Chroniques du bilinguisme hexagonal 001

Les voyages ont des effets souvent imprévus. L’Oreille tendue, qui se croyait bilingue, débarquant à Paris, est prise de doutes. Devant cette publicité, par exemple.

Publicité pour Flunch, Paris, 2011

«Flunch» ? «Flunch in the USA» ? Non, elle doit le confesser : l’Oreille tendue, qui vient de découvrir l’existence de la chaîne de restauration rapide Flunch, n’est pas bilingue.

Demande de traduction

Vue dans le métro de Montréal il y a quelques semaines une nouvelle publicité, trilingue (français, anglais, espagnol), pour ce qui semble être un nouveau magazine, Vertice (la page «en construction» de son site annonce un lancement en juin… 2010).

Thème de la publicité : l’«intégration piquante».

Les bras de l’Oreille lui en tombent. De quoi peut-il bien s’agir ?

Le temps ne suspend pas son vol

Appareil photographique polaroïd

Bon père rose, l’Oreille tendue aime faire la lecture à ses enfants. Elle lisait l’autre jour à son cadet un roman de la série des «Carcajous» de Roy MacGregor. Elle a eu un peu de mal à lui expliquer ce qu’était un appareil photographique instantané Polaroid (il y en a un qui joue un rôle assez important dans l’intrigue).

Elle aurait aussi eu du mal à lui traduire tel titre récent du Devoir : «Polaroïd du mutant» (15 mars 2011, p. B10). Au Québec, en effet, on utilise fréquemment le mot polaroïd pour désigner ce qui révélerait instantanément une réalité particulière.

Exemple journalistique, tiré (aussi) du Devoir : «Polaroïd du jazz dans l’Amérique des années 60» (15-16 novembre 2008, p. F28).

Exemple romanesque, chez le Nicolas Dickner de Tarmac (2009) : «tous ces mémorables navets qui composaient, dixit Hope, un “instructif polaroïd de la civilisation nord-américaine peu avant son annihilation”» (p. 127).

Pour combien de temps encore ce mot est-il compréhensible instantanément (c’est le cas de le dire) ?

 

Références

Dickner, Nicolas, Tarmac, Québec, Alto, 2009, 271 p. Ill.

MacGregor, Roy, Complot sous le soleil, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 6, 2001, 148 p. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 1997.

Héritage hockeyistique, bis

L’autre jour, l’Oreille tendait le flambeau à ses lecteurs : il s’agissait d’expliquer la place du mot et de la chose flambeau dans l’univers du hockey montréalais. Aujourd’hui, trois compléments.

Le premier concerne une annonce publicitaire. Il a déjà été question ici des cérémonies qui ont suivi la mort de Maurice «Rocket» Richard, le plus célèbre joueur de la plus célèbre équipe de hockey en Amérique du Nord, les Canadiens de Montréal, le 27 mai 2000. Dans la Presse du 4 juin, la société pétrolière Ultramar fait paraître un hommage : la photo de Maurice Richard est accompagnée des mots «Le Rocket… champion, toujours et à jamais» (p. A7). À la main, il tient un flambeau. La mythologie a rejoint le commerce.

Maurice Richard, flambeau à la main, publicité pour Ultramar

Sur un mode nettement moins prévisible, le romancier Marc F. Gélinas met en scène le flambeau et les «bras meurtris» qui doivent le transmettre dans son roman Chien vivant (2000). Le personnage principal y est le conducteur de la surfaceuse (la Zamboni) de ce que l’on imagine être le Forum de Montréal, là où ont longtemps joué les Canadiens. Son nom? Maurice «Rocket» Tremblay.

Voilà un fan fini de l’équipe de Montréal, ici appelée «les Fabuleux» (pour les Canadiens, on dit «les Glorieux»). Il a décoré son appartement «style hockey» (p. 134). Relevant de «l’Art brico» (p. 141) et de l’«installation» (p. 127), c’est un temple aux couleurs de son équipe, le bleu, le blanc et le rouge. Il lui manque cependant un élément : Maurice va demander à Réjean P. Thériault, alias «Pic Picasso», de le lui fournir. Sur les murs de sa chambre à coucher, il fera inscrire le légendaire «Nos bras meurtris vous tendent le flambeau. À vous de le porter bien haut.» L’art naïf a rejoint la mythologie.

Récemment, un porte-couleurs des Canadiens de Montréal, Max Pacioretty, a été gravement blessé par un joueur des Bruins de Boston, Zdeno Chara. Des partisans ont décidé de manifester contre les dirigeants de Ligue nationale de hockey, accusés de tolérer la violence. Explication du site Cyberpresse.ca : «Les initiateurs de la manifestation demandent notamment au club de hockey Canadien de porter le flambeau de la lutte contre les coups à la tête et au cou et de le faire publiquement.» La mythologie a rejoint les médias. (Une fois de plus.)

 

Référence

Gélinas, Marc F., Chien vivant, Montréal, VLB éditeur, coll. «Roman», 2000, 375 p.