Du grain et des missiles

Le complexe militaro-agricole a perdu. La preuve ? Rien de pire aujourd’hui, du moins dans le milieu universitaire, que de travailler ou que de penser en silo. Il faut chercher d’abord et avant tout l’échange, la circulation, la communication, voire la transversalité. Pas question de rester seul dans son coin, dans les profondeurs comme dans les hauteurs.

Vous avez été prévenus.

 

[Complément du 10 juin 2014]

Ceci, tiré du quotidien le Devoir du jour :

Mme Marois a également déclaré que «tous les souverainistes, tous les penseurs, les innovateurs, les créateurs, les intellectuels, toutes les forces de changement du Québec doivent reprendre le dialogue, cesser de travailler en chapelle» (p. A3).

D’où l’on doit conclure que les chapelles, au Parti québécois, sont des silos, et vice versa.

Requiem pour un tir

Brasserie Dow, calendrier publicitaire, 1955

Parmi l’arsenal à la disposition des joueurs de hockey, il y a le lancer du revers ou le revers, ce tir qui utilise l’extérieur de la lame du bâton plutôt que l’intérieur.

À ce sujet, le beau-père du journaliste Yves Boisvert est formel :

Il a ajouté […], en voyant Pacioretty rater le but avec son revers, que «Maurice Richard n’aurait jamais manqué ça», avant d’accuser les bâtons trop recourbés qui cassent tout le temps et le déclin catastrophique des tirs du revers dans le hockey moderne (la Presse, 22 mai 2014, cahier Sports, p. 4).

L’affaire serait entendue : le tir du revers serait une chose du passé. On se le dit depuis longtemps dans les discussions familiales.

Stéphane contempla rêveusement les souvenirs du célèbre joueur. À son époque, Maurice Richard avait marqué 50 buts en 50 parties. Son grand-père lui avait répété à maintes reprises que plus personne aujourd’hui ne savait compter des buts comme Maurice Richard. On avait oublié comment frapper du revers. D’après lui, un bâton à palette recourbée ne permettait pas un lancer du revers digne de ce nom (Roy MacGregor, le Vol de la coupe Stanley, p. 64).

Dans le bon vieux temps, celui des six équipes, on marquait nombre de buts de cette façon. Ce revers-là était un gage de succès. De celui de Maurice Richard, Stan et Shirley Fischler n’hésitaient pas à écrire, dans leur Great Book of Hockey, que c’était «the most lethal backhand in hockey» (1991, p. 146).

Les valeurs se perdent.

P.-S. — L’Oreille tendue a cité Roy MacGregor dans son Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso, 2014).

 

Illustration : Brasserie Dow, calendrier publicitaire, 1955

 

Références

Fischler, Stan et Shirley, Great Book of Hockey. More than 100 Years of Fire on Ice, Lincolnwood, Publications International, 1991, 336 p. Ill. Édition mise à jour.

MacGregor, Roy, le Vol de la coupe Stanley, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 2, 2005, 140 p. Traduction de Jean-Pierre Davidts. Édition originale : 1995.

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

Rêvons un peu

Nissan publie une publicité en couleurs, sur deux pages, dans la Presse. Cette publicité contient une grosse faute de langue. Le fabricant automobile publie une nouvelle publicité, corrigée, quelques jours plus tard.

Bell Canada diffuse une publicité télévisée. Cette publicité contient une grosse faute de langue. Le géant des télécommunications diffuse une nouvelle publicité, corrigée, plusieurs mois plus tard.

Le fournisseur xplornet, le spécialiste en «Internet haute vitesse | En région», fait sa publicité sur les ondes du Réseau des sports (RDS) par les temps qui courent. Cette publicité contient une grosse faute de langue («où que vous demeurez» au lieu de «où que vous demeuriez»). Y aura-t-il une nouvelle publicité, corrigée ? On peut toujours rêver.

P.-S. — Mais non : l’Oreille tendue n’est pas en train de rouler les mécaniques. Qu’est-ce que c’est que cette insinuation !

Non, pas du tout

L’autre jour, sur Twitter, l’Oreille tendue énumérait les traits du «lexique indispensable du Montréalais de 11 ans (du moins dans NDG)» :

Sérieux ?
Avoue
Super de + adjectif.
Shit !

Une publicité télévisée qui tourne actuellement a rappelé à l’Oreille une expression à ajouter à cette liste : tu me niaises (! / ?).

(Un restaurateur chinois a tout fait pour attirer la clientèle et il est découragé par l’offre imbattable d’un concurrent. Il explique cela à sa femme en chinois, qui lui répond dans la même langue. En sous-titre : «Tu me niaises !»)

L’expression marque l’incrédulité. Synonyme : tu te fous de ma gueule.

On la prononce d’au moins trois façons. Exclamative : Tu me niaises ! Interrogative : Tu me niaises ? Détachée : Tu me ni ai ses.

 

[Complément du 27 février 2016]

Il y a une gradation dans la niaiserie :

 

[Complément du 15 janvier 2021]

Littérairement et interrogativement, existe en au moins deux formes : «Tu me niaises ?» (Françoise en dernier, p. 137); «Tu me niaises-tu ?» (Chienne(s), p. 81)

 

Références

Grenier, Daniel, Françoise en dernier. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 16, 2018, 217 p.

Milot, Marie-Ève et Marie-Claude St-Laurent, Chienne(s), Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 25, 2020, 155 p. Ill. Suivi de «Contrepoint. Cachez ce cerveau que je ne saurais voir» par Catherine Lord.

Les (non-)mots du hockey

Palet (au lieu de rondelle)

Rédigeant d’abord son «Dictionnaire des séries», puis son Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), l’Oreille tendue s’est appliquée à recenser et à définir les mots les plus courants du hockey. Qu’en est-il des mots peu courants ?

Il y a, parmi eux, les mots retenus dans une culture et pas dans une autre. Pas de palet au Québec, mais la rondelle, le disque, le caoutchouc, l’objet, la noire, la puck. Pas plus de gouret, de crosse ou de canne, mais le bâton ou le hockey.

Les médias québécois engagent des joueurnalistes, tandis que les hexagonaux préfèrent des consultants.

Sauf Martin McGuire, les descripteurs de matchs de hockey n’utilisent pas dribbler pour désigner le fait, pour un joueur, d’être en mouvement et de manier la rondelle. Ils emploient plutôt transporter le disque ou tricoter.

En séries éliminatoires, quand on joue des quatre de sept, il est rarissime qu’on dise du match décisif que c’est la belle. Exceptions : l’ami Jean Dion (le Devoir, 13 mai 2014, p. B6) ou tel joli titre, bien euphonique, du Devoir («La belle au Centre Bell», 14 mai 2014).

L’équipe qui gagne la coupe Stanley gagne… la coupe Stanley. Il est peu fréquent, de ce côté-ci de la patinoire, de parler de championnat.

Au football — au soccer —, quand deux villes voisines s’affrontent, il y a derby. Personne ne dit cela quand Montréal rencontre Ottawa.

C’est comme ça.

 

[Complément du 25 janvier 2015]

Étiemble proposa un jour de traduire derby par match de terroir ou de voisinage (éd. de 1991, p. 55). Il ne paraît pas avoir été beaucoup entendu.

 

Références

Étiemble, Parlez-vous franglais ? Fol en France. Mad in France. La belle France. Label France, Paris, Gallimard, coll. «Folio actuel», 23, 1991, 436 p. Troisième édition. Édition originale : 1964.

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture