Autopromotion 156

«Chez Henry, Libraire, rue Taranne, Fauxbourg St. Germain», à Paris, en 1790, paraît un roman par lettres intitulé la Femme jalouse. Ce roman du vicomte de Ségur n’avait pas reparu depuis. La critique se contentait le plus souvent de le considérer comme une pâle imitation des Liaisons dangereuses de Laclos (1782), pour aussitôt s’en désintéresser.

L’Oreille tendue et Flora Amann en proposent une édition commentée. Elle paraîtra dans quelques semaines, à Montréal, chez Del Busso éditeur. Le livre part chez l’imprimeur aujourd’hui.

En primeur, sa quatrième de couverture.

Le marquis aime la baronne, qui l’aime de retour. Il n’aime pas la vicomtesse. Mais la baronne est jalouse. Cela finira mal.

La Femme jalouse paraît anonymement à Paris en 1790. Ce roman épistolaire est l’œuvre de Joseph-Alexandre de Ségur (1757-1805). Il n’avait pas été réédité depuis le XVIIIe siècle. Il aurait dû l’être.

Flora Amann est doctorante (Université de Montréal / Université de Paris IV-Sorbonne). Benoît Melançon est professeur (Université de Montréal). Ils croient que la Femme jalouse mérite un meilleur sort que celui que lui a réservé l’histoire littéraire. Le public jugera.

Sa couverture.

Ségur, la Femme jalouse (1790), couverture de l’édition de 2015

 

Et un autoportrait de la Baronne, la femme jalouse du titre.

J’obtiens avec peine par mes prières, ce qui faisait autrefois le bonheur de votre ami; il se détache de moi, Chevalier… et nous prépare des jours bien malheureux. Vous me connaissez trop pour croire que je veuille augmenter le nombre de ces lâches victimes qui se laissent immoler aux caprices de l’inconstance; si son amour finit, mon empire doit commencer; il sentira le poids de sa chaîne; en un mot mon sort est lié au sien pour la vie. S’il oublie les sacrifices qui doivent à jamais m’assurer ses soins, je saurai les lui rappeler. Je consens à devoir à l’exigence, à la crainte, ce qu’autrefois je devais à l’amour. N’importe à quel prix j’obtienne ce que je désire; que votre ami me reste, c’est assez; ma gloire m’est aussi chère que mon bonheur (lettre III, p. 31).

Au Canada, le livre sera distribué par la Socadis. En France, on s’adresse à Tothèmes Diffusion.

 

[Le livre est arrivé de l’imprimerie. Il sera en librairie le 16 mars.]

 

[Deux extraits du roman ont paru sur le blogue collectif Lettres ouvertes.]

 

[Un extrait de l’«Introduction» a paru sur le site de l’éditeur.]

 

[Entrevue avec les éditeurs dans le journal Forum de l’Université de Montréal, à lire ici. Attention : le livre existe bel et bien en papier et en numérique.]

 

[Complément du 10 janvier 2024]

Le livre, au format PDF, est désormais disponible en libre accès ici.

 

Comptes rendus

Le Devoir, 13-14 juin 2015, p. F4 (Marie-Frédérique Desbiens) : «Réédition d’un roman ayant sombré dans l’oubli depuis sa création en 1790, la Femme jalouse est un véritable joyau.»

Dix-huitième siècle, 48, 2016, p. 651-653 (Paul Pelckmans)

Épistolaire. Revue de l’AIRE (Association interdisciplinaire de recherche sur l’épistolaire, Paris), 42, 2016, p. 217-218 (Odile Richard-Pauchet)

 

Référence

Ségur, Joseph-Alexandre, vicomte de, la Femme jalouse, édition présentée et commentée par Flora Amann et Benoît Melançon, Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 245 p. ISBN : 978-2-923792-63-7.

 

Illustration de la couverture

Charles Ange Boily, «Funeste effet de la jalousie», gravure, deuxième moitié du XVIIIe siècle / début du XIXe siècle, 180 mm par 114 mm, Rijksmuseum, Amsterdam

Bernard Maris (1946-2015)

«Je suis Charlie», Nasdaq, New York, janvier 2015

4 janvier 2015

Un collègue de l’Oreille tendue, Frédéric Bouchard, donne une entrevue à l’émission radiophonique les Années lumière de Radio-Canada (on peut l’entendre ici, à partir de la 59e minute). Il dit à Yannick Villedieu s’intéresser au statut des experts dans les sciences.

6 janvier 2015

Écoutant l’entrevue, l’Oreille signale à son collègue un texte qu’elle a publié en 2002 où elle aborde brièvement cette question. Elle y cite la Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles de Bernard Maris (1999). Pour celui-ci, les experts sont des «marchands de salades».

8 janvier 2015

Lisant la Vie habitable de Véronique Côté (2014), l’Oreille tombe sur cette citation de Capitalisme et pulsion de mort de Gilles Dostaler et Bernard Maris (2010) : «La technique appelle l’utilité, et l’utilité la laideur. […] La beauté ne fait pas partie du plan capitaliste. À l’inutile et à la beauté, il n’est pas nécessaire de donner d’explication, c’est pourquoi la technique et la loi rationnelle les ignorent» (cité p. 20).

7 janvier 2015

Bernard Maris fait partie des collaborateurs de Charlie hebdo assassinés en réunion de rédaction. Il reste la lecture de ses textes.

 

Références

Côté, Véronique, la Vie habitable. Poésie en tant que combustible et désobéissances nécessaires, Montréal, Atelier 10, coll. «Documents», 06, 2014, 94 p. Ill.

Dostaler, Gilles et Bernard Maris, Capitalisme et pulsion de mort, Paris, Fayard, coll. «Pluriel», 2010, 168 p. Édition révisée.

Maris, Bernard, Lettre ouverte aux gourous de l’économie qui nous prennent pour des imbéciles, Paris, Albin Michel, coll. «Lettre ouverte», 1999, 190 p.

Melançon, Benoît, «Notice sur la précarité romanesque ou ANPE, ASSEDIC, CDD, CV, DDASS, HLM, IPSO, RATP, RMI, SDF, SMIC et autres TUC», dans Pascal Brissette, Paul Choinière, Guillaume Pinson et Maxime Prévost (édit.), Écritures hors-foyer. Actes du Ve Colloque des jeunes chercheurs en sociocritique et en analyse du discours et du colloque «Écritures hors-foyer : comment penser la littérature actuelle ?». 25 et 26 octobre 2001, Université de Montréal, Montréal, Université McGill, Chaire James McGill de langue et littérature françaises, coll. «Discours social / Social Discourse», nouvelle série / New Series, 7, 2002, p. 135-158. https://doi.org/1866/13815

Prête-moi ta plume

L’histoire est banale. L’un est laid, mais sa parole est d’or. L’autre est beau, mais les mots lui font défaut. Cela donne Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand : Cyrano y prête sa plume à Christian, pour le cœur de Roxane.

La pièce est de 1897; la situation, d’aujourd’hui. Trois exemples.

Que font les adolescents français qui veulent séduire par texto, mais qui ont peur de pas suffisamment bien s’exprimer ? Ils demandent à un tiers d’écrire à leur place. C’est l’«effet Cyrano». (Élisabeth Clément-Schneider rapporte le cas en 2013.)

Vous cherchez l’âme sœur, mais vous craignez de ne pas être à votre avantage par écrit ? Vous pouvez faire appel à Guillaume Dumas, «cet “aspirant Cyrano” du web». Sur le site datective.ca, contre rétribution, il vous offre ses services d’«assistance à la séduction». (C’est la Presse+ du 1er janvier 2015 qui le dit.)

Comment utiliser la technologie actuelle dans la célèbre scène du balcon (acte III, sc. X), celle où le personnage éponyme, profitant de l’obscurité, se fait passer pour son rival et obtient pour lui un baiser de celle qu’il(s) aime(nt) ? Au Théâtre de l’Odéon, à Paris, en 2014, Dominique Pitoiset propose une conversation Skype qui réunit les personnages : Cyrano peut alors «avec vraisemblance prendre la place de Christian en éteignant sa caméra vidéo». (Cette mise en scène est décrite par Pierre Antoine Lafon Simard dans le plus récent numéro de Jeu. Revue de théâtre, dans le dossier «Réseaux sociaux».)

Tout est affaire de technique. Et rien ne l’est.

 

[Complément du 9 février 2015]

Dans une entrevue au quotidien la Presse+ («Unir comme Cyrano de Bergerac»), Guillaume Dumas persiste et signe : «Il y a quelque chose d’intéressant d’être le séducteur secret, la plume de quelqu’un.»

 

[Complément du 16 août 2022]

L’«effet Cyrano» existe aussi en musique. Selon la notice nécrologique que lui consacre le Washington Post, Lamont Dozier, encore adolescent, vendait les paroles de ses chansons pour qu’elles soient transformées en lettres : «He began writing songs while still a teen, turning some lyrics into love letters he sold to friends, Cyrano de Bergerac-style, for 50 cents

 

Références

Clément-Schneider, Élisabeth, «Économie scripturale des adolescents : enquête sur les usages de l’écrit de lycéens», Caen, Université de Caen, thèse de doctorat, octobre 2013, 503 p. http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00911228

Lafon Simard, Pierre Antoine, «Une lointaine proximité, oxymore de l’intime», Jeu. Revue de théâtre, 153, 2014, p. 41-45. Le passage cité se trouve p. 43. https://id.erudit.org/iderudit/73028ac

Rostand, Edmond, Cyrano de Bergerac. Comédie héroïque en cinq actes, Paris, L’école des loisirs, coll. «Classiques», 2007, 374 p. Ill. Présentation et commentaires de Dominique Guerrini. Illustrations de Philippe Dumas.

La mort du sens

Le Petit Robert (édition numérique de 2014) donne une étymologie et plusieurs exemples à -cide : «Élément, du latin cædere “tuer” : coricide, fratricide, génocide, homicide, insecticide, parricide, régicide, suicide

On a vu d’autres variantes ici : amicide; belle-mèreicide, fœticide, grand-pèreicide, infanticide, matricide, onclicide, spermicide, tanticide; linguicide.

Le romancier Jean-François Vilar, qui vient de mourir, proposait incesticide en 1982 (éd. de 1986, p. 166).

Certains, donc, créent les mots dont ils ont besoin. D’autres, en revanche, manquent cruellement d’imagination, par exemple les personnes qui ont conçu cette pancarte, vue rue Jean-Talon à Montréal.

«Génocide industriel» (pancarte, Montréal, 2014)

 

Un «génocide industriel» ? Non.

 

Référence

Vilar, Jean-François, C’est toujours les autres qui meurent, Paris, J’ai lu, coll. «Romans policiers», 1979, 1986, 211 p. Édition originale : 1982.

Trois lectures pour 2014

Jean-Pierre Minaudier, Poésie du gérondif, 2014, couverture

L’Oreille tendue n’est pas friande des rétrospectives (euphémisme). Cela étant, il peut lui arriver de se demander ce qu’elle a fait de son temps au cours des douze derniers mois. Évidemment, elle a lu. Quoi ? Entre autres, ces trois livres. Et elle en parlé, ici ou ailleurs.

Bouchard, Hervé, Numéro six. Passages du numéro six dans le hockey mineur, dans les catégories atome, moustique, pee-wee, bantam et midget; avec aussi quelques petites aventures s’y rattachant, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 80, 2014, 170 p.

Ici.

Klemperer, Victor, LTI, la langue du IIIe Reich. Carnets d’un philologue, Paris, Albin Michel, coll. «Agora», 202, 1996, 372 p. Traduit de l’allemand et annoté par Élisabeth Guillot. Présenté par Sonia Combe et Alain Brossat.

Ailleurs.

Minaudier, Jean-Pierre, Poésie du gérondif. Vagabondages linguistiques d’un passionné de peuples et de mots, Le Rayol Canadel, Le Tripode, 2014, 157 p. Ill.

Ici.

P.-S. — Il existe une rétrospective de ce blogue, mais ce n’est pas l’Oreille qui l’a préparée.