Le zeugme du dimanche matin et de Simenon

Illustration de Madrazo pour Touriste de bananes

«— …Il est complètement abruti… avait dit l’avocat.
Donadieu était persuadé que ce n’était pas vrai. Il essayait de comprendre, de se mettre à la place de Lagre, qui était là, isolé de tous les autres, du reste du monde, moins encore par une barrière que par l’incompréhension.»

Simenon, Touriste de bananes ou Les dimanches de Tahiti, dans Tout Simenon 21, Paris et Montréal, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1992, p. 273-381, p. 356. Édition originale : 1938.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Fil de presse 054

Charles Malo Melançon, logo, mars 2021

Récolte printanière de livres et de numéros de revues sur la langue.

Adornetti, Ines et Francesco Ferretti (édit.), Introducing Evolutionary Pragmatics. How Language Emerges from Use, New York, Routledge, 2024, 184 p.

Badiou-Monferran, Claire, Adrienne Petit et Sandrine Vaudrey-Luigi (édit.), Écrire classique et persistance des belles langues, 1980-2020, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, coll. «Écritures», 2025, 170 p.

Bertagnolli, Davide et Alessandro Zironi (édit.), Linguistic Fragmentation and Cultural Inclusion in the Middle Ages. Translation, Plurilingualism, Multilingualism, Turnhout, Brepols, coll. «The Medieval Translator», 22, 2025, 326 p.

Blestel, Élodie, Discrimination linguistique, sociale et raciale. Une approche énactive en Caraïbe colombienne, Paris, Presses Sorbonne nouvelle, coll. «Sciences du langage», 2025, 434 p.

Bots, Hans et Antony McKenna (édit.), Études sur le Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle, Paris, Honoré Champion, coll. «La vie des huguenots», 101, 2025, 328 p.

Boutaghou, Maya, White Tongue, Brown Skin. The Colonized Woman and Language, Charlottesville, University of Virginia Press, 2024, 234 p.

Breton, Justine et Audrey Tuaillon Demésy (édit.), les Langues anciennes et leurs imaginaires, Autun, VIII Editions, 2024.

Brunet, Sylvie, Ces mots qui n’existent pas… mais qu’on emploie quand même !, Paris, Éditions de l’Opportun, 2025, 176 p.

Les Cahiers du dictionnaire, 16, 2024, 491 p. Dossiers «Dictionnaire et voyage des mots» et «Poésie et dictionnaire».

Cahiers Ferdinand de Saussure. Revue de linguistique générale, 75, 2025, 248 p.

Clio. Femmes, genre, histoire, 60, 2024. Dossier «Paroles, paroles».

Delorme, J., A. Diaconescu, A. Huber et P. Nahon, Glossaire des patois de la Suisse romande, t. X, fasc. 140 : juchoir-justement, Genève, Droz, coll. «Glossaire des patois de la Suisse romande (Revues et périodiques)», 140, 2025, 56 p.

Dumont, Aurore et Dan Van Raemdonck (édit.), la Langue française en représentation(s). Actes du colloque de Mons, 2022, Bruxelles, Fédération Wallonie-Bruxelles, 2024, 204 p.

Escudé, Pierre, À Toulouse ça se dit comme ça !, Paris, Le Robert, coll. «Ça se dit comme ça !», 2025, 144 p. Ill.

Études de linguistique appliquée, 216, octobre-décembre 2024, 128 p. Dossier «L’analyse des discours sur le développement et la transition durables», sous la direction de Pierre Beccaria.

Goudaillier, Jean-Pierre, Dictionnaire de pataouète et de français pied-noir d’Algérie. De A comme aoualimon à Z comme zouzguef, Paris, Hémisphères éditions / Maisonneuve & Larose nouvelles éditions, 2024, 402 p. Préface de Bruno Fuligni.

Khalfallah, Nejmeddine, Bénédicte Letellier et Fouad Mlih (édit.), le Monde arabo-musulman au regard de l’Europe dans les ouvrages lexicographiques (XVIIe-XXe siècles), Saint-Denis, Presses universitaires indianoéaniques, 2024, 394 p.

Kohn, Max et Raphaël Koenig (édit.), le Yiddish, l’inconscient, les langues, Leiden, De Gruyter Brill, 2025, 279 p.

Langues, cultures et sociétés, 10, 2, 2024. Dossier «Le français au Maroc, le français du Maroc».

Le Draoulec, Anne et Marie-Paule Péry-Woodley (édit.), Entre elle et lui. Variations sur les asymétries de genre en français, La Tour d’Aigues, Aube, 2025, 344 p.

Leuwers, Hervé, les 100 mots de la Révolution française, Paris, Presses universitaires de France, coll. «Que sais-je ?», 2025, 128 p.

Linx. Revue des linguistes de l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense, 87, 2024. Dossier «Interroger la variation en français au 21e siècle», sous la direction de Bérengère Bouard, Julie Glikman et Christophe Benzitoun.

Perlin, Ross, Language City. The Fight to Preserve Endangered Mother Tongues in New York, New York, Grove Atlantic, 2025, 448 p.

Transversalités, 171, 2025, 171 p. Dossier «L’ abbé Rousselot, inventeur de la phonétique expérimentale».

Walsh, John, Michael Hornsby, Eva J. Daussà, Renée Pera-Ros, Samuel Parker, Jonathan Morris et Holly R. Cashman, Queering Language Revitalisation. Navigating Identity and Inclusion among Queer Speakers of Minority Languages, Cambridge, Cambridge University Press, coll. «Elements in Language, Gender and Sexuality», 2025.

Le zeugme du dimanche matin et de Simon Paré-Poupart

Simon Paré-Poupart, Ordures !, 2024, couverture

«Il y a Jo, qui a été filmé par un citoyen de Boucherville alors qu’il dansait sur des bacs verts, en plein trip de mush; Racette, qui passe sa vie entre les vidanges, la désintox et l’itinérance; le Chat, qui se fait régulièrement embarquer par la police au milieu de sa run; Brodeur, qui lance les bacs à compost dans le recyclage…»

Simon Paré-Poupart, Ordures ! Journal d’un vidangeur, Montréal, Lux, coll. «Lettres libres», 2024. Édition numérique.

 

Merci à Luc Jodoin.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Chantons la langue avec Chilly Gonzales

Chilly Gonzales, album French Kiss, 2023, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Chilly Gonzales, «French Kiss», album French Kiss, 2023

 

Je vous french kiss
Avec la langue de Molière
Ça vous excite
Quand je vous baise dans l’oreille
Je parle anglais comme Tony Blair
Je parle allemand Adolf Hitler
Mais en français j’prononce les r
Éclair, tonnerre, pomme de terre
Je lis dans mon lit, je suis littéraire
Je lis Carrère, j’écoute Makala
J’mange du camembert
J’fume du cannabis
C’est mon somnifère
Bla bla bla, et cetera, patati patata
J’viens du Canada
J’aime les castors
Mais à la frontière
Je suis franchouillard
Check mon passeport
Chansonnier-parolier
Mais j’suis pas Benjamin Biolay
Je rap en triolet
Votre langue est intimidante, ok ?
C’est en français que Chilly chante, ok ?
Ca m’a pris longtemps
Beaucoup de romans, beaucoup de films d’Yves Montand
Avec mon petit accent si charmant
Je comprends que je manque de maîtrise
Mais heureusement j’assume mes bêtises
Votre passé simple n’est pas si simple
Le mien est compliqué comme un labyrinthe (Yes !)
Beaucoup trop jeune pour Verlaine ou Prévert
Je préfère lire Despentes (Yes !)
Beaucoup trop vieux pour parler en verlan
Je n’ai pas dix-sept ans
Mais je vous french kiss comme un vrai cé-fran
François Mitterrand
Je vous french kiss
Avec ma langue française
Je vous french kiss
En dansant la javanaise
Bien dans mes charentaises
En robe de chambre comme Robespierre
J’suis trop fier
De parler la langue de Voltaire, Flaubert, Baudelaire et Bangalter
Je vous french kiss
Éclair au chocolat
Je vous french kiss
Pomme de terre en robe de chambre
En robe de chambre comme Robespierre
Je vous french kiss
L’Hexagone, l’ex à Gonzales, Chilly Gonz à l’Hexagone

 

Traduction (quasi) simultanée

Tomson Highway, Dry Lips Oughta Move to Kapuskasing, 1989, couverture

Quand elle était petite — ça ne date pas d’hier —, l’Oreille tendue a souvent entendu l’expression «shit la marde». C’était un bel exemple de traduction (quasi) simultanée : le passage de «shit» à «marde» était presque instantané (et inutile, non ?).

Cela lui est revenu à la lecture de Dry Lips Oughta Move to Kapuskasing, une pièce de théâtre, en anglais, en cree et en ojibway, de Tomson Highway (1989). On y trouve en effet «shit la marde» décliné de plusieurs façons : sans point d’exclamation (p. 29), ou avec (p. 81, p. 103), sans «holy» (p. 34), ou avec (p. 29, p. 81, p. 103), parfois ramené à «shit la ma…» (p. 122). On déplorera cependant un «shit la merde» (p. 95) du plus mauvais goût.

Voilà l’Oreille retombée en enfance.

 

Référence

Highway, Tomson, Dry Lips Oughta Move to Kapuskasing, Saskatoon, Fifth House, 1989, 134 p.