Adverbialement, donc

Limite, dans la phrase suivante : «Une nouvelle, limite insignifiante, capte mon attention» (le Compteur intelligent, p. 9).

Rare, dans ce tweet : «Les militants qui jouent à “mon parti est plus souverainiste que le tien”, c’est non seulement bête, mais c’est contreproductif rare» (@Hortensia68).

Ici, noir : «Au lieu de me regarder noir, selon la coutume, il me lâchait cent propos goguenards, auxquels je ne comprenais rien» (les Confessions, seconde partie, livre neuvième, p. 529).

Des mots qui ne sont pas des adverbes, mais qu’on utilise comme si.

 

Références

Rousseau, Jean-Jacques, les Confessions, Paris, Garnier, coll. «Classiques Garnier», 1980, cxlii/1094 p. Ill. Introduction, bibliographie, notes, relevé des variantes et index par Jacques Voisine, édition révisée et augmentée. Édition originale : 1782 et 1789 (posthume).

Sylvestre, Daniel, le Compteur intelligent. Carnets libres, volume II, Montréal, La mèche, coll. «Les doigts ont soif», 2013, 92 p. Ill.

Variation sur l’écœurement

L’Oreille tendue l’a souligné : au Québec, ce qui est écœurant est très très bien — ou pas du tout. Un gâteau écœurant est excellent — ou infect. Tout est affaire de contexte. Voir les entrées du 9 septembre 2011 et du 11 mai 2012.

Exemples (pour rappel)

«Une paire de patins était réellement écœurante […]» (Hockey de rue, p. 20).

«La rondelle a heurté le poteau. Le bruit le plus écœurant du monde ! C’est parfois plus amusant de frapper le poteau que de marquer un but» (Hockey de rue, p. 27).

En revanche, qui souffre d’écœurantite n’apprécie pas sa situation. Cet écœurant-là n’est jamais mélioratif.

Exemples

«Il y a l’écœurantite aiguë face à ce gouvernement qui n’est pas en mesure de mettre fin à cette crise sociale» (Léa Clermont-Dion, Je me souviendrai, p. 122).

«C’est tout le monde qui sort désormais pour crier son écœurantite» (Antoine Corriveau, Je me souviendrai, p. 147).

«il n’y a pas d’écœurantite aiguë comme à la fin de l’ère Dutoit» (le Devoir, 13-14 avril 2013, p. E9).

Synonymes

Souffrir de découragement. En avoir marre. Être tanné.

Remarque

On l’aura remarqué : il y a des degrés dans l’écœurantite, puisqu’elle peut être aiguë.

 

 

[Complément du 20 août 2018]

Lisant la Bête creuse (2017), de Christian Bernard, l’Oreille tendue découvre un autre synonyme : «Elle était revenue derrière son comptoir, l’œil biffé, subitement affligée d’une écœurite aiguë» (p. 86).

 

[Complément du 1er novembre 2020]

Exemple romanesque, tiré de Bermudes (2020), de Claire Legendre : «On avait vraiment une écœurantite aiguë du système» (p. 188).

 

Références

Bernard, Christophe, la Bête creuse. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 14, 2017, 716 p.

Collectif, Je me souviendrai. 2012. Mouvement social au Québec, Antony, La boîte à bulles, coll. «Contrecœur», 2012, 246 p. Ill.

Legendre, Claire, Bermudes. Roman, Montréal, Leméac, 2020, 214 p.

Skuy, David, Hockey de rue, Montréal, Hurtubise, 2012, 232 p. Traduction de Laurent Chabin. Édition originale : 2011.

Le courant continue à (ne pas) passer

Daniel Sylvestre, le Compteur intelligent, 2013, couverture

Le mot n’est pas nouveau.

Il est chez Jean-François Vilar en 1988, dans Djemila : des personnages «disjonctent».

Le Petit Robert (édition numérique de 2010) date de 1981 le sens que Vilar donne au verbe : «Perdre le contact avec la réalité.»

On le trouve aussi, en 2013, chez Daniel Sylvestre, dans le Compteur intelligent :

Ruby est une disjonctée sympathique du voisinage, mais je la trouve à son top, aujourd’hui (p. 42).

Son mari Manuel disjoncte, il refuse la moindre parcelle d’alu (p. 66).

Dans cette «chronique psychotronique» (dixit l’éditeur) où il est sans cesse question d’électricité, ce ne devrait pas être une surprise.

P.-S. — On rattachera sans peine disjoncter à l’hydrovocabulaire cher aux Québécois.

 

Références

Sylvestre, Daniel, le Compteur intelligent. Carnets libres, volume II, Montréal, La mèche, coll. «Les doigts ont soif», 2013, 92 p. Ill.

Vilar, Jean-François, Djemila. Roman, Paris, Calmann-Lévy, 1988, 166 p.

Du psychotronique

Disque de Guy Lafleur (1979), pochette

Est réputée psychotronique toute activité culturelle où le mauvais goût de ses artisans et leur incompétence, volontaire ou pas, peuvent mener à l’hallucination (souhaitée) des consommateurs. Chez certains, il y a un véritable culte du psychotronique.

Exemples

L’album disco de Guy Lafleur est psychotronique.

Toute l’œuvre de Normand L’Amour est psychotronique.

Distinctions

Ce qui est bizarroïde est (probablement) moins grave que ce qui est psychotronique.

Ce qui est quétaine est moins ambitieux (en quelque sorte) que ce qui est psychotronique.

Remarque

On peut légitimement se demander si l’expression «Navet psychotronique» (le Devoir, 26-27 février 2011, p. E11) n’est pas pléonastique.

On trouve le psychotronique en divers lieux de la culture.

Cinéma

«À découvrir : Truffe, de Kim Nguyen. OVNI cinématographique datant de 2008, le film prend racine dans un quartier Hochelaga-Maisonneuve pris d’assaut par des chasseurs de truffes, ce champignon convoité qui s’est mis soudainement à pousser dans les sous-sols de ce coin de la ville. Il y est question de folie, d’irrationnel, de convoitise et de manipulation, le tout posé sur un scénario psychotronique aussi improbable qu’une fin du monde. Forcément» (le Devoir, 4 décembre 2012, p. A4).

«Il s’agit d’une curiosité psychotronique davantage qu’autre chose, avec chauves-souris qui foncent sur le spectateur, organes humains gigotant et hémoglobine à fond la caisse» (le Devoir, 15 octobre 2003).

N.B. En anglais, le mot apparaîtrait en 1979 dans le titre du film The Psychotronic Man.

Musique

«Dans les milieux psychotroniques, l’affaire est entendue : Mme Saint-Onge a bel et bien enregistré le disque le plus bizarre jamais fait au Québec» (la Presse, 5 octobre 2003).

«Alerte psychotronique : Un disque québécois d’hypnose remixé par un DJ français http://rc.ca/11OWnLx» (@vincentgrou).

Série Web

«Ils défendent le Canada et combattent les Nouveaux Felquistes. Bienvenue dans l’univers psychotronique des “Héros du Nord”» (la Presse, 12 novembre 2010, cahier Arts et spectacles, p. 1).

Spectacle

«Joyeux Noël psychotronique !» avec MC Gilles et DJ XL5, «ces deux ambassadeurs du kitsch» (la Presse, 23 décembre 2010, cahier Arts et spectacles, p. 2).

Restauration

«Classique poulet BBQ dans une décor psychotronique» (tripadvisor.fr).

P.-S. — On ne confondra pas ce psychotronique avec celui défini dans Wikipédia : «Le terme psychotronique est l’appellation slave pour parapsychologie et métapsychique, avec une consonance plus technique.»

 

[Complément du 12 février 2017]

Vient de paraître : Aleksi K. Lepage, Journal d’un psychotronique, Paris, Éditions Noir sur blanc, coll. «Notabilia», 2017, 96 p. Ce titre permet de constater que le mot, s’il est le plus souvent un adjectif qualificatif, peut aussi être, à l’occasion, un substantif.

Récolte à saveur printanière

Roy MacGregor, l’Enfant du cimetière, 2009, couverture

En 2009, en 2010 et en 2011, l’Oreille tendue a fait un peu de tri sélectif dans son panier à à saveur. Rebelote aujourd’hui.

Le à saveur sévit dans tous les domaines, de la politique — «une campagne électorale à saveur de rentrée scolaire» (radio de Radio-Canada, 8 août 2012) — à l’économie — «Une rentrée à saveur économique» (la Presse, 3 juin 2011, p. A14). On le trouve dans des formulations bien étranges : «Un dossier à saveur raciste» (la Presse, 2 mars 2012, p. A20).

Contentons-nous pour l’heure de deux domaines.

Le sport :

«Combat à saveur locale» (rds.ca, 5 février 2013).

«Pour un dimanche rétro ! RT @MuseeMcCord “Des sports d’hiver à saveur rétro: http://ow.ly/gqTaC” #sports #hiver #nostalgie» (@macarignan).

«Gain à saveur japonaise» (site mobile de RDS, 20 août 2012).

Victoire à saveur canadienne

La culture :

«fictions à saveur historique» (le Devoir, 6 mars 2012, p. B7).

«roman à saveur historique» (le Devoir, 27-28 août 2011, p. F3).

«roman à saveur familiale» (le Devoir, 25-26 août 2012, p. F3).

«roman à saveur politique» (le Devoir, 25-26 août 2012, p. F3).

«romans à saveur scout» (Fides. 75 ans, p. 30).

Les Anciens Canadiens est un «roman historique à saveur autobiographique» (le Roman québécois, p. 23).

«histoire à saveur locale» (l’Enfant du cimetière, p. 88).

«chansons à saveur religieuse et patriotique» (le Diable en ville, p. 146).

«chansons à saveur éditoriale» (le Diable en ville, p. 185).

«Philippe Fehmiu vous invite à danser au son de ses cocktails musicaux à saveur internationale» (publicité de Radio-Canada, la Presse, 2 septembre 2011, cahier Arts et spectacles, p. 1).

«Une rentrée à saveur techno» (la Presse, 9 juin 2011, cahier Arts et spectacles, p. 7).

«divertissements à saveur visuelle» (le Devoir, 9 novembre 2012, p. B2).

«tournées estivales à saveur nostalgique» (la Presse, 5 novembre 2012, cahier Arts, p. 2).

«cette série à saveur nostalgique» (le Devoir, 6 juillet 2011, p. B7).

«documentaire à saveur autobiographique» (le Devoir, 11 décembre 2012, p. B7).

«cette comédie à saveur rétro» (la Presse, 26 janvier 2013, cahier Cinéma, p. 1).

«http://Tou.tv propose trois webséries à saveur fantastique ce printemps http://www.radio-canada.ca/nouvelles/arts_et_spectacles/2012/03/20/002-tou-tv-webseries-mars.shtml Cool» (@CCAuteur).

 

Références

Biron, Michel, le Roman québécois, Montréal, Boréal, coll. «Boréal express», 2012, 126 p.

Lacasse, Germain, Johanne Massé et Bethsabée Poirier, le Diable en ville. Alexandre Silvio et l’émergence de la modernité populaire au Québec, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2012, 299 p. Ill.

Lamontagne, Marie-Andrée (édit.), Fides. 75 ans, Montréal, Fides, 2012, 79 p. Ill. Hors commerce.

MacGregor, Roy, l’Enfant du cimetière, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 13, 2009, 164 p. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 2001.