Curiosités voltairiennes (et trumpiennes)

Catherine Mavrikakis, «Candide au pays des merveilles», la Presse+, 29 mars 2025, titre

(Pendant plusieurs années, l’Oreille tendue a alimenté des blogues sur Tumblr, dont un sur les traces de la présence de Voltaire dans la culture contemporaine. Pour des raisons qu’elle ignore, l’Oreille est désormais persona non grata sur cette plateforme : tous ses blogues ont disparu. À l’avenir, Curiosités voltairiennes, ce sera ici.)

Dans la Presse+ du 29 mars, trois écrivains se penchent sur la situation des États-Unis sous Trump bis. Parmi eux, Catherine Mavrikakis.

Son texte, «Candide au pays des merveilles», est le discours fictif, dans un avenir pas trop éloigné, d’une femme politique, Candide Barney. Ses derniers mots sont les suivants : «Comme le répétait un autre écrivain français d’il y a très longtemps, Voltaire : “Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.” Cela n’a jamais été aussi vrai…»

Voltaire est toujours bien vivant.

P.-S.—Au cinquième chapitre de Candide (1759), le conte de Voltaire, on lit : «Je demande très humblement pardon à Votre Excellence, répondit Pangloss encore plus poliment, car la chute de l’homme et la malédiction entraient nécessairement dans le meilleur des mondes possibles.»

Accouplements 258

Pages finales (lignées) du livre Au gré des jours, de Françoise Héritier

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Didion, Joan, The Year of Magical Thinking, Londres, 4th Estate, 2012, 227 p. Ill. Édition originale : 2005.

«Did he have some apprehension, a shadow ? Why had he forgotten to bring note cards to dinner that night ? Had he not warned me when I forgot my own notebook that the ability to make a note when something came to mind was the difference between being able to write and not being able to write ?» (p. 23)

Héritier, Françoise, Au gré des jours, Paris, Odile Jacob, 2017, 151 p. Ill.

«Mais on ne bride pas si facilement un processus créatif de quelque nature qu’il soit. Les souvenirs et les images et les idées persistent à affluer, tantôt avec fugacité, tantôt avec une telle prégnance qu’on les note rapidement sur n’importe quel support : j’ai ainsi pris l’habitude d’avoir toujours auprès de moi de quoi écrire» (p. 12).

P.-S.—Comme on peut le voir par l’image ci-dessus, Françoise Héritier a prévu qu’on prenne des notes dans son livre lui-même.

Les zeugmes du dimanche matin et de Tristan Saule

Tristan Saule, les Sept Robes, 2025, couverture

«En plus de son chien, il est accompagné par la réputation de violence et d’absence totale de pitié qu’il s’est taillée ces dernières années» (p. 25).

«Il y a eu d’autres combats après celui-là, et aucune victoire, juste une avalanche de coups, assénés sur son corps, sa fierté et ses espoirs» (p. 113).

«Après leur violente rencontre qui l’a laissé avec une arcade fendue et un orgueil blessé, Lounès n’a cessé de ressasser cette nuit et d’espérer le jour où viendrait sa vengeance» (p. 335).

Tristan Saule [pseudonyme de Grégoire Courtois], les Sept Robes. Roman. Chroniques de la place carrée. V, Montréal, Le Quartanier, coll. «Parallèle», 06, 2025, 361 p.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Accouplements 257

Portraits de Giacomo Casanova et de Denise Filiatrault, collage

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Hoffmann, Benjamin, les Minuscules. Roman, Paris, Gallimard, coll. «NRF», 2024, 285 p.

«Un examen minutieux, inspiré par la jalousie la plus vive qui ne me laissait ignorer ni recoins, ni cachettes, qui me poussait à explorer les pages des livres et le revers du matelas, les profondeurs des chaussures et l’envers des édredons, m’apprit une vérité qui me déchira le cœur : la lettre de ma rivale devait reposer contre le sien puisque je ne la trouvais nulle part. Mon imagination troublée me représentait Giacomo [Casanova] relisant pour la millième fois les mots d’Henriette, les baisant avec des transports passionnés puis les plaçant contre sa peau comme le substitut d’une caresse» (p. 178-179).

Filiatrault, Denise, «Rocket Rock and Roll», 1957, 2 minutes 37 secondes, disque 45 tours et disque 78 tours, étiquette Alouette CF 45-758; repris dans Une simple mélodie. Une anthologie de la chanson québécoise de 1900 à 1960, coffret de dix disques audionumériques, 2007, étiquette Disques XXI XXI-CD 2 1571 et dans les Légendes des Canadiens, Musicor, disque audionumérique, 2009.

«J’ai beau chercher
Tout retourner
Tout chavirer
Je n’peux pas l’trouver

Rock’n’roll Rocket Rocket
Rock’n’roll Rocket Rocket

C’est vraiment bête
De manquer son Rocket
Pour un ticket

Monsieur le placier, quel bonheur
J’ai retrouvé mon ticket
Il était là sur mon cœur
Je vais voir mon Rocket
Ah ! zut ! La partie est finie»

Les zeugmes du dimanche matin et de Jean Echenoz

Jean Echenoz, Bristol, 2025, couverture

«Bristol cherche un interrupteur puis à se rappeler où il est, ce qu’il fait là, quelle heure est-il et qui est est-il au juste : six heures dix et ce n’est que moi» (p. 38).

«Bien qu’il soit encore tôt, la rosée tropicale s’est vite évaporée, le soleil grimpe dans le ciel à toute allure et déjà l’on transpire sous les séquoias, les chapeaux de toile, les effets des vaccins, du décalage horaire et du traitement antipaludéen» (p. 90).

«Ne nous étendons pas sur la mélancolie qui, face à cet échec, s’est emparée de Bristol, évitons de détailler ce tableau, préférons l’ellipse à l’hypotypose. Observons seulement qu’il sort très peu de chez lui, ne reçoit pas plus de visites qu’il n’en fait, mais aussi — la méthode elliptique n’exclut pas de recourir à l’image — que de longues ombres muettes, brunes, malpropres et malodorantes s’étirent à toute heure du jour dans son esprit, dans sa mémoire et son appartement qui s’empoussière à vue d’œil» (p. 123-124).

Jean Echenoz, Bristol. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2025, 205 p.

 

P.-S.—La dernière citation vous dit quelque chose ? On ne peut rien vous cacher.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)