Chantons la langue avec Zebda

Zebda, Essence ordinaire, 1998, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Zebda, «Le Petit Robert», Essence ordinaire, 1998

 

Petit, j’étais largué, on dit ici «à Lourdes»
Dans ce que l’on appelle une famille lourde
L’amour y était le contraire du doute
La tête collée contre le poêle à mazout
Rêveur et j’ose même dire dans le coton
À attendre qu’on me dessine un mouton
Mouton je l’étais jusque dans la tonsure
Mais les brushings font pas dans la littérature
Et la main de ma mère était là en cas de doute
Comme un parapluie qui te protège des gouttes
De pluie, et j’ose même dire du mauvais temps
On avait rien, on était content
Avant qu’on me dise «Dégage»
Et qu’on ne me parle plus au présent
Avant qu’on déchire mes pages
Et qu’on me dise «Place et au suivant»
Avant
Avant
Petit, j’étais gentil, j’étais même agréable
J’écrivais les deux coudes posés sur la table
J’ôtais de ma bouche les insanités
Comme un petit prince de l’humanité
Rêveur, je cédais ma place aux personnes âgées
Pour un sourire, une poignée de dragées
J’enlevais ma casquette en entrant à l’école
Mais être poli, ça dispense pas des colles
Gentil, et tout à la fois dernier de la classe
Éveillé comme pouvait l’être une limace
Je dormais, j’ose même le dire si profond
Et que s’écroule le plafond
Avant qu’on me dise «Dégage»
Et qu’on ne me parle plus au présent
Avant qu’on déchire mes pages
Et qu’on me dise «Place et au suivant»
Avant
Avant
Car j’attendais, petit prince des gloutons
Qu’on me porte à la bouche des paquets de bonbons
Y avait pas la monnaie mais c’était tout comme
Car le baiser remplaçait l’économe
Rêveur, et malgré les corvées de charbon
Ma récompense était un bisou à l’horizon
Mais dépassé le siècle où on te met au couvent
J’étais si nul, ma mère a pris les devants
Et se pointait à l’école un chiffon dans la chevelure
La maîtresse disait «Regardez ces ratures !»
Le cœur en miettes, elle faisait parler l’eau et le sel
Et s’en retournait à sa vaisselle
Avant qu’on me dise «Dégage»
Et qu’on ne me parle plus au présent
Avant qu’on déchire mes pages
Et qu’on me dise «Place et au suivant»
Avant
Avant
À 18 h se pointait le maçon
Un seul regard et à l’heure des cuissons
Y disait «Vous voulez qu’on nous coupe les bourses»
À ces mots une larme descend de la grande ourse
Et j’ai compris qu’il y avait qu’une façon
D’apprendre l’art de la multiplication
Depuis j’ai plus voulu ressembler aux statues
Et j’ai laissé mes potes à la salle de muscu
Ma mère m’a jeté un bouquin sur la table
Un gros machin qui rentrait pas dans mon cartable
C’est tous ces mots qui ont allumé la lumière
Et spéciale dédicace au Petit Robert
Avant qu’on me dise «Dégage»
Et qu’on ne me parle plus au présent
Avant qu’on déchire mes pages
Et qu’on me dise «Place et au suivant»
Avant
Avant
Avant
Petit
Rêveur
Mouton
Gentil
[?]
Avant qu’on me dise «Dégage»
Avant qu’on déchire mes pages
Avant qu’on me dise «Dégage»
Qu’on déchire mes pages
Avant
Qu’on me dise «Dégage»
Qu’on déchire mes pages

Générons de nouveau

Moulinette à légumes, 2008

L’Oreille tendue avait presque oublié qu’elle a un jour créé une rubrique «Générateurs de textes». Alimentons-la.

Vous en voulez en français ?

Ambroise Garel offre deux services : du Lovecraft; de la cuisine.

De ce côté (Twitter, Mastodon), vous obtiendrez, grâce à l’Académotron, d’étranges règles grammaticales.

Ici, on répond à une question complexe : «C’est de gauche ou de droite ?»

Vous préférez l’anglais ?

Là, c’est de la littérature canadienne.

La prose universitaire se prêterait bien à l’exercice : premier exemple; deuxième exemple.

À votre service.

Les zeugmes du dimanche matin et de Françoise Giroud

Françoise Giroud, Histoire d’une femme libre, 2013, couverture

«On y cultive, même en vieillissant, mœurs et mentalité d’étudiant, on a l’esprit généreux, la Légion d’honneur à titre militaire, le cœur large et le revenu maigre» (p. 33).

«Elle a beaucoup d’argent de poche et l’intelligence du cœur» (p. 39).

«Ceux qui, un soir, ou un après-midi de vacances, ont eu envie de vous, vous étiez prête, avec vos airs braves, à leur donner votre temps, vos pensées, votre cœur et leur petit-déjeuner au lit pendant dix ans» (p. 116).

«Le conducteur qui avait offert de le reconduire disposait, en effet, d’une voiture sensiblement moins confortable et d’une élocution en robinet d’eau tiède» (p. 188).

«Ce dont je suis sûre, c’était […] d’avoir respecté son intégrité au lieu de m’efforcer à modifier ses opinions, ses amitiés ou ses cravates […]» (p. 206).

«Celui-ci m’a écoutée poliment quand je lui ai dit que j’étais en train de perdre la volonté de vivre en même temps qu’un kilo par semaine […]» (224).

Françoise Giroud, Histoire d’une femme libre. Récit, Paris, Gallimard, coll. «NRF», 2013, 248 p. Texte de 1960. Édition établie par Alix de Saint-André.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Chantons la langue avec Mansfield.TYA

Mansfield.TYA, Corpo Inferno, 2015, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Mansfield.TYA, «Le dictionnaire Larousse», Corpo Inferno, 2015

 

Je redessine un château-fort
Pour faire passer ma gueule de bois
Je regarde la mort, page 303

Je pars à l’aventure
Dans mon dictionnaire Larousse
Je m’attarde sur «bordure»
«Amer» et «brousse»

Il y a là de quoi passer une vie
Entre «amour» et «zoophilie»
Je vois, page 267
Des cache-pots, des cache-nez
Des cachets

Des cachalots à mâchoire sans dents
Le nerf facial, corde du tympan
Il y a la photo de Fernand Foureau
Dont personne n’a rien à cirer

Je redessine un château-fort (Pour faire passer…)
Pour faire passer ma gueule de bois
Je regarde la mort, page 303
Je regarde la mort, page 303

J’apprends les signaux à bras
Utilisés par les marins
Puis je lis la définition
De «panda» et de «catin»

Okayama est au Japon
Ockeghem [?] se trouve en Belgique
Les ruines du Parthénon
Côtoient les paralytiques

Pas de photo de Brigitte Bardot
Mon dictionnaire est démodé
J’apprends tout d’même que «ecce homo»
Ne veut pas dire «être pédé»

 

La clinique des phrases (122)

La clinique des phrases, Charles Malo Melançon, logo, 2020

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

La vie est faite de mystères. Parmi ces mystères, il y a des mystères linguistiques. Parmi ces mystères linguistiques, il y a, du moins au Québec, la popularité de l’expression «les xxxxx de ce monde», notamment s’agissant d’entreprises numériques (exemple ici).

Il n’y a pas que le numérique dans la vie.

Soit la phrase suivante, tirée des pages sportives d’un quotidien montréalais :

Il revient donc à Courtois et à ses adjoints de trouver le moyen pour que la mayonnaise prenne entre ces petits nouveaux et les éléments qui étaient présents l’an dernier, comme les Caden Clark ou les Bryce Duke de ce monde.

Simplifions :

Il revient donc à Courtois et à ses adjoints de trouver le moyen pour que la mayonnaise prenne entre ces petits nouveaux et les éléments qui étaient présents l’an dernier, comme Caden Clark ou Bryce Duke.

À votre service.