Autopromotion 734

Façade de la Scala de Milan, 2011, photo de Jean-Christophe Benoit

Quand vous lirez ceci, l’Oreille tendue sera en Italie.

Pourquoi ? Pour donner la conférence d’ouverture du congrès de l’Association italienne d’études canadiennes, «Les cultures du Canada : au-delà du passé, vers le futur».

Son sujet ? «Le sport national des Québécois : parler de langue (ou : De quelques idées reçues)».

Le blogue risque donc de tourner au ralenti pour quelques jours. C’est comme ça.

 

[Complément du 25 février 2025]

Le texte de cette conférence a paru :

Melançon, Benoît, «Le sport national des Québécois : parler de langue», dans Maria Cristina Brancaglion, Marco Modenesi et Oriana Palusci (édit.), les Cultures du Canada : au-delà du passé, vers l’avenir. The Cultures of Canada : Beyond the Past, Towards the Future, Trente, Tangram Edizioni Scientifiche, coll. «Dialogues», 04, 2024, p. 107-125. https://doi.org/1866/41069

 

Illustration : façade de la Scala de Milan, 2011, photo déposée par Jean-Christophe Benoit sur Wikimedia Commons

 

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture

Accouplements 196

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Dans la plus récente livraison de l’excellente lettre d’information Sur le bout des langues de Michel Feltin-Palas, l’Oreille tendue découvre un néologisme créé par Umberto Eco, luthomiction («l’art de pisser dans un violon»).

Comment ne pas penser à ce dessin de Thibaut Soulcié pour la Revue dessinée ?

Violons-urinoirs, dessin de Thibault Soulcié, la Revue dessinée, 2022

Accouplements 191

Jean Echenoz, Un an, 1997, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

La situation est narrativement banale : x regarde y, puis y regarde x ou dans la même direction que x.

Voici comment Dino Buzzati procède dans le Désert des Tartares (1940) :

Mais Angustina regardait les lumières et, à la vérité, il ne savait plus exactement d’où elles venaient, si c’était du fort ou de la ville lointaine, ou encore de son propre château où personne n’attendait son retour.
Peut-être qu’à ce même moment, sur les glacis du fort, une sentinelle, ayant accidentellement tourné les yeux vers les montagnes, avait aperçu les lumières sur le haut sommet (éd. 1980, p. 140).

Angustina regarde (peut-être) le fort où une sentinelle regarde (peut-être) dans la même direction qu’Angustina, vers «les lumières».

C’est autrement mené par Jean Echenoz dans Un an (1997) :

Elle [Victoire] monta l’escalier [du pavillon] pour aller fermer le battant mais d’abord, accoudée à la barre d’appui, elle considéra la mer vide.
Pas vide pour longtemps puisque par la droite du cadre, au loin, parut la proue d’un cargo rouge et noir. Inactif pour le moment, accoudé au bastingage, le radiotélégraphiste affecté à ce cargo considérait dans sa longue-vue la côte pointillée de pavillons, les drapeaux flaccides hissés sur les plages et les dériveurs aux voiles fasseyantes, affaissées comme de vieux rideaux. Ensuite, au beau milieu du ciel, le radiotélégraphiste observa le bimoteur à hélices traînant une banderole publicitaire environnée d’oiseaux marins traçant des chiffres, sur fond de nuages passant du même à l’autre et du pareil au même. Puis, d’un coup, le vent soudain relevé fit battre sèchement les drapeaux, les voiles se gonflèrent en bulle, un dériveur versa, les chiffres se divisèrent, la banderole ondula dans un spasme et la fenêtre faillit à nouveau claquer cependant qu’à la porte on venait à nouveau de sonner (p. 28-29).

Victoire, à sa fenêtre, regarde vers le radiotélégraphiste, qui regarde vers Victoire, dont la fenêtre claque (presque), l’un et l’autre voyant (en quelque sorte) la même chose. L’art d’alterner et de marier les points de vue, parfois dans la même phrase. Admirons.

 

Références

Buzzati, le Désert des Tartares, Paris, Laffont, coll. «Le livre de poche», 973, 1980, 242 p. Traduction de Michel Arnaud. Édition originale : 1940.

Echenoz, Jean, Un an. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1997, 110 p., p. 87-88.

L’oreille tendue de… Dino Buzzati

Dino Buzzati, le Désert des Tartares, éd. de 1980, couverture

«À ce moment-là, il entendit un second “floc”, comme le bruit de la chute d’un objet dans l’eau. Ce bruit allait-il se répéter encore ? L’oreille tendue, il guetta le bruit, bruit de souterrains, bruit de marécages, de maisons mortes abandonnées. Des minutes passèrent, immobiles, le silence absolu semblait, finalement, le maître incontesté du fort. Et de nouveau se pressaient autour de Drogo des images de la vie lointaine.»

Dino Buzzati, le Désert des Tartares, Paris, Laffont, coll. «Le livre de poche», 973, 1980, 242 p., p. 37. Traduction de Michel Arnaud. Édition originale : 1940.

Poésie(s) du jour

Antoine Brea, l’Enfer de Dante mis en vulgaire parlure, 2021, couverture

Il a décidé le Brea (Antoine),
De rendre du Dante en langue vulgaire,
Histoire de pas se poigner le moine

Entre siens deux travaux scripturaires.
Il a, croyez-le-me, mahous bossé,
Car l’adaptation, ça, oui, il sait faire.

Les langues françaises, il a dru rossées;
Du médiéval à notre bel âge,
Jamais n’hésite à les engrosser.

Qu’est-ce qui, de ce bonheur, surnage ?
Jactances en rap, en grivois argot,
Propos fort cryptés de quelque mage,

Des mots anglos, de dead et stop à go,
Du Froissart, Flaubert, Regnard et San-A
Des cavalcades à rendre dingo.

Puristes râleront; pas moi, fana.
Pour sûr, me suis toujours amusé.
Hou : il vous explosera, l’ananas.

Signé : L’Esgourde avide, liseur ravi

 

Référence

Brea, Antoine, l’Enfer de Dante mis en vulgaire parlure. Poème, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 160, 2021, 390 p.