Chantons la langue avec Fatal Bazooka

Fatal Bazooka, T’as vu, 2007, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Fatal Bazooka, «C’est une pute», T’as vu, 2007

 

N’en déplaise aux puristes
La langue française demeure beaucoup trop machiste

Rien n’a changé

Un gars, c’est un jeune homme
Et une garce, c’est une pute

Un coureur, c’est un joggeur
Et une coureuse, c’est une pute

Un chauffeur, y conduit l’bus
Et une chauffeuse, c’est une pute

Un entraîneur, c’est un homme sportif
Et une entraîneuse, bah c’est une pute

Un homme à femmes, c’est un séducteur
Une femme à hommes, c’est une pute

Un chien, un animal à quatre pattes
Une chienne, c’est une pute

Un cochon, c’est un mec sale
Une cochonne, c’est une pute

Un salaud, c’est un sale type
Une salope, bah c’est une pute

Un allumeur, ça allume le gaz
Une allumeuse, c’est une pute

Un masseur, c’est un kiné
Une masseuse, c’est une pute

Un maître, un instituteur
Une maîtresse, c’est une pute

Un homme facile, c’est un gars sympa
Une femme facile, bah c’est une pute

Un calculateur, un matheux
Une calculatrice, c’est une pute

Un toxico, c’est un drogué
Une toxico, c’est une pute

Un beach, un volley sur la plage
Une bitch, c’est une pute

Un Hilton, c’est un hôtel
Et Paris Hilton, bah c’est une pute

 

P.-S.—Vous avez l’oreille, il a déjà été question de Fatal Bazooka ici.

 

Les zeugmes du dimanche matin et de Julia Deck

Julia Deck, Ann d’Angleterre, 2024, couverture

«À vingt et un ans, Olivia a des cheveux roux incroyables et une passion pour la lecture» (p. 33).

«La classe revient aux anges, les professeures épuisées par le chaperonnage impossible de douze jeunes filles enivrées d’hormones et d’Italie» (p. 72).

«Ici, tout le monde a un travail, de beaux vêtements, des cappuccinos à volonté et des vieux dans des hôpitaux qui s’effondrent» (p. 88).

«Leur complicité se développe à l’écart de Betty, qui est moins drôle avec tous ses drames et ses médicaments» (p. 103).

«Ann se laisse porter par les événements, les sourires extatiques et les nuits trop courtes» (p. 134).

Julia Deck, Ann d’Angleterre. Roman, Paris, Seuil, 2024, 250 p.

 

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté ce texte le 30 décembre 2024.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Chantons la langue avec Michèle Arnaud

Michèle Arnaud, «La grammaire et l’amour», 1965, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Michèle Arnaud, «La grammaire et l’amour», 1965

 

Ça se conjugue à tous les temps, l’amour
Ça commence au présent
Tout ce que j’ai je te le donne
Ça se conjugue à tous les temps
Mais cela commence au beau temps
Avec la première personne, l’amour
Je t’aime, t’aime et t’aimerai
Puisque le futur admet
Que dans tes bras je m’abandonne, l’amour
Nous le rendrons presque parfait
Ça se conjugue à tous les temps
Du bout des lèvres au bout des dents
Par temps d’avent ou temps d’orage
Ça s’écrit au sable des plages
Avec quelques gouttes de sang
Ça peut se faire à tous les temps
L’amour c’est comme le printemps
Ça refleurit, ça récidive
Ça peut se faire à tous les temps
Selon la mode de l’instant
Pour la si fa la formative, l’amour
Sur tant de faces c’est éreintant
Sur la pavade c’est tentant
On s’ennuie mais on se cultive, l’amour
Ça peut se faire à contretemps
Ça peut se faire à tous les temps
Du bout des lèvres au bout des dents
Par temps d’avent ou temps d’orage
Ça se fait au sable des plages
Avec quelques gouttes de sang
Ça se décline à tous les temps
Ça se déchire à belles dents
Par temps de mensonge et de rage
Et ça s’efface sous les plages
Ça se décline sans savoir
Je t’aime, je t’aimais, bonsoir

 

Chantons la langue avec Serge Gainsbourg

Serge Gainsbourg, l’Étonnant Serge Gainsbourg, 1961, pochette

(Il n’y a pas que «La langue de chez nous» dans la vie. Les chansons sur la langue ne manquent pas. Petite anthologie en cours. Liste d’écoute disponible sur Spotify. Suggestions bienvenues.)

 

Serge Gainsbourg, «En relisant ta lettre», l’Étonnant Serge Gainsbourg, 1961

 

En relisant ta lettre je m’aperçois que l’orthographe et toi ça fait deux
C’est toi que j’aime
(Ne prend qu’un m)
Par-dessus tout
Ne me dis point
(Il en manque un)
Que tu t’en fous
Je t’en supplie
(Point sur le i)
Fais-moi confiance
Je suis l’esclave
(Sans accent grave)
Des apparences
C’est ridicule
(C majuscule)
C’est aussi bien
Tout ça m’affecte
(Ça c’est correct)
Au plus haut point
Si tu renonces
(Comme ça se prononce)
À m’écouter
Avec la vie
(Comme ça s’écrit)
J’en finirai
Pour ne garder
(Ne prend qu’un d)
Tant de rancune
T’as pas de cœur
Y a pas d’erreur
(Là y en a une)
J’en mourirai
(N’est pas français)
N’comprends-tu pas ?
Ça s’ra ta faute
Ça s’ra ta faute
(Là y en a pas)
Moi j’te signale
Que gardénal
Ne prend pas d’e
Mais n’en prend qu’un
Cachet au moins
N’en prend pas deux
Ça t’calmera
Et tu verras
Tout r’tombe à l’eau
L’cafard, les pleurs
Les peines de cœur
O E dans l’O

 

P.-S.—Vous préférez l’interprétation de Barbara ? C’est ici.

 

Évitons les pertes

Case de la bande dessinée Séraphin contenant le mot «gaspille»

Souvenez-vous : en 2010, dans la bouche d’une serveuse, le substantif québécois populaire gaspille.

De l’oral, passons à l’écrit.

Chez Michel Tremblay : «Pas de gaspille, finis ton assiette !» (p. 1355)

Chez Kevin Lambert : «Une feuille, une seule. On s’applique parce qu’on en aura pas d’autres, on a juste une chance, pas de gaspille» (p. 13).

Chez Christophe Bernard : «Elle était belle femme, la Charline, dans la fleur de l’âge. Restée vieille fille, pensa le Paspéya. Tu parles d’un gaspille» (p. 641).

Négatif : du gaspille.

Positif : pas de gaspille.

À votre service.

 

Illustration : Albert Chartier, dans Claude-Henri Grignon et Albert Chartier, Séraphin illustré, Montréal, Les 400 coups, 2010, 263 p., p. 36. Préface de Pierre Grignon. Dossier de Michel Viau.

 

Références

Bernard, Christophe, la Bête creuse. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 14, 2017, 716 p.

Lambert, Kevin, Tu aimeras ce que tu as tué. Roman, Montréal, Héliotrope, «série P», 2021, 209 p. Édition originale : 2017.

Tremblay, Michel, la Traversée du malheur, dans la Diaspora des Desrosiers, Montréal et Arles, Leméac et Actes sud, coll. «Thesaurus», 2017, 1393 p., p. 1253-1389. Préface de Pierre Filion. Édition originale : 2015.