Comportement exemplaire

Notre dresseuse était formelle : pour que notre chienne soit mieux élevée et qu’elle réponde à nos souhaits, il fallait limiter notre vocabulaire avec elle. Regarde, assis, au pied, couché : voilà qui aurait dû suffire.

Une fois ces injonctions maîtrisées (de part et d’autre), nous aurions même pu nous passer de certaines. Ainsi, notre caniche royal bringé devrait maintenant s’asseoir toute seule, au bon moment, sans que nous ayons à le lui demander.

Même chose pour le couché : elle devrait dorénavant être capable de se coucher, puis de se relever en deux temps. Avant d’arriver au pied, elle devrait en passer par le réassis. Ce mot réjouit l’Oreille tendue.

(Ça ne marche pas.)

La vie est belle

En voiture, l’autre jour, l’Oreille tendue tombe, avenue Laurier Ouest, sur cette boutique :

Biotiful, publicité

 

Que de richesses en ce seul mot de Biotiful !

Il y a ce bio qui rassure : on n’imagine pas de bébés phoques éviscérés ici. Vert, un jour; vert, toujours.

On sait qu’on sera là dans le beau, celui de beautiful, grâce aux services qu’offre ce «marchand de vie» : épicerie, naturopathie, ostéopathie, massothérapie, herboristerie, cours de yoga, cours de cuisine «sur l’alimentation vivante», aromathérapie. On peut même s’inscrire à des «ateliers de mieux-être» : «Nous offrons une série d’ateliers sur le bien-être via la respiration, l’utilisation de produits naturels, le sport, la méditation…» Le «bien-être» par la «respiration»; voilà qui inspire — c’est le cas de le dire — confiance.

Le mélange de français (bio) et d’anglais (tiful, à prononcer tifoule) sonne moderne à plein.

À simplement regarder la page web de la boutique, on se sent déjà mieux et on se réjouit de pouvoir profiter de cette «augmentation du goût de la vie».

P.-S. — On ne confondra pas ce biotiful avec un autre, aussi vert («Coton biologique») et aussi moderne linguistiquement («Huit is biotiful»), mais dans un créneau un brin différent.

Biotiful, publicité

 

Avec ambages

L’Oreille tendue a eu l’occasion de signaler ici l’existence de quelques périphrases québécoises (PQ). En voici une nouvelle.

Le Devoir des 23-24 octobre 2010 désigne en effet Gilles Marcotte, un ami de l’Oreille tendue, comme le «patriarche de Côte-des-Neiges» (p. F6). Ça ne le rajeunira pas.

Un rendez-vous svp

L’Oreille tendue apprend que le Canada a un «agenda», ce «Carnet sur lequel on inscrit jour par jour ce qu’on doit faire, ses rendez-vous, ses dépenses, etc.» (le Petit Robert, édition numérique de 2010).

Publicité pour une conférence de Peter Van Loan

Elle imagine qu’il doit être volumineux.

 

[Complément du 20 juin 2024]

Cet emploi, directement emprunté à l’anglais, n’est pas propre au Québec. On le trouve, par exemple, dans la traduction hexagonale d’un roman norvégien : «À l’homme qui suit toujours son propre nez, son propre agenda […]» (le Sauveur, p. 73).

 

Référence

Nesbø, Jo, le Sauveur. Une enquête de l’inspecteur Harry Hole, Paris, Gallimard, coll. «Folio policier», 552, 2012, 669 p. Traduction d’Alex Fouillet. Édition originale : 2005.

Langue seconde ?

L’Oreille tendue a un faible pour la Thaïlande. Il lui arrive même, à distance, de consulter l’édition électronique du Bangkok Post. Voilà comment elle est tombée récemment sur un article intitulé «Plan to Make English 2nd Language Vetoed» (19 octobre 2010).

On y apprend que le ministère thaïlandais de l’Éducation vient de refuser de faire de l’anglais la seconde langue officielle du pays; il sera plutôt considéré comme la principale des langues étrangères.

Pourquoi cette subtile distinction ? Parce que les Thaïlandais, dont le nationalisme est viscéral, sont fiers de dire qu’ils n’ont été colonisés par personne, ni les Français, ni les Hollandais, ni les Britanniques. Or faire de l’anglais la langue seconde du royaume pourrait donner l’impression qu’il a déjà été une colonie anglaise. Cela est hors de question.

Thaï : homme libre.