L’oreille tendue de… Jean-François Beauchemin

Jean-François Beauchemin, le Roitelet, 2021, couverture

«Avant de naître, j’entendais à distance ma mère chantonner avec ses mains pleines de farine. Je suis presque sûr que c’est pour cette raison que, plus tard, quand je suis né finalement, j’ai continué à tendre l’oreille et tenté si fort de saisir ce que ce Monde étrange où nous passons tous avait à m’apprendre.»

Jean-François Beauchemin, le Roitelet, Montréal, Québec Amérique, coll. «Littérature d’Amérique», 2021, 144 p. Édition numérique.

Accouplements 212

Moshe Safdie, If Walls Could Speak, 2022, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Safdie, Moshe, If Walls Could Speak. My Life in Architecture, New York, Grove Atlantic, 2022, 352 p. Ill.

«By five o’clock, I am back at my desk [au siège social de son entreprise d’architecure à Somerville, Massachusetts]. Emails have begun to accumulate, and some need an immediate response — queries from our field offices in Singapore, Shanghai, and Jerusalem. At any given moment, our firm has projects worth several billion dollars in some phase of development. The projects are spread across twelve time zones» (p. 6-7).

Lambert, Kevin, Que notre joie demeure, Montréal, Héliotrope, 2022, 381 p.

«Céline partageait aujourd’hui son temps entre le siège social de Montréal et les studios de Taipei, de New York, de Tokyo, de Vancouver, de Miami, de Chicago, de Londres, d’Abu Dhabi, de Paris et de Los Angeles (où elle vivait, il est vrai, la moitié de l’année), œuvrant dans le domaine architectural, qui demeurait son secteur prioritaire, tout en adaptant son approche créative à des domaines aussi variés (et dans lesquels elle ne s’impliquait parfois que de très, très loin) que l’urbanisme, l’architecture de paysage, le design, le graphisme, le dessin industriel, la production de mobilier résidentiel et urbain, la création d’images et de maquettes, la scénographie et, depuis une dizaine d’années, les applications pour téléphones portables et la production télévisuelle. Dans son dernier palmarès, Forbes […] la plaçait au 203e rang des milliardaires internationaux et au 16e dans la liste composée de femmes, estimant sa fortune à 7,2 milliards de dollars. Une des plus imposantes au Canada (p. 124-125).

 

P.-S.—Une autre citation de Kevin Lambert, plus longue encore ? Ici.

Le zeugme du dimanche matin et de Michel Jean

Michel Jean, Kukum, 2019, couverture

«Quand nous avons eu fini de boire le thé, Marie m’a entraînée en me tirant par la manche. Je me suis installée entre elle et Christine devant le caribou. Elles avaient d’abord retiré la peau de l’animal avec du silex et l’avaient suspendue. Ensuite, avec un côte d’orignal et beaucoup de patience, elles avaient gratté jusqu’à ce que la graisse s’imprègne dans les tissus. Puis elles avaient étendu la peau sur un cadre de bouleau pour la faire sécher, et à la fin elles l’avaient enduite de gras de castor et plongée dans l’eau bouillante.»

Michel Jean, Kukum, Montréal, Libre expression 2019, 222 p., p. 51.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

De mort violente

Orignal mort, dans un camion

Soit les phrases suivantes, tirées d’œuvres québécoises récentes :

«Ce soir-là, j’ai dormi sans Thomas. Où était-il ? Avait-il tué » (Kukum, p. 54)

«T’as-tu tué ?» (Québec Redneck Bluegrass Projet)

«C’est exactement ce qui est arrivé lorsque j’ai tué pour la première fois» (le Temps des récoltes, p. 31).

«Le père de Max avait tué à l’automne, ça l’avait mis de bonne humeur, la première fois qu’il allait à la chasse depuis deux ans» (le Chemin d’en haut, p. 59).

Qu’on se rassure : comme l’indique la dernière phrase, les Québécois ne sont pas particulièrement portés sur l’assassinat, sauf quand ils vont à la chasse. S’il ont tué, c’est un animal. Ouf.

 

Références

Cardin, Élisabeth, le Temps des récoltes. Cultiver le territoire, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 19, 2021, 73 p. Ill.

Chabot, J. P., le Chemin d’en haut. Roman, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 171, 2022, 224 p.

Jean, Michel, Kukum, Montréal, Libre expression 2019, 222 p.

Québec Redneck Bluegrass Project, J’ai bu, Spectacles Bonzaï et Québec Redneck Bluegrass Project, 2020, 239 p. Ill. Avec un cédérom audio.

Les zeugmes du dimanche matin et d’Akos Verboczy

Akos Verboczy, la Maison de mon père, 2023, couverture

«À première vue, l’offre touristique du village se limitait à une buvette, sans nom et sans clients. Typique, elle aussi. Des chaises appuyées contre le mur à l’extérieur, une porte ouverte en permanence, un bruit de ventilateur à l’intérieur avec quelques tables carrées, des tabourets en bois, un comptoir en mélamine et un moustachu à notre service» (p. 81).

«Décor rempli de tags, de béton et de testostérone» (p. 151).

«J’ai dû faire des centaines de tours de galerie pour tester les limites de ma Moszkvics et la patience des voisins» (p. 177).

«Dehors, les Croix fléchées, les milices d’extrême droite, sèment la mort, ivres de haine et d’eau-de-vie» (p. 196).

«L’élu de ma tante s’est révélé être un homme bien et d’une grande gentillesse. Il avait un emploi stable comme technicien de laboratoire dans une entreprise connue, une maison en banlieue de New York, une calvitie naissante» (p. 280).

Akos Verboczy, la Maison de mon père. Roman, Montréal, Boréal, 2023, 327 p.

 

P.-S.—Oui, c’est bien le même Akos Verboczy.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)