Cheap mais vieux

Corédigeant le Dictionnaire québécois instantané (2004), l’Oreille tendue proposait la définition suivante du mot cheapo (substantif et, surtout, adjectif) :

Variante ostensiblement pauvre du quétaine. «[Inévitables] relents de culture cheapo canal 10» (le Devoir, 19 octobre 2000). «Par moments, j’entendais — et savourais — des grooves à la manière groupes de garage des années 60, avec l’orgue cheapo et les trois accords qui revenaient tout le temps» (le Devoir, 1er février 2001) (p. 38-39).

Nous croyions, l’Oreille et son complice, que le mot était d’usage récent. Nous nous trompions.

En effet, à la lecture de BDQ. Répertoire des publications de bandes dessinées au Québec des origines à nos jours. Édition 2000 (p. 40), on découvre que paraissait en 1989 une bande dessinée signée Oncle Graat (pseudonyme de Martin Dupras) et intitulée Cheapo.

Le cheapo est plus âgé qu’on aurait pu le croire.

Cheapo, bande dessinée, 1989, couverture

 

 

[Complément du 2 mai 2022]

Remontons encore le temps et changeons de langue.

Branch Rickey a été un des administrateurs les plus importants du baseball états-unien au XXe siècle; c’est lui qui a recruté, entre autres faits d’armes, Jackie Robinson.

Kostya Kennedy, dans sa récente biographie de Robinson, rappelle qu’un des surnoms de Rickey était «el Cheapo» (p. 143). Il n’aimait manifestement pas délier les cordons de sa bourse.

 

Références

Kennedy, Kostya, True. The Four Seasons of Jackie Robinson, New York, St. Martin’s Press, 2022, viii/278 p. Ill.

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Oncle Graat, Cheapo, Montréal, Éditions du Phylactère, coll. «Album Tchiize», 6, 1989, 59 p.

Viau, Michel, BDQ. Répertoire des publications de bandes dessinées au Québec des origines à nos jours. Édition 2000, Laval, Mille-Îles, coll. «Argus», 1999, 342 p. Ill.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2004, couverture

Modeste contribution à un dictionnaire des synonymes journalistiques

Dans l’ordre habituel (21 caractères) : de gauche à droite (18 caractères)

Affaires (vraies ~) (Québec) : argent

Asseoir (s’) (Québec) : parler

Boulon : plus petit commun dénominateur du mythe

Capitale : ville, village, hameau où se tient une activité

Citoyens : voir société civile

Énigmatique : Russie (voir steppes)

Historique : première occurrence cette semaine d’un événement

Limousine (Québec) : poste de ministre (merci à @gpinsonm19). En France : strapontin

Longue maladie : cancer (plus rarement : sida)

Néo : presque ancien

OVNI : je manque de vocabulaire, reconnaît un journaliste

Périple (Québec) : déplacement de joueurs de hockey

Précision (Québec) : nous avons merdé, dixit, du bout des lèvres, le quotidien la Presse de Montréal

Saga : activité récurrente

Société civile : voir citoyens

Steppes : Russie

Terrains de football (unité de mesure) : étendu

Tsunami (un ~ de) : beaucoup

Visage de la pauvreté : pauvreté sans visage

Ne parlons pas religion

Soit le commentaire suivant, signé par un chroniqueur du site RDS.ca, qui en a contre les joueurs des Canadiens de Montréal — c’est du hockey — qui ne démontre(raie)nt pas les efforts nécessaires par les temps qui patinent :

Les passagers des derniers matchs avaient déjà été identifiés : Pacioretty, Bourque, Plekanec, Subban, Eller, Gionta, Vanek et Emelin. Par passagers, on sous-entendait des éléments qui n’apportaient à peu près rien sur le plan des statistiques ou qui se prenaient carrément le moine pendant qu’un petit groupe de coéquipiers, toujours les mêmes, se tuaient à l’ouvrage.

Deux remarques.

On pourra ajouter passagers à Langue de puck. Abécédaire du hockey, petit ouvrage que publiait l’Oreille tendue il y a quelques semaines.

On notera que lesdits passagers sont réputés se prendre le moine. De quoi s’agit-il ?

Sans entrer dans des détails scabreux, on dira que le moine, pour utiliser la langue du hockey, se trouve dans le bas du corps. Qui se le prend paresse. Pour un joueur de hockey, ce n’est pas bien.

P.-S.—On voit aussi se pogner le moine ou se pogner le beigne. C’est dans la même région.

P.-P.-S.—Ce moine se prononce fréquemment mouène.

P.-P.-P.-S.—Un collègue de l’Oreille, Olivier Bauer, ne cesse de le démontrer : hockey et religion ont partie liée au Québec. Cela étant, il ne paraît pas à l’Oreille que la dimension religieuse de ce moine soit clairement démontrée.

 

[Complément du 2 avril 2022]

On peut aussi se pogner le morceau. Ce n’est pas mieux.

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture