Locomotion Québec 201

Les Québécois ont parfois des rapports tendus avec le féminin et le masculin. Un jour, l’Oreille tendue s’est même demandé si cela ne touchait pas particulièrement les moyens de locomotion.

Nouveau cas à ajouter à la liste : semi-remorque.

En France, le mot est féminin : «Un camion tournait lentement là-bas où la route s’éloignait de l’usine, et la semi-remorque blanche, par effet de perspective, remplaçait un instant le signe bleu de l’usine» (François Bon, 2011).

Au Québec, on le trouve parfois au masculin, malgré les recommandations de l’Office québécois de la langue française : «Un semi-remorque se renverse sur la route 348» (le Nouvelliste, 8 juin 2011); «Un semi-remorque emboutit un autre poids lourd» (le Journal de Québec, 4 juin 2009).

Y aurait-il une parenté cachée entre un semi-remorque et un ambulance ?

P.-S. — Le Petit Robert (édition numérique de 2010) réconcilie par avance tout le monde : «nom féminin et masculin». Ce et laisse rêveur.

 

Référence

Bon, François, Daewoo. Roman, Saint-Cyr-sur-Loire, publie.net, coll. «Temps réel», 2011. Édition numérique. Édition originale : 2004.

Le mal-aimé

Soit deux titres récents du journal la Presse : «Tasse-toi, mononc’ !» (François Cardinal, 13 juin 2011); «C’est peut-être moi le mononcle» (Marc Cassivi, 14 juin 2011). Dans le premier cas, il est question de politique (provinciale); dans le second, d’humour (ou, plutôt, de ce qui en tient lieu au Québec).

Mais pourquoi cet oncle bien à soi (mononc’, mononcle) ?

C’est qu’au Québec, depuis longtemps, mon oncle est devenu mononcle — comme ma tante et devenu matante — et que cela se retrouve dans l’expression «Tasse-toi mononcle». Qui l’utilise est pressé et veut que s’enlève de son chemin qui y lambine. Volkswagen avait transformé cette expression en slogan il y a quelques années. Sa publicité avait été diversement reçue : un soir, au Téléjournal de Radio-Canada, on l’avait diffusée («Tasse-toi mononcle !») immédiatement à la suite d’un reportage sur les morts causées par la vitesse au volant chez les jeunes conducteurs («Tasse-toi mononcle» ?).

Voilà qui explique «Tasse-toi», mais on en revient à la question initiale : pourquoi l’oncle ?

Le personnage n’a pas bonne presse dans la Belle Province. On l’imagine racontant des blagues grivoises en buvant de la crème de menthe (bien vu, Marc Cassivi). Rejeté à la périphérie familiale, il n’est que toléré par ses proches, les neveux comme les autres. Tant pis pour lui. (Et donc tant pis pour soi.)

P.-S. — On entend parfois mon mononc’, ce qui donne à réfléchir à la morphologie du français parlé au Québec.

Troisième article d’un dictionnaire personnel de rhétorique

Autoreprésentation

Définition

Pour Janet M. Paterson, l’autoreprésentation est le «processus selon lequel un texte se représente» (p. 177).

Exemple

«Et la chaux rejoint aussi nos livres et nos papiers pour photocopie ou imprimante : un très léger ajout de chaux très fine donne au papier des livres (celui-ci même) la granulosité lisse nécessaire pour l’imprimerie rapide d’aujourd’hui.»

N.B. Lue sur une tablette informatique, cette phrase de Daewoo de François Bon rappelle ce qui distingue le «papier des livres» («celui-ci même») du numérique. Entre l’édition (imprimée) de Fayard en 2004 et celle (uniquement numérique) de 2011, quelque chose a bel et bien changé, du rapport à l’objet : pas de chaux pour un iPad.

Champ lexical

L’Oreille tendue préfère le terme autoreprésentation à tous ceux qui composent la pléiade de ceux désignant le retour d’un texte sur lui-même : «auto-référence», «auto-légitimation», «auto-conscience accrue», «métafiction», «auto-théorisation», «autoréflexivité», «métatextualité» (Linda Hutcheon); «pratique auto-réflexive, autonymique, sui-référentielle» (Catherine Kerbrat-Orecchioni); «récit spéculaire» (Lucien Dällenbach); «autotexte» (Lucien Dällenbach); «réduplication structurale» (Janet Paterson); «narcissisme littéraire», «littérature autocentrique», «introversion littéraire», «conscience de soi métafictionnelle», «fiction littéraire auto-structurante» (Linda Hutcheon); «mise en abyme» (André Gide); etc. C’est comme ça.

Les premiers articles de ce dictionnaire se trouvent ici et .

 

Références

Bon, François, Daewoo. Roman, Saint-Cyr-sur-Loire, publie.net, coll. «Temps réel», 2011. Édition numérique. Édition originale : 2004.

Paterson, Janet M., «L’autoreprésentation : formes et discours», Texte, 1, 1982, p. 177-194.

Le (double) zeugme du dimanche matin

L’invité de la semaine est le cahier Mon toit du quotidien la Presse.

«Le mobilier intégré : une solution fonctionnelle et architecturale» (8 janvier 2011, p. 5).

«Un choix esthétique et énergétique» (15 janvier 2011, p. 6).

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Cachez ce pronom relatif que je ne saurais voir

Un ex-collègue de l’Oreille tendue, grammairien de son état, lui disait un jour que le pronom relatif était une des choses les plus difficiles à expliquer en classe.

Confirmation publicitaire en p. A10 du Devoir du 3 juin.

Publicité fautive de Georges Laoun opticien

Ce «La raison que notre pub est en couleur !» l’aurait sûrement conforté dans sa position.