La peur n’est pas bonne conseillère

Edvard Munch, le Cri, 1893

Soit le passage suivant, tiré d’une chronique sur une émission de télévision québécoise parue dans la Presse+ du 31 janvier.

Voir que les deux otages octogénaires, joués par Sylvie Potvin et Gaston Caron, n’ont pas été capables de défaire ces petits nœuds-là, qui tenaient par la peur au radiateur du sous-sol. Franchement.

[…]

Et comment croire à la détresse de ces deux personnes âgées quand de tels détails, cruciaux dans la crédibilité de l’histoire, ont été négligés et bâclés ? Vraiment, ça faisait pic-pic. Comme si ces scènes de ligotage avaient été tournées par des gens trop pressés par leur calendrier de production.

Nous connaissons déjà voir que (ici) et pic-pic (). Mais qu’en est-il de ce qui tient par la peur ? Cela n’inspire pas confiance : la peur, dans ce cas, est encore moins rassurante que la broche à foin, moins solide, moins fiable. Autrement dit : la catastrophe est imminente.

Autre exemple, chez Catherine Éthier : «Une motarde fleurie sur deux (bon, il y avait aussi des motards, mais prodigieusement sans intérêt) transportait à son bord une trentaine de canards répartis dans divers paniers de paille accrochés par la peur sur un bout de bois» (p. 268).

Méfiez-vous de ce qui tient par la peur.

 

Illustration : Edvard Munch, le Cri, 1893, Musée national de l’art, de l’architecture et du design de la Norvège, photo déposée sur Wikimedia Commons

 

Référence

Éthier, Catherine, Une femme extraordinaire, Montréal, Stanké, 2022, 302 p.

Du bozo

Bozo le clown, 1961, photo déposée sur Wikimedia Commons

Soit la phrase suivante, tirée de la Presse+ du 30 janvier 2024 :

N’importe quel bozo peut désormais télécharger une application sur son iPhone pour réaliser en vitesse une vidéo porno, hypertruquée mais hyperréaliste, mettant en scène l’objet de ses fantasmes.

Qui est donc ce «bozo» ? Dans la langue populaire du Québec, ce mot, emprunté à l’anglais, désigne quelqu’un qui se tient sur un des barreaux de l’échelle de la bêtise, Il est souvent connoté négativement : on pourra apprécier le ti-coune; pour le bozo, c’est plus difficile. C’est ce qu’indique l’exemple ci-dessus.

Il existe (au moins) deux exceptions : le personnage qui a donné son titre à la chanson «Bozo-les-Culottes», de Raymond Lévesque, et Bozo le clown devaient attirer la sympathie, sans toutefois se démarquer ni l’un ni l’autre sur le plan des compétences intellectuelles. S’agissant de la chanson, tout le monde n’était pas d’accord avec une lecture bienveillante.

 

Illustration : Bozo le clown, 1961, photo déposée sur Wikimedia Commons

Canidé linguistique

C’est chien !, service de promenade de chien, Montréal, 2024, publicité

Être chien («T’es chien», «C’est chien»), dans le français populaire du Québec, peut désigner plusieurs comportements, tous répréhensibles : surplus de méchanceté, absence de fair-play, déficit de mansuétude, accès de saloperie.

Dans le domaine sportif, qui joue chien joue cochon.

La personne qui vous propose, sous la bannière «C’est chien !», de promener votre animal de compagnie, contre rétribution, fait donc preuve d’humour. Félicitons-la.

P.-S.—En effet, ce n’est pas le premier chien que nous croisons; voir ici.