La barbe de Maurice Richard

Il y a trois lustres, l’Oreille tendue publiait un livre sur Maurice Richard — c’est du hockey. Son titre, les Yeux de Maurice Richard, visait à rappeler un lieu commun des discours sur ce joueur mythique : il aurait parlé avec son regard.

À certains moments, depuis, l’Oreille s’est demandé si son essai n’aurait pas pu s’appeler le Système pilaire de Maurice Richard. On a comparé la chevelure du Rocket à celle de Samson. On a interviewé plusieurs fois son coiffeur, Tony Bergeron, et le fils de celui-ci. On lui a confié la publicité des lotions capillaires Vitalis («My hair shapes up like a league leader after the Vitalis “60-Second Workout !”») et Grecian Formula («Paraissez aussi jeune que vous vous sentez grâce à Grecian Formula 16 en liquide ou en crème»). On lui a fait vendre des rasoirs. On a commenté la luxuriance de ses poils, semblables, disait-on, à ceux d’un ours ou d’un gorille.

Et son image a orné la réclame de la mousse à raser Williams — en espagnol : «El campeón de “hockey” Maurice Richard / Se afeita mejor con WILLIAMS / porque Williams contiene Lanolina confortante.»

Publicité de la mousse à raser Williams en espagnol

Petite histoire de cette image. L’Oreille l’a achetée en ligne d’un vendeur en Amérique du Sud (en Argentine ?) au début des années 2000. Ce vendeur faisait partie de cette étrange confrérie de commerçants qui découpent des périodiques pour en vendre les publicités sans, évidemment, le moindre souci bibliographique : ni titre du périodique, ni date de publication. Bref, l’Oreille ne sait rien de l’origine de cette publicité, malgré des questions adressées au vendeur. Autre souvenir : les frais de poste avaient été au moins cinq fois plus élevés que le coût de l’image.

Se pose aussi la question de la destination de cette publicité : quel public compte-t-on séduire avec un Rocket hispanisé ? Hypothèse : les hommes du Sud des États-Unis. C’était du moins ce que pensait une Espagnole interrogée sur la provenance de la variété de langue du texte. Si quiconque a des suggestions plus précises, l’Oreille est intéressée : les commentaires ci-dessous sont ouverts.

P.-S.—Pourquoi parler de cela aujourd’hui. Parce que.

 

Référence

Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.

Les Yeux de Maurice Richard, édition de 2012, couverture

Du pétard

Paul Verchères, Meurtre au hockey, [1953], couverture

En 2001, Shaka les chantait :

Méchants pétards, méchants pétards, méchants pétards
Méchants pétards, méchants pétards, méchants pétards

En 1972, Trevanian parlait de «beau pétard» (p. 11).

Dans les deux cas, il s’agissait de louanger la plastique de personnes du sexe.

L’expression est plus ancienne encore. On la trouve en 1953 chez Paul Verchères :

Le grand vieux se pencha vers son compagnon et lui dit assez haut, pour que les filles l’entendent :
— Deux beaux pétards, hein Aristide (p. 25).

Ce sera tout pour l’instant.

P.S.—Il a été question du contact des langues chez Trevanian ici et de la langue de puck chez Verchères .

 

[Complément du 6 décembre 2021]

«Les deux pétards» de Richard Desjardins (l’Existoire, 2012) sont une «déesse» et un «loup alpha en cuir d’agneau». On les retrouvera morts dans une chambre d’hôtel :

Le coroner lit le verdict
Ça s’est passé vers les minuit
Je suis formel catégorique
Nos beaux pétards
Sont morts d’ennui

 

Références

Desjardins, Richard, «Les deux pétards», l’Existoire, disque audionumérique, étiquette Foukinic, 2012, 5 minutes 1 seconde.

Shaka, «Méchants pétards», disque audionumérique, étiquette Guy Cloutier Communications, PGC-CD-132 DJ, 2001, 3 minutes 1 seconde.

Trevanian, The Main, New York, Harcourt Brace Jovanovitch, 1972. Réédition : New York, Jove, 1977, 332 p.

Verchères, Paul [pseudonyme d’Alexandre Huot ?], Meurtre au hockey, Montréal, Éditions Police journal, coll. «Les exploits policiers du Domino Noir», 300, [1953], 32 p.

La langue de puck en 1953

Paul Verchères, Meurtre au hockey, [1953], couverture

Au Forum de Montréal, dans le vestiaire des Castors, les «champions de la Ligue» (p. 3), quelques heures après un match contre les Flyers de Toronto, «leurs grands rivaux» (p. 3), on trouve le cadavre de Roméo Berthier, «le meilleur joueur de hockey du siècle» (p. 7), «le meilleur joueur de centre de tous les temps» (p. 14). Il est mort d’une «fracture du crâne causée par un instrument contondant» (p. 4). Alain de Guise, alias Paul Belzil, alias le Domino Noir, sa collaboratrice Monique Laflèche, le journaliste du Midi Benoit Augé et le sergent de police Fortin réussiront-ils à élucider le crime ? Oui, bien sûr.

On est en pleine littérature populaire : intrigue prévisible, dialogues qui n’ont aucun sens, bons sentiments, longs passages qui tournent à vide. Heureusement, tout est réglé en 32 pages.

Qu’en est-il de la langue du hockey dans ce texte de 1953 ? Les tirs sont des boulets (p. 9), les joueurs punis vont au cachot (p. 10), ceux qu’on n’utilise pas, les jambons (p. 17), réchauffent le banc (p. 12), même s’ils ont chaussé les patins (p. 14). L’important est évidemment, quand on leur en donne l’occasion, de trouver le fond du filet (p. 14). Les défenseurs sont des défenses, et les ailiers, des ailes.

Plus ça change, plus c’est pareil.

P.-S.—Il ne s’agit pas d’un texte à clés. Le nom du gérant (l’entraîneur), Dick Ivan, pourrait rappeler celui d’une figure connue de l’histoire des Canadiens de Montréal, Dick Irvin. Il devient cependant Nick Ivan en cours de récit, ce qui fait désordre.

P.-P.-S.—Vous pensez au fascicule le Hockey et l’amour. Roman d’amour mensuel, de Thérèse Loslier ? L’Oreille tendue aussi.

 

Références

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Verchères, Paul [pseudonyme d’Alexandre Huot ?], Meurtre au hockey, Montréal, Éditions Police journal, coll. «Les exploits policiers du Domino Noir», 300, [1953], 32 p.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture