Le zeugme du dimanche matin et de Sébastien Dulude

Sébastien Dulude, Amiante, 2024, couverture

«Je m’étais exécuté en prenant soin de ne pas passer dans le champ de vision de mon père; j’en avais profité pour aller faire pipi question d’écouler le contenu de ma vessie et un peu plus de temps, craignant que la suite du film [John Carpenter, Christine, 1983] me soit dorénavant interdite, et j’étais revenu avec mon lait dans un verre de plastique blanc.»

Sébastien Dulude, Amiante, Saguenay, La Peuplade, 2024, 209 p., p. 74.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Chloë Rolland

Chloë Rolland, C’est ton carnage, Simone, 2024, couverture

«Ensuite, le bruit de la douche. Lola est restée au lit, l’oreille tendue. Un grattement à la porte de la cuisine. Elle s’est levée et s’est habillée, a abandonné l’idée de se laver. Elle a ouvert la porte à un chat gris au poil long qui a miaulé plaintivement en gambadant vers son plat de croquettes. Un air glacial est entré en rafale, un froid grinçant. Étonnant que le chat ait passé la nuit dehors. Étonnant que novembre tire déjà à sa fin. Étonnant qu’il ne reste que deux mois à l’hôtel. Étonnant qu’elle se réveille dans un triplex de Rosemont avec la mère de deux enfants. Étonnant. Le mot du jour.»

Chloë Rolland, C’est ton carnage, Simone. Roman, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 181 p., p. 102.

Fiat lux

Murale représentant Leonard Cohen, Montréal

La phrase de Leonard Cohen est célèbre : «There is a crack, a crack in everything / That’s how the light gets in.» Elle se trouve dans la chanson «Anthem» de l’album The Future (1992).

En France, on traduit parfois crack par fissure : «Il y a une fissure dans toute chose; c’est ainsi qu’entre la lumière.»

Au Québec, on voit (fréquemment) craque ou (à l’occasion) brèche.

Charlotte Aubin, dans son recueil Toute ou pantoute (2024), offre un autre son de cloche :

je le sais
je vois la lumière
réussir à s’infiltrer malgré moi
à travers les trous (p. 38)

C’est comme ça.

 

[Complément du 18 octobre 2024]

Grâce à Mastodon, l’Oreille tendue découvre que Pomme a choisi pour titre de son album les Failles en pensant à Cohen.

 

Référence

Aubin, Charlotte, Toute ou pantoute. Poésie, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 87 p. Ill.

Accouplements 246

Pierre Lapointe, Déjouer l’ennui, 2019, pochette

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Ducharme, Réjean, l’Avalée des avalés. Roman, Paris, Gallimard, 1966, 281 p.

Tout m’avale. Quand j’ai les yeux fermés, c’est par mon ventre que je suis avalée, c’est dans mon ventre que j’étouffe (p. 7).

Lapointe, Pierre, «Pour déjouer l’ennui», Pour déjouer l’ennui, 2019.

Comme tu vois, je n’sais pas c’que j’dois faire
Toute mes larmes, tous mes doutes, dois-je les taire ?
Tout m’avale, tout fait mal, tout m’atterre
Comme un con, oui j’avoue que j’espère

Aubin, Charlotte, Toute ou pantoute. Poésie, Montréal, Del Busso éditeur, 2024, 87 p. Ill.

tout me transperce
m’habite
m’avale (p. 25)

 

[Complément du 31 décembre 2024]

Lalonde, Catherine, Trous, Montréal, Le Quartanier, «série QR», 193, 2024, 123 p.

«quand trous m’avalent» (p. 43)

«axis et atlas un saut d’axe et réécrire trous car les mots
m’avalent» (p. 120)