Le zeugme du dimanche matin et d’Olivier Norek

Olivier Norek, les Guerriers de l’hiver, 2024, couverture

«Immunisé contre la mauvaise foi, apaisé par la double exécution matinale, Mekhlis avait vite retrouvé toute sa superbe, et le chemin de sa tente pour y faire ses bagages. Il y découvrit le général Habarov, dont le grade et le statut le prémunissaient d’une balle dans la tête davantage qu’un simple officier.»

Olivier Norek, les Guerriers de l’hiver. Roman, Paris, Michel Lafon, 2024, 446 p., p. 209.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Blaise Cendrars

Cendrars, Bourlinguer, éd. de 1966, couverture

«Aux atterrages de Naples, comme convenu, le cher Domenico me cacha dans le poste désert, me dissimulant dans sa couchette, et, pour que la petite bosse que je formais sous la couverture ne se remarquât pas, il jeta par-dessus suroît et maillots sales, comme s’il venait de changer de tenue, et, avant de sortir, il ajouta encore au tas la guitare de l’unijambiste. Je ne pouvais pas bouger, et c’est le cœur battant et l’oreille tendue que j’entendis le tambour du cabestan se dérouler avec fracas juste au-dessus de ma tête, une ancre tomber à l’eau, des coups de sirène et de sifflet, des cris et des appels, le chuintement des vedettes à vapeur des autorités du port qui accostaient le navire, le tapage des treuils, puis les colloques et les longs marchandages des bateliers qui venaient embarquer les passagers car à cette époque lointaine un transatlantique du tonnage de l’Italia n’allait pas encore à quai; puis, à deux ou trois reprises, et je ne sais pas au bout de combien de temps car le temps me paraissait terriblement long, il me sembla que l’on m’appelait par mon nom, mais je suffoquais et m’endormis, asphyxié par l’odeur des pieds du géant et les émanations pharmaceutiques des onguents et des liquides dont il faisait un si furieux usage et qui imprégnaient sa couchette.»

Blaise Cendrars, Bourlinguer, Paris, Denoël, coll. «Le livre de poche», 437-438, 1966, 440 p., p. 27-28. Édition originale : 1948.

La clinique des phrases (124)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Certains n’ont rien à faire des répétitions dans un même texte. C’est le cas de Paul Léautaud dans son Journal littéraire : «Je ne changerais pour rien au monde une phrase qui contient deux fois, même trois, le même mot, si elle dit ce que je veux dire et si elle est venue ainsi» (16 juin 1905, p. 182).

D’autres, par exemple l’Oreille tendue, sont moins tolérants.

Soit la phrase suivante, tirée d’un quotidien montréalais :

Tout en enchaînant les rôles d’idiote sexy, elle quitte son mari et se marie avec Mickey Hargitay, un ex-Monsieur Univers d’origine hongroise avec qui elle aura trois enfants.

Ça fait un peu désordre, non, «son mari et se marie» ?

Proposons donc ceci :

Tout en enchaînant les rôles d’idiote sexy, elle quitte son mari et épouse Mickey Hargitay, un ex-Monsieur Univers d’origine hongroise avec qui elle aura trois enfants.

À votre service.

 

Référence

Léautaud, Paul, Journal littéraire. I. 1893-1906, Paris, Mercure de France, 1975, 364 p. Ill. Édition originale : 1956.

L’oreille tendue de… Jean-François Vilar

Autrement, 111, janvier 1990, couverture

«Réunir ces “guides”, historiques ou littéraires, purement anecdotiques parfois, prend du temps. Aucun, en lui-même, n’est satisfaisant, vraiment complet. C’est pour cela qu’il faut flâner, avant, feuilleter beaucoup, prendre des notes, tendre l’oreille.»

Jean-François Vilar, «Paris énigmes», Autrement, série «Mutations», 111, janvier 1990, p. 19-21, p. 20.

P.-S.—Jean-François Vilar ? À votre service.