Hautes distinctions

En ces temps de fêtes du Québec et du Canada, les occasions ne manquent pas de rappeler que le Québec est une société distincte. Comment ?

«Le Québec se distingue dans l’univers de l’insolvabilité» (le Devoir, 4 juillet 2012, p. B1).

«Tourisme distinct» (le Devoir, 24-25 avril 2004, p. D4).

«Le Québécois : un mangeur distinct» (Québec science, été 2009).

«Un régime [d’assurance automobile] distinct qui doit le demeurer» (le Devoir, 14 avril 2004, p. A7).

«Le meuble québécois : un design distinct» (la Presse, 28 août 2004, Mon toit, p. 7).

Pétons-nous les bretelles. (Plastronnons.)

La situation pourrait-elle devenir problématique ?

Daniel Grenier, Malgré tout on rit à Saint-Henri, 2012, couverture

Degré zéro de l’expression, sans adresse.

«C’est quoi le problème ?» (Hockey de rue, p. 108)

On monte d’un cran quand l’interlocuteur est visé.

«C’est quoi ton problème ? demanda Anou en enfilant son chandail» (Meurtres sur la côte, p. 149).

L’ajout d’un juron rend la menace plus nette.

«C’est quoi ton estie de problème ?» (Malgré tout on rit à Saint-Henri, p. 237)

Dans ces exemples, le / ton problème ? est une interrogation purement rhétorique : il ne s’agit ni de s’enquérir ni de compatir, mais de faire taire — avec des degrés d’intensité divers.

 

Références

Grenier, Daniel, Malgré tout on rit à Saint-Henri. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 07, 2012, 253 p.

MacGregor, Roy, Meurtres sur la côte, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 12, 2008, 162 p. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 2000.

Skuy, David, Hockey de rue, Montréal, Hurtubise, 2012, 232 p. Traduction de Laurent Chabin. Édition originale : 2011.

Rien de neuf autour du soleil

L’expression la planète + X n’est pas récente.

Elle reste néanmoins d’actualité, comme le montre la lecture de la presse québécoise des derniers jours :

«les meilleurs espoirs de la planète hockey» (la Presse, 23 juin 2012, cahier Sports, p. 3);

«Tremblant arrive sur la planète Ironman» (la Presse, 23 juin 2012, cahier Sports, p. 6);

«Sur la planète vélo on aime aimer Cadel même s’il n’est pas beau» (la Presse, 30 juin 2012, cahier Sports, p. 4);

«Québec sur la planète design» (le Devoir, 30 juin-1er juillet 2012, p. D4).

Des humains, des planètes, tout cela orbitant : il est bon que les lois de l’univers soient immuables.

Divergences transatlantiques 024

Les médias aiment souligner, une fois l’an, que les dictionnaires font entrer de nouveaux mots dans leur nomenclature.

Le Petit Larousse 2013 a retenu le belgicisme bobette (le féminin de bob) : «Conducteur acceptant de ne pas boire d’alcool afin d’être en mesure de reconduire ses compagnons.»

Le Petit Robert du même millésime ouvre ses colonnes aux bobettes québécoises : «Sous-vêtement masculin ou féminin qui couvre le bassin.»

Il est recommandé, dans la mesure du possible, de ne pas confondre.

Précisions démolinguistiques

Selon des sources filiales proches de l’Oreille tendue, on pourrait vedger dans la solitude, mais il faudrait être au moins deux pour chiller. (Attention : il serait aussi possible de vedger à plusieurs.)

Dans un cas comme dans l’autre, on glandouille — on fait le légume (vegetable, dans la langue de Julia Child), on relaxe (to chill) —, mais l’un se pratique seul, alors que l’autre, jamais.

Exercice

Quand Grand Corps Malade chante «j’ai chillé sur Sainte-Catherine» («À Montréal», 3ème temps, 2010), veut-il dire qu’il n’était pas seul ou commet-il une faute d’usage (il était seul, donc il ne pouvait pas chiller) ?

N.B. Chiller est un verbe, mais l’adjectif chill est attesté : «“Full Chill”…» (la Presse, 17 avril 2004, p. S5); «full pas chill» (le Devoir, 13 janvier 2004, p. B6). Son sens ? Bien, cool, gentil, planant : «Papa, ça dépend du contexte…» Ah ! le fossé des générations !