Vous devriez la faire allonger

Photo de Paul St-Pierre Plamondon

Une phrase parue dans la Presse+ du 14 avril 2025 aura peut-être étonné quelques lecteurs non québécois (voire des lecteurs québécois) : «Misère ! Cet homme [Paul St-Pierre Plamondon] est en train de se payer une méchante réputation de politicien à la peau courte, dont la propension à l’irritabilité transparaît un peu plus chaque jour, et énerve.»

Si le chef du Parti québécois a la «peau courte», c’est qu’il serait hypersensible à la critique. Ce n’est pas un compliment.

Pour Christophe Bernard, l’expression renvoie plutôt à une maladie : «Saint Citron, Liette, mettons pas ça pire que c’est. Il mourra pas de la peau courte à soir, mais on va l’engraisser, ma femme» (la Bête creuse, p. 436).

Ça ne va guère mieux chez Hervé Bouchard : «Puis il y a eu la scène du magasin où je ne voulais pas aller, je me sentais faible et blanc. Je le leur dis sur la banquette arrière où je désirais m’étendre, je suis faible et je suis blanc, non, et j’ai chaud et je sue froid, non, et j’ai les pieds mouillés et j’ai la peau courte et, non, j’ai surtout mal au cœur» (Parents et amis sont invités à y assister, p. 173).

Chez Michel Tremblay, il s’agit d’une transformation au contact de l’eau : «Faut pas rester trop longtemps, par exemple… J’vous donne encore cinq minutes. Sinon, vous allez attraper la peau courte !» (la Traversée des sentiments, p. 435)

Tant de polysémie, si peu d’heures.

 

Références

Bernard, Christophe, la Bête creuse. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 14, 2017, 716 p.

Bouchard, Hervé, Parents et amis sont invités à y assister. Drame en quatre tableaux avec six récits au centre, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 14, 2014, 238 p.

Tremblay, la Traversée des sentiments, dans la Diaspora des Desrosiers, Montréal et Arles, Leméac et Actes sud, coll. «Thesaurus», 2017, 1393 p., p. 331-491, p. 463. Préface de Pierre Filion. Édition originale : 2009.

Chronique animalière

Bœuf, gravure de Jos. Scholz

Soit la phrase suivante, tirée du quotidien québécois le Devoir du 10 mars 2025 : «Dans un monde où le diable est aux vaches, comment pouvait-il lui sembler avantageux de donner raison à quelqu’un qui montre un front de bœuf ?»

Dans un épisode de 2018, il a été question du front de bœuf.

Qu’en est-il du diable aux vaches ? Explication du dictionnaire numérique Usito : «il y a de la discorde, de la confusion».

À votre service.

 

Illustration : gravure de Jos. Scholz, 1829-1880, Rijksmuseum, Amsterdam

Autopromotion 819

«Sa majesté la langue française», Refrancisons-nous, 1951, 2e éd.

En novembre 2023, l’Oreille tendue est allée à Milan présenter une des conférences d’ouverture du congrès des canadianistes italiens.

Cette conférence a été publiée à la fin de 2024 :

Melançon, Benoît, «Le sport national des Québécois : parler de langue», dans Maria Cristina Brancaglion, Marco Modenesi et Oriana Palusci (édit.), les Cultures du Canada : au-delà du passé, vers l’avenir. The Cultures of Canada : Beyond the Past, Towards the Future, Trente, Tangram Edizioni Scientifiche, coll. «Dialogues», 04, 2024, p. 107-125.

Elle est désormais disponible en libre accès ici.

 

Illustration : F. J.-F. [Frère Jean-Ferdinand], Refrancisons-nous, s.l. [Montmorency, Québec ?], s.é., coll. «Nous», 1951, 143 p., p. 14. Deuxième édition.