorisée était un éclat de rire, à l’abri de la misère et de tout un Paris qu’elle ne lisait que dans les journaux ou chez Zola, elle se retrouve désormais à côtoyer l’autre versant de la capitale — celui du nord, du maquis de Montmartre aux pentes de Belleville, là où la crasse, l’argot et les rats courent les caniveaux.»

Victoria Mas, le Bal des folles. Roman, Paris, Albin Michel, 2019, 256 p. Édition numérique.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Tahar Ben Jelloun

Tahar Ben Jelloun, l’Insomnie, 2019, couverture

«L’hypnotiseur, la quarantaine, bien enveloppé, type maghrébin, calme et assez satisfait de lui, m’a parlé d’une prairie où je serais en paix… Il m’a parlé à voix basse comme si nous échangions des confidences. J’ai dû tendre l’oreille, je faisais des efforts. J’étais confortablement installé dans un fauteuil relaxant. J’ai eu tout de suite envie d’acheter le même, je l’installerais au milieu de mon salon et là je m’endormirais.»

Tahar Ben Jelloun, l’Insomnie. Roman, Paris, Gallimard, 2019, 272 p. Édition numérique.