L’oreille tendue de… Hector Fabre

Hector Fabre, Chroniques, éd. de 2007, couverture

«Vous me faites l’honneur de me rendre visite et, tout naturellement, vous me demandez comment va l’abonnement. Je me dispose à vous répondre lorsque, tout à coup, je songe à un abonné qui se plaint de ne pas recevoir son journal régulièrement et que l’on va peut-être oublier encore. Je pars comme un trait et vous laisse la bouche béante, l’oreille tendue.»

Hector Fabre, «Journal et élections», 31 mai 1867, dans Chroniques, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact classique», 189, 2007, p. 143-149, p. 143. Postface, chronologie et bibliographie de Gilles Marcotte.

Il faut savoir y arriver

Sophie Bienvenu, les Orphelines, 2025, couverture

Soit la phrase suivante, tirée du roman les Orphelines (2025) de Sophie Bienvenu :

Quand son patron est arrivé avec un spray pour colorer les roses blanches dans des tons fluo, ça a été la proverbiale goutte d’eau. Vingt ans plus tard, elle contait pour la cinquantième fois l’anecdote comme si je n’avais pas été aux premières loges, et elle n’avait toujours pas dépompé (p. 80).

«Dépompé» ? Dans le français populaire du Québec, qui se fâche «pompe». Logiquement, qui décolère «dépompe».

À votre service.

P.-S.—Usito connaît «pomper», mais pas son antonyme.

 

Référence

Bienvenu, Sophie, les Orphelines. Roman, Montréal, Le Cheval d’août, 2025, 173 p.

Quasi-curiosité voltairienne

Victor-Lévy Beaulieu, Ma Chine à moi, 2021, couverture

En 1994, l’écrivain québécois Victor-Lévy Beaulieu publie Monsieur de Voltaire, une Romancerie. S’il lui arrive de reconnaître le génie de l’auteur de Candide, la plupart du temps, il médit de celui qui incarnerait «une monstruosité totalitaire dont la littérature ne nous a donné aucun autre exemple» (p. 21).

En 2021, le même Beaulieu publie Ma Chine à moi. En sous-titre : Candiderie. Y aurait-il du Voltaire là-dessous ? Que nenni.

Le narrateur de Monsieur de Voltaire mêlait le récit d’une cure de désintoxication à une analyse littéraire. Celui de Ma Chine à moi déplore son «vieillardissement» et livre ses impressions de l’histoire chinoise.

La seule allusion à Voltaire se trouve dans une lettre publique de Victor Hugo sur le palais d’Été de Pékin (25 novembre 1861, citée p. 270). De Candide, personnage et titre, il ne sera rien dit. Au lecteur de faire les liens qui s’imposent, ou pas.

Voltaire est toujours bien vivant, même si ce n’est pas là où l’attend.

 

Références

Beaulieu, Victor-Lévy, Monsieur de Voltaire. Romancerie, Montréal, Stanké, 1994, 255 p. Ill. Rééd. : Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 220, 2010, 240 p.

Beaulieu, Victor-Lévy, Ma Chine à moi. Candiderie, Paroisse Notre-Dame des Neiges, Éditions Trois-Pistoles, 2021, 306 p. Ill.

Une roue peut en cacher une autre

Laurence La Palme, Jour de clarté, 2025, couverture

Soit cette phrase, tirée d’un roman d’espionnage de Laurence La Palme — c’est un pseudonyme —, Jour de clarté (2025) : «Puis il donna un coup de roue et nous nous retrouvâmes sur un chemin forestier» (p. 127).

L’homme qui conduit la voiture dont il est question n’a frappé personne avec une de ses quatre roues. Ce «coup de roue», venu de l’anglais, est plutôt un «coup de volant» («wheel»).

À votre service.

 

Référence

La Palme, Laurence, Jour de clarté. Roman. Tome 1, Montréal, Le Cheval d’août, 2025, 140 p.