Deux pratiques québécoises qui ne cessent d’étonner l’Oreille tendue : applaudir aux funérailles; applaudir quand son avion atterrit. Façon d’éloigner la mort en la transformant en spectacle ?
[Complément du 14 juillet 2016]
Applaudir en avion, avance @LIndeprimeuse, peut être lourd de conséquences.
[Complément du 4 mars 2018]
Lu ce matin, dans la Presse+ du jour, sous la plume de Marc Cassivi :
Il reste une question qui, pour moi, reste insoluble. Les Québécois applaudissent souvent à l’atterrissage des avions, en particulier au retour de destinations soleil. Je n’ai pas remarqué ce phénomène ailleurs. Pourquoi donc ? Est-ce parce que nous formons une nation si peu confiante en son avenir que nous nous étonnons même de survivre à un vol d’avion ? Une théorie fumeuse à méditer pendant la relâche.
«Insoluble», en effet.
P.-S.—Comme l’indiquent les commentaires ci-dessous, cette pratique n’est pas propre au Québec.
[Complément du 25 avril 2018]
Allons voler du côté de l’Amérique du Sud, avec Juan José Saer :
Entre Rio de Janeiro et Buenos Aires, l’avion se vide de ces Brésiliens aimables et voyants qui, comme s’il s’agissait d’une prouesse inespérée du pilote ou d’un supplément de spectacle non inclus dans le prix du billet, applaudissent aux atterrissages, avec un tel enthousiasme que nous autres Argentins, un peu plus réservés et méfiants, nous nous regardons en dissimulant notre inquiétude et en nous demandant si le pilote, grisé par la popularité de sa manœuvre, n’aura pas l’idée, bien dans la tradition des artistes à succès, d’offrir un bis d’hommage à son public. Modernité et obscurantisme font bon ménage dans les avions : lors des turbulences, on peut voir se signer les hommes d’affaires aussi bien que les top models (le Fleuve sans rives, cité sur Twitter).
[Complément du 6 septembre 2019]
Le romancier François Hébert propose une lecture historique du phénomène :
Un type à la casquette des Canadiens de Montréal [c’est du hockey], il vient de Drummondville d’où viennent la poutine et les chanteurs des Trois Accords, détache sa ceinture, se lève et applaudit le pilote et sa bonne étoile. […] Personne n’aura encore appris à la Casquette à se tenir tranquille. Les gens n’applaudissent plus dans les avions depuis fort longtemps, mais sans doute Orville eut-il raison d’applaudir Wilbur en 1903 quand leur avion a réussi son premier vol (Miniatures indiennes, p. 54-55).
Références
Hébert, François, Miniatures indiennes. Roman, Montréal, Leméac, 2019, 174 p.
Saer, Juan José, le Fleuve sans rives, Paris, Le Tripode, 2018, 340 p. Traduction de Louis Soler.