Identité déficiente

Mot croisé, le Devoir, 21-22 septembre 2024

En 2004, l’Oreille tendue coécrivait ceci, sous l’entrée «Chose» du Dictionnaire québécois instantané :

Nom propre très commun. «Ben voyons donc, Chose» (la Presse, 27 septembre 2000). «Et il paraît qu’il s’en trouve […] pour présenter une formation raboudinée à la diable, un sujet hot à propos duquel vous pouvez lire dans ces pages un texte de mon collègue Chose là» (le Devoir, 17 juillet 2001) (p. 40).

Il y était question aussi d’un «Monsieur Chose» (p. 76, p. 173) et on croisait les expressions «Les nerfs, Chose !» (p. 148) et «Mon poids est proportionnel, Chose !» (p. 173)

C’est dire si ce nom propre est fréquent au Québec. Essayons d’y voir un peu plus clair.

Son usage dépend largement du contexte : le mot n’a pas la même connotation selon qu’on l’emploie avec un proche («Passe-moi l’aide maritale, Chose !») ou avec un inconnu («C’est à moi que tu parles, Chose ?»).

Dans certains cas, il a Untel pour synonyme : «T’sé, Chose, là.»

Plus rarement, on lui adjoint le mot Bine : «T’sé, Chose Bine, là.» Cela n’a pas échappé à un verbicruciste local (voir l’illustration ci-dessus, tirée de l’édition des 21-22 septembre 2024 du quotidien montréalais le Devoir). Cette Bine ne doit pas être confondue avec celle-ci.

À ton service, Chose.

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2019, couverture

L’univers des vidanges

Conteneur à déchets

Récapitulons quelques épisodes antérieurs.

Au Québec, surtout dans la langue populaire, les ordures sont des vidanges (au pluriel). Les vidangeurs sont responsables de leur collecte. Cette collecte a lieu le jour des vidanges. Elle requiert des camions de vidange.

Précisons.

Existe aussi le camion à vidanges (Créatures du hasard, p. 125).

Une personne, on ne le sait que trop, peut être une ordure : «Pis moi tu penses que j’le sais pas pourquoi t’étais dans la cour, osti de vidange ?» (Chevtchenko, p. 24)

Au hockey, un but marqué sans élégance ni véritable adresse, est un but (de) vidange; dans la langue de Phil Esposito, on dit garbage goal.

Pendant longtemps — un peu moins aujourd’hui —, on a plus volontiers pratiqué, au Québec, le changement d’huile (oil change) que la vidange.

Les plus vieux s’en souviendront : le film Vie d’ange, de Pierre Harel, en 1979, contient ce qui doit être une des plus longues scènes de coït non interrompu de l’histoire du cinéma.

À votre service.

 

Références

Carballo, Lula, Créatures du hasard. Récit, Montréal, Cheval d’août, 2018, 144 p. Ill.

Chapnick, Guillaume, Chevtchenko, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 39, 78 p. Ill. Précédé d’un «Mot de l’auteur». Suivi d’un «Contrepoint. Les racines et la pluie», par Nathalie Plaat.

Les zeugmes du dimanche matin et d’Henning Mankell

Henning Mankell, les Bottes suédoises, 2017, couverture

«Maintenant tu vas rester ici pendant que je vais lui rendre les clés, avec nos excuses» (p. 111).

«Et tant d’années plus tard, quand elle a surgi sur la glace, avec son déambulateur et son cancer, j’ai continué» (p. 181).

«Assis dans mon coin, j’observais ce jeune pêcheur au visage brillant de sueur et de certitude» (p. 337).

Henning Mankell, les Bottes suédoises. Roman, Paris, Seuil, coll. «Points», P4600, 2017, 363 p. Édition originale : 2015. Traduction d’Anna Gibson.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)